L'aide appropriée

2005


Le gouvernement du Québec est la victime d'un procès injuste quant à son attitude envers les victimes des tsunamis qui ont dévasté plusieurs régions de l'Asie du Sud.
Le montant de l'aide d'urgence accordée par Québec aurait pu être plus élevé que les 100 000 $ promis, chacun en convient. Mais l'approche du gouvernement, qui s'engage à répondre par de l'aide matérielle, technique et humaine spécifique aux besoins identifiés sur le terrain pour la reconstruction des zones sinistrées, est logique et responsable.
Si Québec tient sa promesse, son aide pour l'Asie va augmenter au fil des jours, comme ce fut le cas en Haïti après le drame des Gonaïves.
Lorsque surviennent des catastrophes naturelles, «l'effet CNN» entraîne les pays riches dans une course au palmarès des bienfaiteurs dont l'effet réel pour les populations affligées n'est pas toujours à la hauteur des élans d'empathie, parfois feinte, des dirigeants occidentaux qui encombrent les aéroports locaux. Rien n'oblige Jean Charest à se laisser entraîner dans cette spirale des bons sentiments?
L'aide d'urgence est nécessaire, que celle-ci provienne des gouvernements ou des individus par l'entremise de dons faits à des organisations humanitaires (ces dons sont d'ailleurs déductibles d'impôt, ce qui entraîne indirectement une dépense publique). Il faut continuer d'encourager nos concitoyens à donner aux organismes reconnus.
Mais l'aide d'urgence n'est pas tout. L'organisation humanitaire Médecins sans frontières a d'ailleurs invité le public à cesser de lui faire parvenir des dons, estimant que les 60 millions de dollars recueillis en deux semaines suffisent à couvrir le coût de ses opérations en Asie.
On sous-estime d'ailleurs les capacités des pays touchés de réagir. La majorité des vies sauvées lors de telles catastrophes (certains évoquent le chiffre de 80 %), le sont par les populations locales et les proches des victimes. L'aide alimentaire immédiate provient largement des pays sinistrés eux-mêmes ou des pays de la région.
Par contre, il est plus difficile pour les pays touchés d'oeuvrer seuls à la reconstruction des zones et des communautés détruites. Les sommes en jeu deviennent colossales. C'est ici que les gouvernements étrangers peuvent être le plus utiles. C'est dans ce registre que s'inscrira l'action du gouvernement du Québec. Du moins, il s'y est engagé.
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Outre les touristes occidentaux qui ont péri des suites de la catastrophe du 26 décembre, la majorité des victimes des désastres naturels dans les pays en développement sont parmi les plus pauvres de la Terre. Une tempête tropicale peut faire des milliers de morts en Inde ou en Amérique latine, mais à peine quelques dizaines si elle frappe les côtes de la Floride.
Les pays dévastés par les cataclysmes naturels sont largement victimes de leur sous-développement, d'infrastructures déficientes et du dénuement de leurs populations. Les 150 000 morts des derniers jours en Asie ne doivent pas faire oublier les dix millions d'êtres humains qui meurent de faim chaque année dans le monde ni les 140 millions d'enfants qui ne sont jamais allés à l'école.
Pour réduire l'impact des désastres, le meilleur moyen reste l'aide au développement. Les Nations unies ont fixé à 0,7 % de la richesse produite par un pays chaque année (PIB) le montant de l'aide que devrait octroyer chacun des pays riches. Seules cinq nations de l'Europe du Nord ont atteint cet objectif. Les États-Unis, qui versent 15 milliards par an en aide publique (contre un milliard par jour pour l'occupation militaire de l'Irak!), sont loin du compte avec 0,14 % de leur PIB.
Parmi les donateurs les plus généreux en aide d'urgence pour les victimes des tsunamis, l'Australie et le Japon font pâle figure au chapitre de l'aide au développement avec des scores respectifs de 0,25 et 0,20 % de leur PIB. La France dépense 0,42 % du sien. Et le Canada, à peine 0,26 %.
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Par la création, en 1997, d'un Secrétariat à l'aide internationale, le gouvernement du Québec a déjà inscrit son action dans la dynamique du développement plutôt que dans celle de la compassion spontanée et éphémère. En six ans, il a soutenu 387 projets de développement dans 45 pays. Il a permis à quelque 2500 jeunes de 18 à 35 ans de participer à des projets de coopération dans 27 pays. Et il soutient un programme de sensibilisation du public. Ses engagements globaux s'élèvent à 43 millions de dollars durant cette période.
Québec n'a pourtant aucune responsabilité constitutionnelle à l'égard de la coopération internationale. Au lieu de consacrer sept millions par an au soutien de projets de développement, il pourrait se contenter, comme d'autres, de faire des dons lors de catastrophes. Ce serait plus facile et plus visible mais moins efficace.
Certes, on pourrait arguer que ces sept millions sont une goutte d'eau dans l'océan des besoins mondiaux. C'est vrai. Mais c'est oublier un élément central dans cette polémique.
Au Canada, c'est le gouvernement fédéral qui est responsable des affaires étrangères et de la coopération internationale. C'est à lui que l'on doit demander des comptes.
Les Québécois ont tendance à souhaiter que le Québec se comporte comme un État souverain alors qu'il ne l'est pas. On oublie que la part de nos impôts destinés aux relations internationales, c'est Ottawa qui l'empoche.
La catastrophe asiatique devrait nous inciter à exiger du gouvernement fédéral qu'il assume, en notre nom, les responsabilités qui nous incombent à l'endroit du reste du monde. Qu'il augmente substantiellement l'aide publique au développement en plus d'exercer un leadership auprès des autres nations du monde pour que l'on améliore la gestion mondiale de la sécurité humaine. Voilà comment notre aide serait la plus appropriée.
michel.venne@inm.qc.ca

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Michel Venne35 articles

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Directeur général Institut du Nouveau Monde

Michel Venne est le fondateur et le directeur général de l’Institut du Nouveau Monde. Il est le directeur de L’annuaire du Québec, publié chaque année aux Éditions Fides. Il prononce de nombreuses conférences et est l’auteur de nombreux articles scientifiques. Il est membre du Chantier sur la démocratie à la Ville de Montréal, membre du comité scientifique sur l’appréciation de la performance du système de santé créé par le Commissaire à la santé et au bien-être du Québec, membre du conseil d’orientation du Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques favorables à la santé, membre du conseil d’orientation du projet de recherche conjoint Queen’s-UQAM sur l’ethnicité et la gouvernance démocratique.





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