mardi 25 janvier 2005
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Une semaine après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi amendant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), Henri-Paul Rousseau, président du conseil et directeur général de cette importante institution financière, réaffirme haut et fort que la première façon pour la Caisse de contribuer au développement économique du Québec est d'obtenir le meilleur rendement sur ses placements.
M. Rousseau qui parlait hier midi devant un auditoire de gens d'affaires au Cercle canadien de Montréal s'est référé à une étude actuarielle récente montrant qu'une diminution constante de 1 % des rendements de la Caisse pourrait avoir pour effet d'augmenter de façon permanente les cotisations salariales de 4 % par année. Or, une baisse de rendement conjuguée à une hausse des cotisations équivaut à rien d'autre qu'à une hausse d'impôt sans contrepartie, a expliqué le conférencier. À la fin de 2003, les sept plus importants déposants à la CDPQ, soit la Régie des rentes, la CSST, la SAAQ et quelques autres régimes reliés également à des employés d'organismes d'État, accaparaient plus de 98 % du total de l'avoir net de 90 milliards. Le rendement a évidemment un impact important sur le niveau de vie des Québécois, retraités ou pas.
La nouvelle loi visait donc à éliminer l'ambiguïté qui existait jusqu'à maintenant dans la mission de la Caisse entre son rôle de faire fructifier le bas de laine des Québécois et celui de contribuer au développement économique. «Dorénavant, aucun gestionnaire ni aucun président de la Caisse ne pourra évoquer la contribution de la Caisse au développement économique comme cause de sa contre-performance financière», a déclaré M. Rousseau, en notant par ailleurs l'excellente performance de la Caisse en 40 ans d'histoire avec un rendement moyen pondéré de plus de 9 %, malgré sept années de rendements négatifs.
Un contexte difficile
Il a dit espérer que lui-même et ceux qui lui succéderont à la tête de la Caisse sauraient faire aussi bien dans les 40 prochaines années, ce qui ne sera pas facile puisque le secteur financier et l'économie mondiale ont radicalement changé. Ce contexte difficile ainsi que le nombre grandissant des bénéficiaires des régimes de retraite alors que le nombre des travailleurs contribuant aux régimes seront en baisse mettent aussi plus de pression sur les gestionnaires de fonds.
La Caisse fait désormais face à une vive concurrence comme source de capitaux pour les entreprises, de sorte qu'elle n'a plus la quasi-exclusivité de profiter de l'avantage du capital de proximité, c'est-à-dire de la clientèle québécoise et canadienne. Même Hydro-Québec et le gouvernement québécois ont leur propre réseau de contacts pour aller emprunter de l'argent, sans aucun recours à la Caisse. Après 40 ans, le gouvernement du Canada a décidé de se doter d'un système copié sur celui de la Caisse. Il y a en outre des fonds de retraite puissants en Ontario et dans d'autres provinces. Par exemple, à la surprise générale, c'est le Fonds d'investissement de Colombie-Britannique qui a fait l'acquisition du Marché central à Montréal. Bien sûr, il y a par surcroît toute cette vague irrésistible qui vient de l'Asie. «Ce n'est plus seulement le capital qui est mobile, c'est l'activité économique elle-même qui se déplace à une vitesse inquiétante», souligne M. Rousseau.
Au lieu de bouder ou de fuir cette évolution, la Caisse a décidé de s'y adapter pour mieux servir les entreprises québécoises dans trois segments de marché distincts: celui du capital de risque et démarrage, celui de la moyenne entreprise et celui de la grande entreprise. Pour le premier segment, la Caisse déploie cinq stratégies qui impliquent des engagements de 520 millions d'ici 2007, soit un rythme d'investissement quatre fois supérieur à celui des dernières années.
Pour le créneau de la moyenne entreprise, la Caisse veut augmenter son portefeuille de plusieurs centaines de millions en investissement rentable dans les prochaines années. Près de 50 % des chefs d'entreprise familiale prendraient leur retraite dans les 10 prochaines années et la Caisse veut aider la relève, que ce soit un enfant, un parent ou un associé.
Enfin, pour le segment de la grande entreprise, la Caisse avait déjà indiqué en 2004 qu'elle entendait jouer un rôle d'acteur de premier plan avec des engagements de 4,3 milliards, dont 1,5 milliard dans des fonds et 2,8 milliards dans des transactions directes; ces deux portefeuilles nécessiteront «un déploiement» de plus de huit milliards d'ici deux à trois ans.
En conclusion, M. Rousseau a précisé que la mission de la Caisse, telle que définie dans la nouvelle loi, ne concernait pas les stratégies élaborées par les professionnels et les dirigeants de cette institution. «La loi clarifie plutôt le fait que l'institution doit investir là où les rendements compensent les risques, c'est-à-dire là où, selon l'horizon de temps approprié, il n'y a pas d'arbitrage entre la recherche du rendement et le développement économique».
Les impacts
Concrètement quels seront les impacts de cette nouvelle loi sur la Caisse? Ils seront importants, selon M. Rousseau. D'abord, le conseil d'administration aura désormais plus de responsabilités et de capacités pour exercer ses responsabilités. Jusqu'à maintenant, le président ou le directeur général de la Caisse ne pouvait pas être démis de ses fonctions, à moins d'un vote à l'Assemblée nationale. Cela pouvait convenir alors que le président agissait dans «un petit carré de sable», c'est-à-dire que les actifs de la Caisse étaient relativement modestes. Au fil des ans, il y a eu une tendance à donner plus de liberté au président, mais maintenant que le carré de sable est beaucoup plus grand, il fallait lui donner des contrepoids pour la gouvernance et dans l'exercice de son mandat de gestion des ressources humaines, des risques, de l'éthique, etc.
C'est tout cela qu'apportent les amendements à la loi. Toutefois, pour bien voir les résultats de ces changements, il faudra attendre jusqu'en 2006. La Caisse vient de terminer un exercice financier le 31 décembre 2004.
Henri-Paul Rousseau devant le Cercle canadien de Montréal
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