Zélites et zélotes

Pour une poignée de dollars, combien parmi nos zélites seraient prêts à condamner sans procès d’insolents zélotes indépendantistes ?

Chronique de Louis Lapointe

Au Québec, les condamnations viennent vite. Les récompenses aussi. Souvenez-vous de ce groupe de résistants qui souhaitaient que la fête nationale de cette année soit célébrée uniquement en français. Joignant leurs voix à nos zélites zindépendantistes, nos bons chroniqueurs et éditorialistes s’en sont donnés à chœur joie pour condamner tous ces zélotes qui ont malhabilement manifesté leur opposition.

La même unanimité les avait animés lorsqu’il fut question de condamner Patrick Bourgeois pour sa présumée incitation à la violence un peu plus tôt cette année. Cela ne fut pas sans me rappeler le triste épisode des « chiffons rouges » de Bernard Landry.

Les zélites zindépendantistes craignent comme la peste les excès de langage des leurs, mais paradoxalement pardonnent assez facilement ceux de leurs adversaires.

Tous se rappelleront les paroles de VLB qui avait traité Michaëlle Jean de reine-nègre. Mais qui se souvient encore des propos controversés de Dany Laferrière:

« Si un petit groupe de gens croit qu’il peut changer les choses et pousser Michaëlle Jean à la démission, je tiens à les avertir que les Haïtiens et leurs nombreux amis sortiront pour la première fois dans les rues de Montréal pour défendre leur fierté bafouée ».

Comme si Michaëlle Jean avait été la représentante des Haïtiens à Ottawa, alors que la fonction de Gouverneure générale qu’on lui a confiée symbolise le pouvoir plénipotentiaire du conquérant anglais. Plusieurs indépendantistes avaient alors voulu réagir à ce qu'ils considéraient comme la trahison d'une des leurs.

Non seulement personne parmi nos zélites n’avait rappelé Dany Laferrière à l’ordre, mais à la suite de ses nombreuses sorties pour défendre la représentante de sa très britannique majesté la Reine de toutes les colonies anglaises au Canada, comme si on avait voulu le récompenser pour son geste héroïque, cela lui a valu plusieurs chroniques dont celles à l’édition estivale de «C’est bien meilleur le matin» et à «Je l’ai vu à la radio», des émissions animées par Franco Nuovo.

Si la Société Radio-Canada est devenue le repaire des convertis, elle est également la source de leur subsistance. À moins d’être sérieusement devenu masochiste, il est presque impossible d’écouter Radio-Canada sans éprouver après quelques minutes un malaise croissant. Comme une incompatibilité alimentaire qui se transforme peu à peu en fulgurante allergie, le danger croît avec l’usage.

Les billets de Pierre Bourgault à l’émission de Marie-France Bazzo font maintenant partie d’une époque révolue à la Société d’État. On ne pourrait plus imaginer aujourd’hui de semblables chroniques à l’émission de Christiane Charrette tant tout ce qui est radical l’horripile. Comment ne pas constater que ses recherchistes ont pour mission de recruter que de bons zindépendantistes parmi nos zélites comme l’ont été Diane Lemieux et Josée Legault lorsqu’elles ont condamné ceux qui souhaitaient une fête nationale uniquement en français?

Gageons que Marc Cassivi, un « indépendantriste » de la Presse qui a eu l'audace de condamner les « zélotes » de l’autre St-Jean dans une chronique signée le 24 juin dernier, se méritera certainement lui aussi une nouvelle chronique dans une émission de Radio-Canada.

Mais de tous les grands moments radio-canadiens qui m’ont le plus ébloui au cours des dernières années, figure ce jour où j’ai entendu Louise Forestier avouer à la radio n’avoir jamais été séparatiste de sa vie. La récompense ne s’est pas fait attendre longtemps. Elle aussi collabore maintenant avec Franco Nuovo et Dany Laferrière à « Je l’ai vu à la radio ».

Pour une poignée de dollars en cachet, combien parmi nos zélites seraient prêts à condamner sans procès d’insolents zélotes indépendantistes? Et pour quelques dollars de plus, quels sont ceux qui seraient prêts à se convertir en onde?

Le 5 août 2009

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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8 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    8 août 2009

    Ce comportement est vieux comme le monde. Selon la Bible, l'apôtre Pierre n'a-t-il pas renié son maître trois fois plutôt qu'une? Et Judas, lui, qu'a-t-il fait après avoir dénoncé son maître? Trahir ses convictions c'est souvent se condamner soi-même.

  • Archives de Vigile Répondre

    7 août 2009

    « Prévenir la trahison, débusquer le faux ami, le jaloux parent, le traître avant qu'il inocule son venin est une opération aussi complexe que de nettoyer l'anus d'une hyène. »

    Ahmadou Kourouma (1927-2003)
    Ecrivain ivoirien
    Extrait de En attendant le vote des bêtes sauvages

  • Archives de Vigile Répondre

    7 août 2009


    Le beurre : de l'or en barre.
    À votre question, je répondrais que beaucoup de zélites dans le monde des artistes condamnent les voix protestataires des zélotes affamés d'indépendance et de liberté. Et pourquoi ? Pour le beurre, le bel or mou. Aux dépens de la liberté parce que lorsqu'on est pauvre, on veut croire qu'on ne sait pas au juste où la liberté se situe. Fascinés par la hauteur des étoiles dans le ciel des arts, on veut y briller : qu'on reconnaisse enfin notre talent, notre génie, notre don. Qu'on nous voit ! À n'importe quel prix! On fait alors le choix d'être un-e artiste apolitique, universel-le, mondial-e, d'un continent à l'autre, d'un contrat à l'autre, hyperconnu-e, hypercyber-e, bilingue, trilingue, sourdingue à l'appel de cette incassable racine qui se nomme pays...et se loge dans le sang.
    Ça y est ! On réussit. Il suffit qu'on sache battre adroitement la crème à faire du beurre. Qu'on avoue avec innocence, pureté juvénile - la trahison n'a pas toujours une odeur fétide - :"Ah, moi, je n'ai jamais été...n'ai jamais vraiment cru...je n'aime pas la violence...je suis tout à mon métier.. la souveraineté, ah, je n'y crois pas, c'est dépassé...". Sourire angélique sous les projecteurs. Gueule étirée de vieille guenon qui ne voudrait pas manquer de faire un dernier p'tit tour de calèche sur la voie des ondes. On trahit. On se donne au Pouvoir et le Pouvoir fait feu de tout bois. Oh, c'est vicieux ! On s'y prend corps et pattes comme mouche dans pot de miel.
    Et le beurre se fait de plus en plus épais sur la beurrée, de plus en plus doré, au point que le pain nourricier s'y trouve dissimulé, masqué, voilé. Peu importe, alors, la main qui te nourrit. À force de bouffer gras et raffiné, de mettre du beurre dans les épinards, on a, à tout jamais, le dégoût de végéter, d'être pauvres, de tirer le diable par la queue.
    Et c'est alors que l'art devient ergotage de bouffons, cancan et verbiage au service d'une Radio sans âme. La passion est moribonde. Les pieds dans l'ombre.
    Tant pis pour la pauvre petite que l'on dit reine-nègre : elle est déjà passée. Et tant pis pour Laferrière qui s'écoute parler. Je me demande s'il a sauvé une seule personne de sa communauté depuis qu'il a montré les dents et grogné pour sauver le poste de sa gouverneure générale. Un poste de parade pour une jolie marionnette. Il était prêt à ameuter ses frères et soeurs pour ce symbole ? Chaque fois que Michaëlle Jean met les pieds au Québec sous ce symbole, c'est une insulte au Québec souverain.
    Il y a le choix d'être authentique. JE SUIS MOI. Je mange mes lacets de bottines et je suis dans le combat pour l'Indépendance du Québec. Je sais que tout ce qui brille n'est pas or, que le combat sera dur. Je sais. J'attends le coeur battant.
    J'attends aussi celui ou celle qui lira avec passion au marathon littéraire le poème de Gérald Godin MAL AU PAYS.

  • Archives de Vigile Répondre

    6 août 2009

    Radio-Canada qui était une référence journalistique en information, ne l'est plus depuis la grande frousse de 1995.
    Leurs cotes d'écoute au téléjournal du soir sont devenues dérisoires. Même TVA qui n'est pourtant qu'une simple télévision privée les devance depuis lontemps; ce n'est pas peu dire.
    Radio-Canada, à cause de la grande peur de 1995, a cessé d'être une grande télévision publique qui sert les intérêts de la population en générale pour devenir une petite télévision d'état au service de l'état canadien.
    Donc pas surprenant que le lien d'appartenance qui unissait les citoyens à cette, jadis, belle télévision publique se dissolve peu à peu pour n'en devenir que peau de chagrin.
    En biaisant continuellement l'impartialité de l'information le journalisme radio-canadien a fini par perdre sa crédibilité. Cette télévision ne représente plus et ne représentera plus jamais ce qu'elle a été avant la grande frayeur de 1995. Dommage pour les citoyens qui doivent payer de leurs taxes pour la soutenir artificiellement sur son socle effrité.
    Non à du journalisme inféodé au pouvoir étatique, oui à un journalisme professionnel impartial, libre et indépendant.
    Vive le Québec libre !!!
    Jacques Lamothe (Trois-Rivières)

  • Archives de Vigile Répondre

    5 août 2009

    Il y a surtout lieu d'applaudir les coupures de Harper à la SRC.
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    5 août 2009

    Il y aurait lieu de demander une enquête sur la gestion du personnel à Radio-Canada (télé entre autres). En effet, depuis un ou deux ans, on a sorti du placard des Bédard et autres vieux pour faire des reportages de temps en temps. Que dire de celui qui est à New York ? D'où sort-il? Que fait cette autre journaliste correspondante en Afrique? Est-elle en punition? Accompagne-t-elle un ami, un époux? À peine fait-elle quelques reportages dans une année... Pour avoir des nouvelles sur l'Afrique, il faut regarder TV5.
    Et il y en a certainement bien d'autres inutiles de ce genre.
    J'ai la conviction que la liste de paye à la SRC est longue comme le fleuve Saint-Laurent et grosse comme son édifice pharaonique de Montréal.
    Marie Mance Vallée

  • Archives de Vigile Répondre

    5 août 2009

    Vous avez tellement raison.... et j'ai déjà la nausée automnale depuis qu'on nous a confirmé la présence des Liza Frulla et Marie Grégoire à la reprise du Club des Ex....
    Et la complaisance de Simon Durivage à leur égard fait pleurer...
    Pus capable...

  • Michel Guay Répondre

    5 août 2009

    Et il en sera ainsi aussi longtemps que nous n'aurons pas réalisés notre indépendance .
    Les médias au Québec sont résolument fédéralistes et anti Québecois et l'élite indépendantiste est piègée au moindre mot
    Un seul mot de travers ou pas de la part d'un indépendantiste et toutes les lignes ouvertent en parlent jour et nuit et durant ce temps les pires crimes des fédéralistes restent impunis et passent même pour des actions honorables et patriotiques canadian dans tous les médias du Québec
    Dans un pays normal les médias défendent la nation qui les fait vivre , ici les médias sont nos pires ennemis allant à l'encontre de tous nos projets d'émancipation d'affirmation et de décolonisation