Ce que nous apprend l’assemblée de Borduas

Forces et faiblesses de Pierre Curzi

2011 - actualité souverainiste

Comme plusieurs centaines d’autres, j’ai assisté à l’assemblée de Pierre Curzi dans Borduas. Je veux revenir sur la situation du démissionnaires Pierre Curzi. À cet égard, l’assemblée a révélé les grandes qualités de M. Curzi, mais aussi ses faiblesses.
Tout d’abord, personne ne va douter de la sincérité, de l’honnêteté de l’homme et de ses talents oratoires. Il a affirmé avoir démissionné sur des questions de principes (il ne pouvait voir son parti empêcher des citoyens de recourir aux tribunaux dans l’affaire de l’amphithéâtre; il ne pouvait accepter l’imposition de la ligne du parti au caucus sans discussion en caucus), il l’a expliqué de façon convaincante, et il nous a parlé de son avenir et de ses préoccupations. Je ne reviendrai pas sur le compte rendu somme toute fidèle qu’en ont fait la presse et Robert Barberis-Gervais ici même dans Vigile. Bon nombre de choses toutefois méritent commentaires ou questions.
Après avoir affaibli le Parti québécois en démissionnant du caucus, M. Curzi dit souhaiter une coalition indépendantiste aux prochaines élections, mais il ajoute du même souffle ne pas avoir la moindre idée comment y arriver. Une telle affirmation m’a laissé pantois. Énoncer une telle évidence avec conviction, et s’avouer incapable de même proposer un moyen, un cheminement pour y arriver illustre un désarroi intellectuel et une naïveté politique désolants. Il avait préalablement indiqué qu’il n’était pas question pour l’instant d’annoncer la formation d’un nouveau parti politique. Ouf! C’aurait été le restant (il a fallu à un René Lévesque au sommet de ses moyens plus de huit ans entre la formation du Mouvement Souveraineté-Association et la prise du pouvoir, et il s’agissait de René Lévesque). En politique, il faut faire plus qu’énoncer des problèmes, de montrer des solutions, il faut indiquer minimalement comment on compte atteindre ses objectifs et résoudre les problèmes. Autrement, on n’est rien d’autre qu’un rêveur sans grande consistance. Ou bien un homme politique qui veut devenir chef sans en avoir les qualités.
Plutôt que de s’atteler à réunir les forces indépendantistes, M. Curzi s’intéresse désormais à la proportionnelle. Là, les bras m'ont tombé. Il n'y aura pas de proportionnelle lors des prochaines élections. Plutôt que l’essentiel, l’indépendance, on fait diversion sans avoir trop réfléchi sur un mode de scrutin qui a certes des avantages, mais qui a un lot d’inconvénients; tel qu’à chaque fois qu’un participant lui en signalait un, M. Curzi s’empressait de rajouter que la proportionnelle n’est pas parfaite et qu’il fallait réfléchir encore pour l’adapter ici. Ça ne s’améliore pas en termes de réflexion politique. Ce débat sur la proportionnelle dure depuis des lunes, a accouché de discussions, cahiers de réflexion, livres blancs et autres moyens d’en reporter l’étude et l’adoption aux calendes grecques. Pendant qu’on discute de ça, on ne parle pas d’indépendance, on ne parle même pas du partage des pouvoirs et de la représentation des régions. Il y a bien d’autres façons de faire efficacement de la démocratie, et il ne faut pas aller plus loin qu’aux États-Unis pour voir un système unique qui marche bien. Faut-il rappeler que les Américains ont fait leur indépendance d’abord, ensuite cette réflexion.
M. Curzi a fait preuve d’un jugement politique pitoyable ce mardi, et j’avoue ma grande déception. Seul comme il l’est, jamais il ne pourra faire avancer le dossier de la langue française autant qu’il l’a fait au PQ. Idem pour sa réforme du mode de scrutin. Car ce qu’il faut rappeler, c’est qu’il va y avoir des élections un jour ou l’autre, et que les meilleures idées resteront des idées et rien de plus si le pouvoir nous échappe. Et que tout seul dans son coin, s’il est réélu, il faut souhaiter bonne chance à M. Curzi pour en faire avancer une seule un tant soi peu. Et sans vouloir être méchant, est-ce que sa démission contribue à ce que le Parti québécois prenne le pouvoir? Car si ce n'est pas le Parti québécois qui prend le pouvoir, ce sera qui? Le parti libéral qui le gardera? Le parti de François Legault-ADQ? Pensez-vous sérieusement que Québec Solidaire pourrait refaire le coup du 2 mai comme le NPD? Et si les gens de Québec Solidaire pensent ça, une coalition des forces souverainistes sera difficile à faire.
Pierre Curzi a démissionné pour des raisons de principes. Jean- François Lisée a donné une alternative à cette démission sur son blog. Une autre façon de se comporter aurait pu consister à défier l’autorité de Mme Marois sur cette question, et l’informer qu’il ne pouvait ni suivre sa ligne, ni rester chez lui, ce qui revient à s’abstenir, mais bel et bien voter contre la Loi 204. La tâche de l’expulser revenait à la chef, et je crois qu’elle aurait ainsi compris plus vite le bourbier dans lequel elle s’était placée. Mais c’est toujours plus facile de réécrire l’histoire que de la faire. Par contre, c’est quand ils la font que ressortent les grands hommes.
Si j'habitais son comté, j'aurais de la difficulté à voter pour lui malgré toute l'estime que je porte à l'homme. Car l'homme politique, dans toute cette affaire, a fait preuve, à mon avis, d’un jugement défaillant. J’admire les gens de principes, mais j’admire encore davantage ceux qui sont capables de faire avancer leur société tout en les respectant. Ce n’est pas en devenant un député indépendant que M. Curzi va faire avancer ses idées. En politique, il faut savoir non seulement quoi faire, mais comment et quand.
J’ignore où se situent les autres démissionnaires du PQ. Benoît Charrette irait chez Legault. Legault aura au moins l’utilité de purger le PQ d'un de ses éléments fédéralistes et conservateurs. Ce sont ces éléments qui se lamentent que le PQ est aux mains d’une bande d’extrémistes qui rêvent de voir appliquer … l’article 1 du programme de ce parti. Ils n’ont rien à faire au PQ, ils devraient aller avec Legault qui va les mener nulle part. Mais il aura au moins eu le mérite de nous débarrasser de ce bois mort qui traîne au PQ depuis trop longtemps.
Et si le PQ continue à flirter avec les fédéralistes mous, les indépendantistes risquent de rester chez eux encore une fois lors des prochaines élections, ou d’aller chez Québec Solidaire, la filiale non déclarée du parti néo-démocrate. Et aucune des idées sociales démocrates du PQ ou de QS ne va se matérialiser, encore moins celle de l’indépendance, ce sera le parti libéral (je sais qu’il faudrait une majuscule à parti, mais avec l’adjectif qui suit, ce n’est plus un nom propre) qui gardera le pouvoir.

Tant au PQ que chez les démissionnaires, il est encore temps de se ressaisir, sinon il faudra attendre encore Dieu sait quand, Dieu sait quoi pour enfin avoir un pays.


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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    26 juin 2011

    "Réaction" selon le petit Robert: (1796) mouvement d'idées, action qui s'oppose au progrès social issu des principes de la Révolution et vise à rétablir les institutions antérieures.
    La loi de Godwin
    Les initiés d’Internet l’appellent la “loi de Godwin”, du nom d’un professeur de Yale qui l’a énoncée. Elle est très simple : plus une discussion sur le Web dure, plus la probabilité d’y trouver une comparaison avec les nazis est grande. Le procédé a cours depuis belle lurette dans le débat politique et intellectuel français, sur à peu près tous les sujets, et il faut reconnaître qu’il est assez commode.
    Quand vous êtes à court d’arguments dans une discussion, levez les yeux au ciel et dites d’un air grave : “Tout cela me rappelle les heures les plus sombres de notre histoire.” L’effet de sidération est à peu près garanti. Même Jean-François Copé est resté quelques instants incrédule quand Roland Dumas (à propos de ses propositions sur la burqa) l’a comparé aux législateurs de Vichy .
    Pourtant, la réalité est simple : dans un débat, l’usage de l’amalgame, surtout s’il est infamant, est le plus beau des aveux d’impuissance.
    Ainsi donc aux mots: nazi, Goebbels, antisémite, Vichy, radical (employé par les Libéraux) il faut ajouter, gracieuseté de Pierre Cloutier, le mot réactionnaire. C'est une tentative de discréditer ceux qui ne pensent pas comme lui sur Pauline Marois. C'est une application de la loi de Godwin. Cela met fin à la discussion. Pour entrer dans l'esprit de la loi de Godwin, je devrais traiter Pierre Cloutier de misogyne, ou de fasciste ou de faire du terrorisme intellectuel. Mais je ne le ferai pas.

    Pour continuer dans la ligne de Louis Champagne, Les lecteurs de Vigile savent que le préféré de Pierre Cloutier est Bernard Landry. Il semble que quand Bernard Landry a été chef, Pauline Marois lui a mis les bâtons dans les roues. Le dernier à en parler fut Patrick Bourgeois. Lors de la course à la chefferie que Boisclair a gagnée, je n'ai pas voté pour Pauline Marois à cause de son manque de loyauté envers Landry. Nous avons voté pour Louis Bernard.
    A la suite du congrès de 2005, Pierre Cloutier est devenu un ennemi irréductible de Pauline Marois. Si j'avais vécu la même expérience que lui et si je savais tout ce qu'il sait, je serais peut-être de son avis. Mais avec tout ça, on vit dans le passé. Les mesquineries des unes et des autres sur les chefs du Parti québécois (voir Pierre Duchesne sur Landry et Parizeau; sur Bouchard et Parizeau) sont pour les militants de l'indépendance des sujets de tristesse et de découragement.
    Est-ce que la rancune et l'esprit de vengeance doivent déterminer nos positions politiques dans le présent?
    Robert Barberis-Gervais, 26 juin 2011

  • Louis Champagne Répondre

    26 juin 2011

    Bonjour Me Cloutier,
    Je suis vraiment désolé de vous avoir choqué à ce point. Que vous soyez maladivement contre Mme Marois vous regarde, je ne traitais pas d’elle dans mon texte, mais de M. Pierre Curzi. Le considérer comme un rêveur mal avisé, mais plein de bonnes intentions, en plus le démontrer, ça ferait de moi un réactionnaire. Puisque vous employez un pluriel, j'imagine que vous visez aussi Robert Barberis-Gervais, Benjamin Trottier, Nicole Hébert et combien d’autres !
    Le grand mot que voilà ! Quand on invective, on n'a pas à faire la preuve de ce qu'on avance. Comme bien d’autres, vous considérez que l’affirmation tient lieu de démonstration. Pour un avocat, ce n’est pas très fort, c’est le moins qu’on puisse dire. Quelle attitude navrante que la vôtre. Incapable de soutenir un argument, mais toujours sur la brèche pour râler contre tous ceux qui, selon vous, défendent Mme Marois, vous me lancez des chiffres d'un sondage et, pas n'importe lequel, un sondage CROP-La Presse. Il y a eu plusieurs articles sur Vigile faisant la preuve que les sondages CROP sont bidons et ne sont qu'un instrument de propagande de La Presse-Power Corporation. Les avez-vous lus et assimilés et en tenez-vous compte dans vos "analyses". Par votre commentaire, il semble que non.
    Parlons-en des sondages en général. Jean Charest végétait à peu près au niveau où vous situez Mme Marois il y a deux mois à peine, regardez-le aller maintenant. Vous pouvez donc m’en citer des sondages, ça ne m’impressionne pas beaucoup. P.M. Johnson ne devait faire qu’une bouchée de Robert Bourassa, André Boisclair était un politicien téflon, il devait bouffer Jean Charest en moins de deux, et si vous tenez à voir un fédéraliste dans ma galerie, songez un peu à Paul Martin; les sondages ne font que dire ce que les gens croyaient hier, et hier, il n’y avait pas d’élection. C’est l’argument de ceux qui n’en ont pas, les sondages, car comme d’autres choses en politique, ce sont des instruments bien dangereux dans les mains d'un adversaire ou d’un innocent. Je n’ai jamais abordé la part de responsabilité des démissionnaires dans ce que pense la population du PQ, je ne fais que signaler ce que je crois être les faiblesses de M. Curzi. Vous pouvez m’invectiver tant que vous voulez, vous ne faites rien progresser, sinon la connaissance de votre vraie valeur et de vos impulsivités. Tout le monde ne peut pas avoir été traumatisé par le congrès de 2005.
    Pour faire avancer le débat, j’apprécierais que vous mettiez au moins un nom sur l’éventuel successeur de Mme Marois, avec quelques arguments au soutien de votre choix. Je ne tiens pas à elle mordicus, je ne demande qu’à en discuter, mais encore faut-il que les interlocuteurs soient non seulement désireux de discuter, mais capables de le faire. Je ne sais pas si votre préféré obtiendrait un gros score dans les sondages…puisque c'est là votre seul argument…les sondages.
    Louis Champagne, ing.

  • Archives de Vigile Répondre

    25 juin 2011

    Tiens, tiens les réactionnaires qui se manifestent encore.
    Et Pauline Marois, elle n'en a pas, elle des faiblesses, avec son plan Marois de merde qui ne nous mène nulle part?
    Taux de popularité : 15%
    Intentions de vote pour le PQ : 18%
    Continuez dans la même mélasse et ce sera la disparition du PQ. Bye Bye.
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    25 juin 2011

    Les Québécois rêvent de changement. Ils sont prêts a jeter par dessus bord les vieux partis (PQ et PLQ) ainsi que leur vieux discours redondant. Dans les circonstances les indépendantistes doivent prendre acte de la mauvaise humeur de la population et s'ajuster en conséquence si on veut espérer faire du Québec un pays. Les indépendantistes ont le choix, soit de voter pour le PQ de Mme Marois et se diriger vers une défaite quasi certaine, soit de s'abstenir et laisser Legault faire la preuve que sans tout le coffre à outil le Québec ne pourra jamais s'épanouir et progresser librement comme nation, ou enfin, d'investir le PI ou en créer un nouveau avec un nouveau chef et une nouvelle démarche (élection décisionnelle). Avec cette troisième option les Québécois auraient vraiment du nouveau. Fini le référendum qui est associé au mot échec, défaite. De plus l'élection décisionnelle aurait l'avantage d'avoir une consultation à chaque élection générale.
    Les Québécois semblent chercher le changement à tout pris, pour ça nous devrions avoir le courage de dépoussiérer notre stratégie sans en compromettre le but principal.
    Un nouveau parti, un nouveau chef et une nouvelle démarche.
    Les Québécois en veulent du nouveau...

  • Archives de Vigile Répondre

    25 juin 2011

    Merci de cette lucidité. Et de ce réalisme
    Nicole Hébert

  • Archives de Vigile Répondre

    25 juin 2011

    J'y étais aussi. Je partage votre analyse, sur le manque de sens politique de M. Curzi.
    Mme Marois est condamnée au centre, à être désertée par les extrémistes de droite et de gauche, entre ceux qui sont pressés par un référendum et ceux qui ne veulent pas en entendre parler d'ici la prochaine élection et le premier mandat du PQ.
    S'il n'y a pas assez de modérés au Québec, Mme Marois va se faire laver avec le PQ, comme M. Duceppe l'a été le 2 mai dernier, au fédéral.

  • Archives de Vigile Répondre

    25 juin 2011

    Ce que nous apprend l'assemblée de Borduas.
    Comme toujours Monsieur Merci pour le courage et la
    lucidité de votre discours.
    Ce que je pense de Pierre Curzy ?
    La manière de d'agir d'un homme
    est le résultat direct
    de sa manière de pensée.
    Il pense floue ?
    Donc il agit floue
    Et comme vous le dites avec une telle clarté
    et franchise
    Bravo ! Merci
    Monsieur
    le militant