Joël-Denis Bellavance - Le Canada devrait maintenir ses quelque 2400 soldats dans la région de Kandahar au-delà de février 2009 à condition que les pays membres de l’OTAN envoient d’ici là 1000 soldats supplémentaires dans cette province la plus dangereuse de l’Afghanistan.
C’est du moins ce que recommandera aujourd’hui un groupe d’experts indépendants chargés d’étudier le rôle futur du Canada en Afghanistan. Le groupe écarte totalement dans son rapport tant attendu l’idée d’un retrait immédiat des troupes canadiennes de ce pays ravagé par des années de guerre.
Ce groupe présidé par l’ancien ministre libéral des Affaires étrangères, John Manley, estime qu’un retrait prématuré des soldats canadiens, comme le réclame le NPD, serait un aveu d’échec et nuirait considérablement à la réputation internationale du Canada, selon des sources.
Après avoir passé les trois derniers mois à évaluer les différentes options qui s’offrent au gouvernement canadien, le groupe dirigé par John Manley conclut que les soldats canadiens doivent continuer la présente mission de combat dans la région de Kandahar au cours des prochains mois.
Toutefois, les soldats canadiens doivent graduellement consacrer davantage de leurs efforts à la formation des Forces de sécurité nationale afghane de sorte qu’elles puissent assurer elles-mêmes leur propre sécurité sur l’ensemble du territoire afghan d’ici 2011.
Et la formation des soldats afghans pourrait se faire plus rapidement si l’OTAN ou d’autres pays alliés envoient au moins 1000 soldats supplémentaires à Kandahar d’ici 12 mois pour mater l’insurrection des talibans. En fait, la mission actuelle pourrait se solder par un échec sans l’envoi de nouvelles troupes, selon le groupe d’experts.
Afin de réduire les pertes sur le terrain, le rapport Manley estime que les troupes canadiennes doivent avoir à leur disposition, avant février 2009, des hélicoptères de transport et des drones sans pilote pour effectuer des missions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance. À l’heure actuelle, les soldats canadiens se déplacent en véhicule militaire blindé et la majorité des 77 soldats qui ont péri jusqu’ici sont morts après que leur véhicule eut roulé sur un engin explosif improvisé.
Le rapport Manley, qui appuie en bonne partie la position défendue par le gouvernement Harper de maintenir des troupes jusqu’en février 2011, risque de provoquer de vives réactions de la part des partis d’opposition.
Ce rapport rejette d’ailleurs l’option défendue par le Parti libéral de Stéphane Dion. Les libéraux exigent la fin de la présente mission de combat à Kandahar en février 2009, mais accepteraient que des troupes soient redéployées ailleurs à en Afghanistan pour effectuer du travail humanitaire. Le Bloc québécois réclame quant à lui le retrait des troupes de Kandahar dans 12 mois, date à laquelle doit normalement prendre fin la mission des soldats canadiens, si elle n’est pas prolongée.
Le gouvernement Harper a promis de tenir un autre vote à la Chambre des communes au plus tard au printemps sur l’avenir de la mission canadienne. Minoritaires aux Communes, les conservateurs auront besoin de l’appui d’au moins un parti de l’opposition, vraisemblablement le Parti libéral, pour prolonger la mission, comme ce fut le cas en mai 2006. Une vingtaine de députés libéraux, dont l’actuel chef adjoint du Parti libéral, Michael Ignatieff, avaient alors appuyé le gouvernement Harper pour prolonger la mission de deux ans, jusqu’en février 2009.
Une mission plus équilibrée
Des députés libéraux pourraient quand même trouver leur compte dans ce rapport puisque le groupe d’experts croit dur comme fer que le Canada doit également mettre davantage l’accent sur la diplomatie et l’aide humanitaire en Afghanistan pour que la mission soit couronnée un jour de succès. Au cours des derniers mois, les troupes de Stéphane Dion ont maintes fois exigé un meilleur équilibre entre la diplomatie, l’aide humanitaire et les efforts militaires.
À cet égard, le rapport Manley devrait suggérer que l’ensemble des efforts du Canada soit mené par un comité spécial du cabinet dirigé par le premier ministre lui-même.
Le rapport Manley devrait aussi recommander que l’ONU nomme un responsable civil de haut rang ayant comme mandat de mieux coordonner les efforts militaires et humanitaires de la communauté internationale en Afghanistan.
L’OTAN, qui tiendra son prochain sommet en Roumanie au début avril sur la mission en Afghanistan, devrait quant à elle se doter d’un meilleur plan afin que le fardeau soit réparti plus équitablement entre les divers pays membres de cette alliance.
Travailler avec les pays voisins
Par ailleurs, le Canada et ses alliés devraient intervenir de manière concertée auprès des pays voisins de l’Afghanistan, notamment le Pakistan, afin d’assurer une plus grande stabilité dans cette région du globe. Le récent assassinat de Benazir Bhutto au Pakistan a contribué à augmenter l’instabilité dans ce pays où se réfugient les talibans pour planifier de nouvelles attaques contre les troupes en Afghanistan.
Pour sa part, le gouvernement afghan dirigé par Hamid Karzaï doit évidemment redoubler d’efforts pour lutter contre la corruption tout en augmentant les services de base à la population afghane, selon le groupe d’experts.
En tout, le groupe d’experts était composé de cinq membres. Outre l’ancien ministre John Manley, l’ancien ministre conservateur Jake Epp, l’ancien greffier du Conseil privé Paul Tellier, l’ancien ambassadeur du Canada à Washington Derek Burney et l’ancienne journaliste de la CBC Pamela Wallin en faisaient partie.
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