Le plan Marois

Le grand écart

Chronique de Louis Lapointe

Une des conséquences logiques de l'élection d'un Bloc fort à Ottawa est de conclure spontanément que cela protège le Québec contre d'éventuelles intrusions fédérales dans ses champs de compétences, alors que tout au plus, cela ne contribue qu'à maintenir le statu quo, comme nous l'avons vu avec la coquille vide de la reconnaissance de la nation québécoise par le gouvernement conservateur de Stephen Harper.

Nul doute que l'élection de trois gouvernements minoritaires successifs à Ottawa, grâce à l'élection d’une forte majorité de députés du Bloc québécois au Québec, n’a fait que renforcer davantage ce sentiment de fausse sécurité chez les Québécois et a paradoxalement contribué à la réélection d’un troisième gouvernement libéral de Jean Charest à Québec. Un gouvernement qui a adopté un immobilisme inquiétant dans la promotion des demandes traditionnelles du Québec auprès du gouvernement fédéral.
***

C'est parce que, contrairement à Robert Bourassa, Jean Charest n'a rien d'un réformateur que le Plan Marois a l'air si révolutionnaire aux yeux de nombreux Québécois qui confondent le chemin qui mène à la réforme de la constitution canadienne et celui qui conduit à l’indépendance. Délaissant la proie pour l’ombre, le PQ a malheureusement trop vite sauté dans le vide laissé par Jean Charest qui a abandonné toutes velléités de réformer le Canada parce que le fruit ne serait toujours pas mûr. Un piège béant que les stratèges péquistes n’ont pas vu tant ils étaient aveuglés par la conviction que la règle non écrite de l'alternance allait leur donner le pouvoir aux prochaines élections.
Conséquences: en subordonnant le projet indépendantiste au Plan pour un Québec souverain, le PQ dépolarise le débat sur la place du Québec dans le Canada et affaiblit le Québec, laissant par le fait même Jean Charest plonger le Québec dans l'affirmationnisme tranquille, un terrain que l'ADQ prépare déjà depuis plus de 15 ans et que les libéraux viennent tout juste de leur ravir avec l'élection d'un député dans Rivière-du-Loup, l'ancien comté de Mario Dumont.
Cette victoire fut d’autant plus décisive qu’elle a permis l’élection d’un candidat libéral qui n’avait rien d’une vedette et tout du délinquant. Un sérieux indice que la clientèle adéquiste est plus à l’aise avec la mollesse libérale que la chicane péquiste. Le message ne peut être plus clair, même si le Plan Marois vise les mous, il est encore trop agressif pour rassurer les Québécois qui préfèrent leurs pantoufles aux espadrilles, et ils sont nombreux.
Comment ne pas constater que Pauline Marois a déjà atteint les extrêmes limites du grand écart? Si elle s’aventure au-delà de la fragile position qu’elle a adoptée depuis qu’elle est devenue chef du PQ pour ravir quelques votes adéquistes de plus, il y a un sérieux risque de déchirement au sein de sa propre formation politique. On peut d’ores et déjà lui prédire qu’en décidant d’aller encore plus loin dans le compromis, elle tombera à coup sûr dans le vide laissé entre les deux chaises sur lesquelles elle tente vainement de se maintenir en équilibre depuis qu’elle est chef du PQ.
Elle ne pourra donc plus, bien longtemps encore, continuer de tenir ce double discours qui consiste à prétendre que le Plan pour un Québec souverain améliore la position du Québec dans le Canada et conduit à l’indépendance. Ce discours fait peur aux Québécois les plus prudents et déplaît aux plus engagés. Un problème que n’a pas Jean Charest qui a choisi un siège unique, celui du confort que procure l’immobilisme et qui sied non seulement aux fédéralistes qui se satisfont du statu quo, mais également aux affirmationnistes qui estiment que le Québec peut progresser dans la fédération canadienne sans qu’il soit nécessaire d’établir un rapport de force avec le reste du Canada. Jean Charest le sait d’expérience, il n’y aucun risque d’accident lorsqu’on est au volant d’une voiture qui n’avance pas.
Une stratégie que Pauline Marois ne peut tout simplement pas adopter pour faire plaisir aux anciens adéquistes, puisqu’elle risque de disloquer le PQ et compromettre le projet d'indépendance. Si elle veut prendre le pouvoir, elle doit donc adopter une position contraire à celle de Jean Charest et avancer vers un objectif clair et bien défini, l’indépendance du Québec. Pauline Marois doit avoir l’honnêteté d’offrir aux Québécois un véritable choix. Ceux qui veulent avancer embarqueront dans le train de l’indépendance, les autres demeureront sur le quai de la gare.

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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4 commentaires

  • Michel Guay Répondre

    14 juillet 2009

    Tout est faux dans ces différents textes car le PQ et le BLOC ont fait avancer l'idée de l'indépendance de 7% à près de 50% et comme un dernier pas reste à franchir pour s'ouvrir au monde et décoloniser la nation Québecoise les forces divisionnistes des faux indépendantistes s'énervent dans toutes les discussions sur Vigile .
    Ce sont ces mêmes personnes qui utilisaiemt l'affaire Michaud pour détruire le Parti Québecois et susciter les divisions .
    Maintenant ils mentent contre la plan Marois et son option d'émancipation active et d'indépendance pour la présenter comme une autonomiste fédéraliste à la Dumont.
    L'ennemi s'énerve

  • Archives de Vigile Répondre

    13 juillet 2009

    Bonjour,
    Excellente analyse M. Lapointe. Par contre, même si je suis d'accord avec la conclusion : « elle doit donc adopter une position contraire à celle de Jean Charest et avancer vers un objectif clair et bien défini, l’indépendance du Québec », il semble que cette position est de moins en moins réaliste et que l'on ne peut forcer à boire celui qui ne le désire pas. Ça fait plus de 30 ans que l'on essaie, non? Est-ce que c'est dû aux Chefs, au projet lui-même ou aux deux?
    Est-ce que la seule promotion de l'indépendance au lieu de l'omelette apprêtée à toutes les sauces aurait eu plus de succès? Je pense que oui...
    Mais on ne peut malheureusement pas revenir en arrière. Donc, devant l'échec du PI, je mets mes espoirs dans cette nouvelle mouture (encore)!
    Pourtant se faire un Pays devrait susciter un enthousiasme tous azimuts!

    .............. « Elle ne pourra donc plus, bien longtemps encore, continuer de tenir ce double discours qui consiste à prétendre que le Plan pour un Québec souverain améliore la position du Québec dans le Canada et conduit à l’indépendance. Ce discours fait peur aux Québécois les plus prudents et déplaît aux plus engagés.» Lapointe.
    Ce discours de Marois, est une autre variante d'un même programme depuis presque toujours, excepté l'amendement (ou le retrait?) de l'article premier, que je déplore!
    *****

    ................ « Avant le PQ avec M. Lévesque, l’idée d’indépendance du Québec ne levait pas du tout. Le PQ a réussi à se faire élire seulement après que M. Claude Morin ait convaincu M. Lévesque de l’idée d’élire un bon gouvernement avec un référendum à la fin qu’il a quand même perdu sur une simple demande de négocier la souveraineté-association. Autrement, le PQ n’aurait même pas été élu comme aux élections précédentes où il faisait élire que 4 à 5 députés. » Gilles Bousquet.
    Je ne veux pas apporter de l'eau à votre moulin réaliste -- mais, si ce ne fut que, 4 ans auparavant les fédéralistes se soient divisés entre eux (UN et PLQ), il n'y aurait même pas eu de référendum, puisque probablement pas de victoire du PQ en 1976!
    C'est plutôt cette division en plus de la promesse d'un bon gouvernement qui a fait en sorte d'amener un parti souverainiste modéré - comme aujourd'hui - au pouvoir!
    Si au moins, les indépendantistes (les "plus engagés", selon M.Lapointe) qui se sont présentés aux dernières élections et dernièrement dans Rivière du Loup n'avaient pas perdu leur chemise avec des "scores" faméliques. Mais non...
    Comment alors le PQ doit-il réagir?
    Doit-il donner de l'importance à cette tête d'épingle(en terme électoral), mais que je n'appuie pas?
    Je sais que c'est paradoxal, mais c'est le cas de la grande majorité des indépendantistes actuels -- mais pas ceux qui ont milités depuis 35 ans.
    Je veux pas non plus donner mon vote au QS pour plusieurs autres raisons : on ne doit pas se diviser, sinon Adieu pour toujours au pouvoir puisque le PLQ engrange cent votes par jour sans même lever le petit doigt!
    À quand une coalition?
    Jean-Renaud Dubois
    Sainte-Adèle

  • Archives de Vigile Répondre

    4 juillet 2009

    M. Lapointe, vous écrivez : «Pauline Marois doit avoir l’honnêteté d’offrir aux Québécois un véritable choix. Ceux qui veulent avancer embarqueront dans le train de l’indépendance, les autres demeureront sur le quai de la gare.»
    Mme Marois offre déjà un choix différent de celui de M. Charest : Faire avancer le Québec vers la souveraineté, à l'intérieur de la fédération actuelle, dans un premier temps.
    Je comprends que vous souhaitez que Mme Marois change son discours avant et pendant la prochaine élection, comme suit :
    Si nous sommes élus majoritairement, parti clairement souverainiste, nous nous sentirons autorisés à proclamer la souveraineté du Québec immédiatement à notre Assemblée nationale.
    C'était aussi l'idée de M. Louis Bernard. C'est clair, c'est juste, c'est honnête mais est-ce que ça va faire gagner la prochaine élection parce que, si ça fait peur à trop de Québécois, on va se réveiller avec un autre gouvernement du PLQ.
    Admettons que le PQ gagne la prochaine élection, suite à ce message là, avec 45 % des votes. Il fait quoi ? Déclare le Québec souverain quand même ? Cherche des appuis chez Sarkozy et Obama ? Va au référendum avec 45 % de souverainistes déclarés à l'élection ?
    Si le PQ gagne l'élection avec 50,5 % "majorité de sièges et majorité de députés" et que le fédéral s'avise de mener un référendum canadien sur la souveraineté du Québec ou qu'il ignore la signification des résultats de l'élection québécoise, le Québec fait quoi ? On sait que M. Chrétien a écrit dans ses mémoires qu'il n'aurait pas reconnu une courte victoire du OUI et je crois que Messieurs Harper et Ignatieff feraient la même chose si ça arrivait, à moins que vous pensiez que ces "gentlemen" sont full-démocrates.
    Le problème ne me semble pas être un de PQ mais du fait que les Québécois ne sont pas souverainistes en assez grand nombre pour pouvoir faire fléchir le ROC. Avec plus de 60 % de souverainistes, on commencerait à être en voiture.
    Le problème ne me semble pas en être un de véhicule de la souveraineté déficient mais de direction dans le sens de : Où est-ce que ça nous tenterait, à partir d'ici, d'aller en grande majorité, ce qui n'a pas encore été trouvé. Faut chercher autre chose que la séparation pure du Québec. M. Lévesque avait trouvé l'idée de souveraineté-association et Messieurs Parizeau, Bouchard et Dumont, la souveraineté-partenariat mais, même ça, n'a pas passé.
    Avant le PQ avec M. Lévesque, l'idée d'indépendance du Québec ne levait pas du tout. Le PQ a réussi à se faire élire seulement après que M. Claude Morin ait convaincu M. Lévesque de l'idée d'élire un bon gouvernement avec un référendum à la fin qu'il a quand même perdu sur une simple demande de négocier la souveraineté-association. Autrement, le PQ n'aurait même pas été élu comme aux élections précédentes où il faisait élire que 4 à 5 députés.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 juillet 2009

    Si Pauline Marois adoptait d'aventure votre proposition, vous demanderiez aux indépendantistes d'ignorer, comme ça, tout bonnement, qu'il y a peu de temps, elle offrait d'améliorer la place du Québec au sein de la fédération.
    Je pense que vous avez très peu d'estime pour les indépendantistes, en croyant qu'ils agiront comme des girouettes.