vendredi 28 janvier 2005
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Libre opinion: La polémique qui a suivi la décision du gouvernement Charest de financer des écoles privées juives a fait ressortir la sensibilité de l'opinion publique à tout ce qui touche à la problématique de l'intégration de ce qu'on appelle communément les «communautés culturelles» à la société québécoise. Maintenant que l'opinion publique a (encore une fois) fait reculer le gouvernement du Québec sur une décision d'importance (après le Suroît et le plan de «réingénierie» de l'État), il convient d'entamer une discussion la plus large possible sur le sens de l'intégration des communautés culturelles.
Un des principaux enseignements de cette controverse porte sur le très faible poids politique de la ministre responsable de l'immigration et de l'intégration de ces communautés au sein de l'appareil ministériel et gouvernemental. Durant toute la période où la discussion a porté sur les finalités objectives du financement des écoles privées juives, Michelle Courchesne a brillé par son mutisme pour le moins troublant.
Que pense-t-elle de l'argumentaire élaboré par son collègue ministre de l'Éducation et par le premier ministre Jean Charest lui-même ? Une meilleure intégration des communautés culturelles passe-t-elle vraiment par le financement public d'écoles monoethniques privées ?
Des ministres de passage
À la décharge de Mme Courchesne, il convient quand même de rappeler que, historiquement, le ministère dont elle a la responsabilité a presque toujours été dévolu à des hommes et à des femmes politiques en attente de responsabilités ministérielles accrues.
À l'exclusion de feu Gérald Godin, de Monique Gagnon-Tremblay (qui ont élaboré la vision québécoise de l'intégration des communautés culturelles à la société québécoise) et de Robert Perreault (qui a transformé les anciens Centres d'orientation et de francisation des immigrants en Carrefours de l'intégration), quelles empreintes ont laissées les Louise Harel, Rémy Trudel et autres Bernard Landry ?
On peut certainement dire que la plupart des titulaires, libéraux comme péquistes, n'étaient que de passage et, de ce fait, n'ont pas eu le temps de laisser leurs marques.
La supposée boîte de Pandore
Le deuxième élément qu'il nous semble important de mettre en exergue, c'est que la question de l'intégration est trop souvent présentée comme une boîte de Pandore qu'il ne faut surtout pas ouvrir. Le refus de débattre de cette question a pour effet de stériliser la discussion et de nous conduire, collectivement, sur les sentiers réconfortants de la langue de bois et de la rectitude politique.
Il est ainsi symptomatique de constater que la dernière version de la politique québécoise d'intégration, dévoilée en mai 2004, n'a fait l'objet d'aucun débat public ni de commentaires. En effet, le document gouvernemental intitulé Des valeurs partagées, des intérêts communs - Pour assurer la pleine participation des Québécois des communautés culturelles au développement du Québec n'a pas reçu toute l'attention qu'il mérite.
De quoi a-t-on peur lorsqu'il s'agit de statuer sur les objectifs et les modalités d'intégration des immigrants et des communautés culturelles ? La susceptibilité des uns et la peur des autres ne sont certainement pas propices à inscrire la diversité ethnoculturelle comme une caractéristique fondamentale de l'identité québécoise ni à déconstruire les principes normatifs qui encadrent la gestion étatique de cette diversité.
À cet égard, il faut bien se rendre compte que tant et aussi longtemps que la diversité de peuple québécois demeure posée comme un simple apport utile à la société québécoise, il ne faut surtout pas se montrer surpris si le repli sur la communauté d'origine et l'adhésion acritique à la doxa du multiculturalisme canadien soient des options dominantes.
Le premier ministre du Québec a promis un débat public sur les enjeux de l'intégration. Pour la compréhension de la dynamique qui s'est installée à ce chapitre, souhaitons qu'il saura cette fois-ci éviter de plonger le Québec dans une période de turbulences inutiles et qu'il prendra acte du refus du Québec de s'engager sur les traces du multiculturalisme à la canadienne.
Azzeddine Marhraoui, Étudiant postdoctorant à l'université Carleton
Intégration : un faible poids politique
Par Azzeddine Marhraoui
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