Le premier ministre Stephen Harper dit accueillir positivement le rapport du comité Manley sur le rôle futur du Canada en Afghanistan. Du moins, c'est ce qu'il aimerait que l'on croie car, en réalité, ce rapport n'est pas celui qu'il attendait. Il l'oblige à toutes sortes de contorsions pour obtenir l'appui du parlement à la prolongation qu'il souhaite de la mission militaire dans ce pays.
Depuis qu'il est premier ministre, Stephen Harper a fait de cette mission militaire une affaire personnelle. Il l'a défendue sur toutes les tribunes. Chaque fois qu'un soldat canadien perdait la vie, il louait le sacrifice de jeunes Canadiens au nom de l'idéal démocratique. Ce rapport ne peut lui faire plaisir tant il contient de reproches à l'égard de sa gestion de cette mission: absence de transparence, coordination erratique entre ministères, insuffisance des équipements et des effectifs qui rendent vulnérables les soldats qui sont sur le terrain dans la province de Kandahar. Il y a là beaucoup de grain à moudre pour les partis d'opposition et peu pour le gouvernement.
Cette vulnérabilité des soldats canadiens est pour la première fois clairement exposée. Stephen Harper ne pouvait que se rendre à l'argumentaire du comité qui recommande que la prolongation de la mission militaire au-delà de février 2009 soit liée à l'ajout de nouveaux équipements (hélicoptères et drones de surveillance) et d'un effectif de combat de 1000 soldats fourni par un autre pays. Un gouvernement responsable ne peut, comme l'a souligné le président du comité John Manley, envoyer ses soldats au combat sans un espoir raisonnable de l'emporter.
Il est heureux que Stephen Harper retienne les propositions du comité sur l'envoi de renforts. Néanmoins, une question se doit d'être posée. N'eut été des observations des membres du comité sur l'état de vulnérabilité des soldats canadiens, le premier ministre aurait-il informé le parlement de cette situation avant le vote sur la résolution de prolongation de leur mission? Sa volonté de demeurer coûte que coûte en Afghanistan l'aurait-elle emporté sur son devoir de transparence? Difficile de répondre oui tant la propension de ce gouvernement à tout cacher est forte. L'illustrait hier encore son silence sur le transfert des prisonniers talibans aux autorités afghanes par les soldats canadiens.
La position du gouvernement conservateur est affaiblie puisqu'il doit composer avec les partis d'opposition plus que jamais. Il est à la merci tout particulièrement du Parti libéral de Stéphane Dion, qui est le seul à pouvoir appuyer une résolution sur la prolongation de la mission militaire. Les libéraux sont divisés sur le sujet. Ce sont eux qui, sous le gouvernement Martin, ont pris la décision de stationner des troupes à Kandahar. Stephen Harper les invitera à la cohérence, mais il faudra plus pour les convaincre de le suivre.
Le chef libéral réagit avec prudence aux appels du premier ministre. Avec raison, il ne peut s'engager avant d'en savoir plus. Avant toute chose, il doit attendre de voir si le gouvernement changera d'attitude et se pliera à l'exigence de transparence que recommande le comité Manley. Attendre aussi de voir si l'OTAN acceptera de fournir les renforts en hommes et en équipements demandés et, le cas échéant, à quelles conditions. Rien n'est acquis à cet égard, même pas de la part des États-Unis. Surtout, il ne devrait pas faire l'erreur de ne pas mettre de limite de temps à l'engagement du Canada, comme le suggère le comité Manley, une des rares recommandations du comité Manley qui a plu à Stephen Harper. Le cas échéant, le Canada pourrait être incapable de se tirer de ce qui pourrait devenir un désastre. Le comité Manley, faut-il le rappeler, a aussi dit que l'issue de ce conflit demeure incertaine. Une observation à ne pas oublier.
***
bdescoteaux@ledevoir.com
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé