Le référendum écossais et le Québec

Tribune libre

N.B. Ce texte est la suite de La Lettre à Pierre-Karl Péladeau sur le référendum (1) de RBG, Tribune libre, 4 octobre 2014.

Nous proposons que l'article 1 du programme du Parti québécois se lise comme suit:

« La priorité du Parti Québécois, qui conditionne toutes ses actions, est de réaliser l’indépendance du Québec de manière pacifique et démocratique ».

Comme le disait PKP lui-même à Gérald Filion à RDI économie, le référendum n'est qu'une modalité démocratique parmi d'autres.

Nous proposons de revenir à la position de René Lévesque et Jacques Pariizeau, celle du PQ d'avant 1973-1974, et que la priorité soit l'élection d'une majorité de députés indépendantistes à l'Assemblée nationale.

Pour se débarrasser du verrou référendaire, il faut avoir une juste conception des pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec.

Une référence au référendum qui a eu lieu en Écosse peut être ici utile.

On pourrait dire: l’Écosse et le Québec, même combat, mais a-t-on les mêmes moyens ?

Le référendum écossais a fait couler beaucoup d’encre ici, et aura permis à nombre d’indépendantistes d’aller faire du tourisme politique en Écosse. Un référendum portant sur l’indépendance d’un peuple, régi par un Parlement britannique, qui avait donné lieu à une question et à une démarche d’accession à l’indépendance, toutes deux consensuelles, il y avait de quoi rêver. Il suffisait d’une majorité simple pour gagner (Dion et Chrétien pouvaient aller se rhabiller). En plus, partis de peu, les appuis au OUI ont atteint des sommets inespérés. Il y avait de l’effervescence dans l’air jusqu’ici. Finalement, les résultats ont été décevants. Que reste-t-il de ce débat ? Notre situation se compare-t-elle à celle des Écossais ? Pouvons-nous tirer quelques leçons de ce qui s’est passé là-bas?

La majorité simple

Le principe de la majorité simple a été clairement convenu bien avant la tenue du référendum. Ce principe a été remis en question uniquement par Dion et Chrétien, L’argument de Jean Chrétien : « la madame qui oublie son sac à mains et ne peut se rendre voter » est à faire pleurer. Quant à Dion, puisqu'il ne faut pas toucher à la Constitution de 1982 de Trudeau, la majorité obtenue ne sera jamais suffisante. La mauvaise foi du duo Chrétien-Dion nous pousserait à prendre les armes pour nous libérer, comme l’ont fait les Irlandais et les Algériens, entre autres. Nous n’en sommes pas là, Dieu merci. On voit où nous mènent nos deux Canadiens français de service qui ont perdu, quant à nous, le peu de crédibilité qui leur restait. Passons aux choses sérieuses.

Une majorité en faveur de l’indépendance peut s’exprimer de bien des façons suite à une élection ou suite à un référendum ou les deux à la suite l'un de l'autre. Mais qu'un parlement de tradition britannique reconnaisse la majorité simple à un référendum et qu'en plus ce soit Westminster, le Parlement d’où vient la tradition, voilà qui est rassurant pour notre démocratie.

L’obligation d’un référendum

Après deux référendums au Québec en 1980 et 1995, il va être difficile de réviser cette modalité. La course officielle à la direction au PQ n’a pas débuté qu’à l'exception de PKP la plupart des autres candidats sont tombés dans le piège référendaire, confondant un moyen, le référendum, et sa finalité, l’indépendance.

Tout d’abord, il y a des cas récents où l’indépendance d’États s’est réalisée sans référendum. Il n’y en pas eu en Tchécoslovaquie quand Tchèques et Slovaques ont divorcé à l’amiable. Pas plus qu’à Terre-Neuve pour le Statut de Westminster.

Cette obligation au Québec relève donc de la coutume. Rien n’oblige à tenir un référendum avant de pouvoir négocier avec le fédéral: un vote majoritaire de l’Assemblée nationale pourrait enclencher le processus de négociation, dans la mesure où le gouvernement aurait reçu de la population un mandat clair pour agir ainsi. Il existe donc d’autres scénarios que celui d'un référendum qui serait obligatoire avant d'enclencher quoi que ce soit. Une chose est certaine, fixer maintenant la date d'un référendum, le plus loin ou le plus proche possible, et formuler la question, aussi claire soit-elle, est prématuré. Le débat commence. Que le débat ait lieu et que des décisions soient prises après le débat. Il faut remettre en question le référendisme de Lévesque-Morin qui a été accepté par Jacques Parizeau «parce que le congrès de mon parti l'a décidé» dit-il. Fixer les modalités de la démarche à suivre comme l'ont fait plusieurs candidats à la chefferie du PQ supposait qu'il fallait accepter sans discuter ce qui a été fait en 1980 et en 1995. Or, il faut en discuter. Et remettre en question la modalité référendaire.

Il est plus urgent d’expliquer à la population pourquoi il faut faire l’indépendance en 2014, et le rôle que les militants devront jouer pour nous y mener. Mais il faut surtout réfléchir sur les pouvoirs de l'Assemblée nationale.

Les pouvoirs de l’Assemblée nationale

Depuis quelques années, Westminster a créé un parlement écossais, avec des pouvoirs législatifs et exécutifs très précis. Ceux qui veulent en savoir plus sur le parlement écossais, son histoire et ses pouvoirs peuvent consulter le site Wilkipédia sur le sujet: Parlement écossais. Ce qui est intéressant ici, c’est que ce n’est pas ce Parlement qui a fait entrer l’Écosse dans le Royaume-Uni, et qu’il n’a pas les pouvoirs de l’en faire sortir. Il s’agit là d’une différence fondamentale avec l’Assemblée nationale. C’est l’Assemblée nationale qui a fait entrer le Québec dans la confédération canadienne, sur un vote à la simple majorité des députés. Nul ne sait combien d’électeurs étaient d’accord, le vote des députés a suffi. Et pour sortir de la Confédération, il faudra à un moment donné un vote majoritaire de cette Assemblée. Les Écossais n’ont pas cette chance. Dans l’état actuel des choses, ils ont reconnu que Westminster avait ce pouvoir, ils ont même accepté qu’il fixe les modalités du référendum. En fait, étant donnés les pouvoirs respectifs des parlements anglais et écossais, ça ne pouvait guère se faire autrement. Ce n’est pas le cas ici. Westminster avait des raisons pour agir ainsi, Ottawa n’a jamais même considéré faire approuver la création du Canada par un vote référendaire. Il a finalement proposé une démarche référendaire seulement pour Charlottetown et ce référendum a été perdu par Ottawa.

Il est pour le moins hasardeux de comparer la situation juridique des Québécois et des Écossais et de leur parlement respectif.

Les réformes constitutionnelles

Quand, à la surprise générale, le OUI a pris l’avance dans les sondages, les chefs des partis de Westminster ont immédiatement réagi en promettant de profondes réformes quant au partage des pouvoirs entre Westminster et Holyrood, le parlement écossais. Air connu direz-vous ! Oui, mais là aussi, de profondes différences viennent colorer la promesse. Ici, Trudeau a eu beau jeu de réaliser ses ambitions politiques, rapatrier la Constitution et l’assortir d’une Charte des droits et libertés. La Constitution de 1982 est pratiquement inamendable. Elle n'a pas été signée par les gouvernements du Québec et n'a pas été adoptée par référendum. La promesse de changement, «nous mettons nos sièges en jeu», était un mensonge qui a trompé bien des Québécois en 1980. On se souviendra des réactions de fédéralistes sincères, des pleurs de Solange Chaput-Rolland jusqu'aux protestations de Claude Ryan. Si Trudeau n'a pas eu besoin d'un référendum pour agir sans le consentement du Québec, pourquoi le Québec aurait-il nécessairement besoin d'un référendum pour enclencher un processus d'accession à l'indépendance?

Ce n’est pas la même chose en Angleterre. Il n’y a pas de provinces, grandes et petites, de territoires et de Parlement canadien à enligner, Westminster peut agir à peu près unilatéralement. Il n’y a que deux Chambres, et encore, quand les Communes sont unanimes comme ils l’ont promis, les Lords devraient maugréer, mais suivre. Le processus est infiniment moins complexe qu’ici. En fait, ici, le processus d’amendement de la Constitution vise à ne produire aucun amendement significatif à la Constitution. Nos politiciens ont donc beau jeu de dire qu’amender la Constitution est peine perdue, et qu’il faut accepter le Canada tel qu'il est, ou encore faire semblant comme c’est le cas au Québec depuis plus de trente ans. Le fruit ne sera jamais mûr pour réparer les torts que le Québec a subis en 1982.

Les Écossais ont donc des attentes légitimes, et Westminster a la capacité et l’obligation de respecter les engagements qui ont été pris pour que le NON gagne. C’est ce qui va être livré qui va être intéressant à examiner. Dans la mesure où nous voudrons nous intéresser à la suite des choses en Écosse, ce sera un développement qui devrait prendre forme dans les prochains mois. Nous serons alors à même de voir jusqu’où un vrai parlement comme celui de Westminster peut donner des pouvoirs à un autre Parlement, celui de l'Écosse, pour continuer à gouverner cet autre État. Et voir si cela peut avoir quelque incidence ici. Mais encore une fois, a priori, les situations sont tellement différentes que les comparer est hasardeux.


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