Mme Marois et les démissionnaires doivent régler leurs différends

Pacte électoral - gauche et souverainiste


« La Presse » nous informait ce matin que le PQ remettait en question l’application de la Loi 101 aux cegeps. Informer devrait être le premier objectif de ce journal. Je viens de recevoir du PQ un courriel qui remet les pendules à l’heure. L’application de la loi 101 aux cegeps est une proposition adoptée par le dernier congrès et fera partie de la plateforme électorale du PQ, point à la ligne. Ce qui nous ramène au débat qui fait rage au PQ sur le leadership et le retour éventuel des démissionnaires. Mme Marois les a invités à revenir en admettant avoir fait une erreur en ce qui concerne la Loi 204. Que penser de cette offre de la chef du PQ ?
Plusieurs croient qu’elle tente de leur rejeter la responsabilité des conséquences de leur décision, sans vraiment croire qu’ils devraient revenir. Je vais revenir sur ces conséquences, mais même s’il est tout à fait possible que ce soit ce qu’elle est en train de faire, les quatre devraient y penser deux fois avant de refuser. Car il leur est loisible de demander des changements à un certain nombre de choses avant de regagner les rangs. Autrement dit, lui proposer des négociations pour un éventuel retour. La réponse de Mme Marois permettra d’évaluer le sérieux de son offre.
Les récriminations des démissionnaires méritent examen, j’en avais soulevé avant que n’éclate cette crise au PQ. Elles sont de deux ordres. Tout d’abord sur le style de leadership ou sur la façon de faire de la politique. On lui reproche, et pas seulement à elle, une forme d’autoritarisme qui surprend, puisque beaucoup lui reprochaient le contraire, son consensualisme. Les démissionnaires et elle peuvent discuter là-dessus, chacun connait très bien à qui il a affaire. Il ne serait pas bien difficile de trouver des règles de fonctionnement respectueuses des députés et de l’efficacité parlementaire. Si ce que M. Barberis-Gervais rapporte de sa chef de cabinet est vrai, Mme Marois devrait lui montrer la porte, même si les députés ne revenaient pas. Provoquer des députés en leur disant qu’ils n’oseront pas démissionner la disqualifierait à l’évidence. Mais cette nouvelle vient d’où ? Vous comprendrez mon scepticisme après ce qu’on peut lire comme « information » dans La Presse de ce matin.
L’autre ordre de difficultés pose un problème plus délicat. Il concerne le processus d’accession à l’indépendance et de la personnalité de Mme Marois. Je vous renvoie au texte de M. Barberis-Gervais sur Vigile où il donne les communiqués des députés démissionnaires ou une transcription de leurs propos (je l’en remercie d’ailleurs). M. Aussant reconnait que Mme Marois est une personne exceptionnelle, mais il fait aussi justement remarquer que la liste des personnes exceptionnelles est plus longue que celle des libérateurs de peuple. Deux commentaires là-dessus. Lors de son passage au Québec, Tocqueville appelait déjà de tous ses vœux un libérateur pour nous. Il ne reconnaissait ce statut ni à Papineau ni à Viger qu’il avait pourtant rencontrés. Ça fait 180 ans, et nous cherchons encore un. Malheureusement, ni Lévesque ni Parizeau n’ont réussi à nous libérer. À leur décharge, je crois qu’il faudrait un Gandhi ou un Mandela, et des individus de ce gabarit ne courent pas les rues. Ce qui m’amène au deuxième commentaire. Les leaders charismatiques ne sont pas légion, et il y a là plus de faux prophètes que de vrais. Pour un Gandhi ou un Mandela, le vingtième siècle a aussi connu Hitler, Mussolini, sans oublier Staline. Je suggère donc à M. Aussant de nous présenter la perle rare s’il l’a trouvée, ou de faire des compromis si ce n’est pas le cas. Comment ? Même si les négociations me semblent plus difficiles sur ce point, il me semble qu’on pourrait resserrer davantage la démarche d’accession à l’indépendance pour lui donner plus de mordant et de crédibilité, d’enfin se décider d’en parler dans un langage que vont comprendre les Québécois et de ne plus se laisser distraire par des dossiers locaux, marginaux et qui vont diviser plus que rassembler. Il va falloir se résigner à y aller à la pièce plutôt que de faire l’indépendance d’un seul coup.

La tâche n’est pas facile, mais dans le contexte actuel, si on laisse aller les choses, il va falloir souhaiter qu’une vague fasse élire Québec Solidaire. Si Mme Marois n’a pas l’étoffe d’un libérateur, malgré tout le respect que j’ai pour Amir Khadir, il l’a encore moins. Et à ce chapitre, la charité chrétienne m’interdit de qualifier Françoise David. Et je crois que pour peu que le fédéral leur passe quelques mesures sociales comme le ferait leur allié Layton, ces deux là vont aussitôt oublier leur ferveur indépendantiste.
Legault serait nationaliste, mais seul M. Bousquet semble savoir ce qu’il cache derrière cette affirmation, si tant est qu’il cache quelque chose. Il est populaire dans les ? André Boisclair, Pierre-Marc Johnson aussi l’ont été, et bien davantage. Les Québécois vont vite comprendre et disposer de son insignifiant discours affairiste.
Il y a tout lieu de craindre que le seul gagnant de cette triste histoire sera Jean Charest, le pire premier ministre de l’histoire du Québec. Avant de lui redonner un autre quatre ans qui va coûter Dieu sait quoi au Québec, nos quatre démissionnaires et Mme Marois pourraient-ils trouver assez de sens des responsabilités pour s’assoir et régler leurs différends. Le sort du Québec me semble plus important que cette dispute.
Louis Champagne, ing.


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1 commentaire

  • Nicole Hébert Répondre

    12 juin 2011

    Je suis d'accord avec vous, M. Champagne, et j'espère que ces personnes, Mme Marois et les démissionnaires, saisiront dans les prochaines semaines - qu'ils prennent leur temps - cette occasion de réfléchir et de faire avancer les choses, la politique et la cause de la souveraineté. Vous présentez les évènements et leurs composantes de façon claire et dans toutes leurs dimensions.
    merci!
    Nicole Hébert