Le PQ et les suites du 2 mai

Tout devient possible, même une cinglante défaite

Pacte électoral - gauche et souverainiste

Note au lecteur : Ce texte a été écrit avant que ne survienne la crise qui frappe le PQ. J’avais décidé de ne pas le diffuser, je ne le croyais plus pertinent, la crise prenant le pas et occupant toute la scène. À la réflexion, j’ai changé d’idée, et je laisse le lecteur en décider.
Louis Champagne
Comme bien d’autres, les résultats des élections du 2 mai m’ont jeté par terre et amèrement déçu. Une fois passé le choc de la défaite du Bloc, il faut se poser la question des causes et des conséquences. Une raclée de cette ampleur devra faire l’objet d’une analyse serrée, et s’il le faut, modifier le discours et les pratiques de tous les partis politiques au Québec. À cet égard, c’est à une analyse politique que je compte m’atteler. Je suis du même avis que M. Barberis-Gervais là-dessus, c’est une défaite politique que nous avons encaissée, et ses causes sont d’abord politiques. Cette défaite, bien qu’amère, ne me fait pas assez souffrir pour que je crois utile de la soumettre aux incantations de la psychologie des profondeurs. Ne pas l’analyser, refuser de la comprendre et d’en prendre acte auront des conséquences imprévisibles et causeront d’autres défaites, pires encore si c’est possible.
Tout d’abord, il faut se pencher sur l’histoire du Bloc québécois. Il est né de l’échec des accords du Lac Meech, d’une alliance de députés libéraux et conservateurs déçus; ses co-fondateurs étaient Lucien Bouchard et Jean Lapierre. Il devait veiller aux intérêts du Québec en cas de crise constitutionnelle ou de référendum. Il s’est rapidement associé au Parti Québécois sur le terrain, mais a collaboré avec tous les gouvernements québécois depuis sa fondation. Il était dès lors évident qu’il n’atteindrait jamais le pouvoir, seul ou avec d’autres. Il s’est même retrouvé opposition officielle et y a joué effectivement et ma foi plutôt bien, un rôle canadian à son corps défendant. Lors du référendum volé de 95, et ensuite pour l’acharnement à mettre à jour le scandale des commandites, il a su gagner la confiance de tous les Québécois. La qualité de sa direction (même Lucien Bouchard y a montré que ce n’est pas le talent qui lui manquait) lui a assuré le respect non seulement de tous les Québécois, mais de beaucoup de Canadians.
Ni les conservateurs ni les libéraux n’ont trouvé d’autres arguments pour le contrer que de remettre en question le bien fondé de son existence : condamné à l’opposition, éternel poseur de questions, ils n’ont jamais changé le fond de leur discours pour le déloger. Les libéraux sont restés fixés à la belle époque de Trudeau et prétendent que ce sont les Québécois qui ne les comprennent plus, et les conservateurs ont fait de beaux sourires et des mamours de toutes sortes, mais quand leur vraie nature s’est montrée au grand jour, avec les âneries débitées par les Blackburn et autres Bernier, les Québécois ne les ont plus pris au sérieux. Restait le parti le plus centralisateur, socialisme oblige, et qui a toujours approuvé la Loi sur la clarté. Personne ne prenait au sérieux le NDP. Que s’est-il donc passé ?
Il n’y a pas qu’un facteur qui ait joué, mais je vais en suggérer quelques-uns, sans les ranger par ordre d’importance. Tout d’abord, le vote stratégique a fait une apparition discrète qui a joué un sale tour à ses concepteurs. Il visait à utiliser internet pour empêcher Harper d’obtenir le pouvoir ou à tout le moins une majorité absolue en votant pour n’importe qui dans chaque comté. Combiné à de douteux au Québec, ce stratagème a produit des effets pervers. Plusieurs personnes ont décidé de voter NDP au Québec pour faire battre les conservateurs. Ce qui a fini par se retrouver dans les sondages et a fait boule de neige au Québec. Comme ces sites sont coast to coast, les Ontariens ont réalisé que le vote stratégique favorisait le NDP. Les moins conservateurs ont suivi, mais ceux qui ne voulaient pas des socialistes ou qui voulaient un député du bon bord ont voté …conservateur. Le résultat des élections démontre la grande utilité du vote stratégique : Harper est au pouvoir, avec une majorité absolue, et au Québec, le Bloc et les libéraux sont pour ainsi dire disparus. En ce qui concerne les conservateurs du Québec, la cause était entendue. Il faut se demander maintenant pourquoi les électeurs québécois n’ont eu aucune gêne à battre un parti et des députés qui dans l’ensemble, étaient beaucoup plus compétents et intègres que tous les autres et qui les servaient très bien depuis des années pour les remplacer par une bande de dangereux amateurs. Ils auraient aussi bien pu voter stratégiquement pour eux.
Je crois qu’il faut chercher la réponse à Québec plutôt qu’à Ottawa. Le PQ et le Bloc avaient partie liée depuis bien longtemps au Québec. Les organisations et les militants sont souvent interchangeables. Il semble n’être venu à l’idée de personne au Bloc d’aller chercher des appuis du côté de Québec Solidaire. En le faisant publiquement, cela aurait forcé ce parti à se commettre en expliquant sa réponse. Tout le monde aurait ainsi su à quelle enseigne logeait ce parti, à celle du Québec ou à celle de la gauche traditionnelle, pure et dure. Cela aurait pu conduire à crédibiliser cette formation, mais elle avait déjà démontré qu’elle n’avait pas besoin du Bloc pour faire ça. Bref, le Bloc est resté à la remorque du PQ. Or quels discours tenait le PQ depuis un certain temps ?
Dans le domaine de la langue, le grand débat semblait d’établir le moyen le meilleur et le plus rapide pour rendre nos enfants bilingues. Dans le domaine constitutionnel, la position du PQ est tellement sibylline qu’il faut à tout le moins un doctorat en herméneutique ou en exégèse pour la décoder. Il a fallu un débat de tous les diables pour faire adopter une proposition pour étendre la Loi 101 au niveau collégial ! Et la direction du PQ avait déjà invité les Québécois à lui montrer la voie (par des manifestations ou d’autres actions militantes) pour faire avancer le dossier linguistique. Adieu militantisme, adieu leadership, vive les sondages. Ce que les électeurs ont retenu, c’est que le PQ ferait tout pour éviter de faire des vagues avec Ottawa ou en matière de culture. Sans crise constitutionnelle à l’horizon, sans revendication importante et claire pour lesquelles il faut mobiliser les militants et le Québec en entier, le Bloc perd sa raison d’être. Dans ces conditions, les quelques phrases de Layton sur le respect de la langue française et de la culture québécoise ont semblé aux électeurs plus avantageuses que le charabia qu’on leur servait. Du moins les comprenaient-ils ! Faire avancer ainsi le dossier de la langue peut représenter une sorte de victoire du Bloc, mais à quel prix !
Enfin, dans une moindre mesure, l’empressement d’aller en élection n’a servi ni les libéraux ni le Bloc. Seul Layton a tenté de faire améliorer le budget pour les retraités les plus démunis. Comme il estimait insuffisant ce que Harper avait mis sur la table, il a fini par s’opposer au budget, après être allé chercher un peu d’argent pour les plus démunis, et non sans avoir fait le plein d’électeurs mécontent d’avoir été oubliés par les deux autres partis.
Je crois que ce sont là les principales raisons de notre défaite. Le PQ doit prendre acte de ce qui le concerne dans ce constat. Les électeurs ne comprennent rien à ses positions constitutionnelles. Ils ne voient pas, et pour cause, ce qui le différentie des autres sur la langue, sinon l’application de la Loi 101 aux Cégeps mais avec la possibilité d’un recul là-dessus comme pour l’affichage unilingue. Avec de telles propositions, nul besoin de mobiliser les militants. Les électeurs ont pourtant passé un message clair, et ce n’est pas en agissant comme s’ils s’étaient trompés et qu’ils allaient le regretter qu’on va aller bien loin.
Car il y a une autre leçon, terrible celle-là, à tirer de cette défaite. Les électeurs n’ont pas peur du changement. Et si on sait lire un résultat électoral, ils n’ont pas tourné à droite pour agir. Legault, Delteil et autres Mario Dumont peuvent bien rêver, quand ils ont une alternative le moindrement crédible à gauche, les Québécois n’ont pas peur d’y aller non plus. Les dernières élections l’ont bien démontré, tout est possible. S’ils ont fait disparaître sans sourciller les Gilles Duceppe et autres ténors du Bloc pour une bande de blancs becs inexpérimentés et à peu près totalement inconnus, ils n’hésiteront pas à faire de même avec le PQ. Est-ce qu’on peut espérer du PQ autre chose qu’un débat sur l’utilité d’appliquer ou non des lois réputées d’intérêt public à un maire mégalomane, et passer à l’offensive sur la question nationale ?
Continuer à niaiser ainsi va mener le PQ à la même place que le Bloc. Car n’en déplaise à la direction péquiste, c’est ceux qui soutiennent Labeaume qui niaisent, et tant les Libéraux qu’Amir Khadir ont tout intérêt à voir durer ça le plus longtemps possible. Comprendre des erreurs est difficile, perdre la face en admettant une erreur n’est pas drôle, mais la perpétuer dans le contexte actuel est suicidaire. Quelqu’un peut-il comprendre cela au PQ svp. Et revenir à la raison d’être du PQ au plus tôt ! Le PQ devrait cesser de ne chercher rien d’autre que des conditions gagnantes pour prendre le pouvoir et chercher plutôt celles qui nous permettraient enfin d’accéder à l’indépendance.
Louis Champagne, ing.


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