Notre pays et nos aïeux

Redressement - Non à la "Gouvernance souverainiste"

Depuis plusieurs années, je finis mes vacances par un petit voyage dans une région de Chaudière-Appalaches à la limite du Bas du fleuve. J’apprécie énormément laisser derrière moi le smog et la chaleur estivale de Montréal, toujours confiant qu’une grande récompense m’attend fidèlement quand j’arrive après quelques heures de route. Invariablement, je suis accueilli par une brise bien fraîche aux délicats parfums marins qui provient de cet estuaire lumineux et grandiose.
Quand j’arrive dans ces villages pittoresques, soit Saint-Jean-Port-Joli ou Saint-Roch-des-Aulnaies, c’est sans détours que je me dirige toujours vers les quais ou sur les rivages accessibles. Soit dit en passant, mon premier ancêtre en Nouvelle-France s’est marié à Saint-Roch-des-Aulnaies en 1745.
Ainsi donc, vendredi passé, j’étais assis sur la rive de l’estuaire à côté de l’église de Saint-Roch à me reposer à l’ombre d’un grand saule blanc au tronc noueux dont les branches sinueuses sont garnies de feuilles étroites qui virevoltent au vent. Éventuellement, pour épancher ma soif, je retourne à mon véhicule pour chercher quelque chose à boire quand je remarque un panneau destiné aux touristes sur le terrain du presbytère. Je vais voir de quoi il s’agit.
C’est un écriteau réalisé par le Comité de la culture et du patrimoine de Saint-Roch. Il s’agit d’un poème de 1841 portant le titre «Mon pays», dont j’ai fait la transcription ci-après. Son auteur est un avocat de Saint-Roch nommé Auguste Soulard. En plus de fournir une photo de sa maison qui se dresse toujours de fière allure au village, située à un jet de pierre au sud-ouest de l’église, l’écriteau explique qu’au nord-est de l’église, en suivant un isthme balayé par les marées, on retrouve un piton rocailleux couvert de genévriers, qui s’élève d’une dizaine de mètres au-dessus des eaux. C’était le point d’observation et d’inspiration de l’auteur du poème qui suit.
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Mon Pays
J’aime de mon pays les riantes campagnes,
_ Ses étés si brillants et ses joyeux hivers,
_ Ses bosquets enchantés de sapins toujours verts
_ Et ses lacs transparents et ses hautes montagnes;
_ J’aime du Saint-Laurent ses rivages si beaux;
_ J’aime à les contempler le soir quand la brise
_ Agite mollement la surface des eaux
_ Assis sur le rocher où la vague se brise.
J’aime les Canadiens, dans leur longue disgrâce,
_ Par d’ingrats étrangers toujours calomniés;
_ Par des frères vendus tant de fois reniés.
_ Ils conservent les mœurs, la généreuse audace
_ Et toutes les vertus de leurs dignes aïeux;
_ Et les fils d’Albion, que la fureur inspire
_ Peuvent-ils oublier que nos bras valeureux
_ Surent ici conserver deux fois son empire?
Deux fois aussi j’ai vu les funestes ravages
_ Du soldat triomphant dans nos champs désolés,
_ Nos frères et nos fils à sa haine immolés;
_ D’un vainqueur insolent tous les sanglants outrages.
_ Et l’histoire dira que l’auteur de ces maux,
_ Un gouverneur anglais, dans sa lâche furie,
_ A du sang des vaincus rougi les échafauds
_ On les bannit du sol sacré de la Patrie.
Mais d’un bel avenir nous attendons l’aurore,
_ La page du malheur un jour s’effacera;
_ La page glorieuse à son tour brillera.
_ Et d’un œil triomphant, nous reverrons encore
_ Nos étés si brillants et nos joyeux hivers,
_ Villages aimés, nos riantes campagnes,
_ Nos bosquets enchantés de sapins toujours verts
_ Et nos lacs transparents et nos hautes montagnes.
Auguste Soulard

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Bon père de famille
Avant ma petite pause à la grande anse des Aulnaies, j’en étais à terminer de relire une excellente biographie sur Jacques Parizeau, rédigée par Pierre Duchesne et présentée en trois tomes: Le croisé; Le baron et Le régent. L’auteur traite autant profondément que respectueusement de la vie familiale et des parcours scolaires, professionnels et politiques de Jacques Parizeau.
On y apprend des choses parfois surprenantes. Par exemple, Brian Mulroney avait offert à Jacques Parizeau un poste de sénateur à Ottawa.
D’autres éléments d’information de ce livre ont suscité ma curiosité, c’est que bien avant l’élection de novembre 1976, Jocelyne Ouellette était une proche de M. Parizeau dans le sens qu’elle était impliquée, semble-t-il, dans son réseau d’information. Elle était surtout très impliquée dans l’organisation du PQ dans l’Outaouais. Mme Ouellette, en compagnie de Pierre Marois et de René Lévesque, n’hésitait pas à dénoncer, en décembre 1975, l’intention du gouvernement fédéral d’encercler la ville de Hull par l’achat de terrains en visant ainsi à noyer l’Outaouais dans un district fédéral anglophone. «Statistiques en main, Jocelyne Ouellette soutient que le gouvernement fédéral possédait vintg-trois pour cent des terrains à Hull en 1967. Et que huit ans plus tard, il en possède trente-cinq pour cent.» Beaucoup plus tard, Bernard Drainville dévoilera à la télé un mémorandum du comité des priorités du cabinet fédéral, daté d’avril 1969, qui révèle l’intention du gouvernement fédéral d’amener l’Outaouais à s’identifier à la capitale fédérale, afin qu’elle puisse «se commettre à l’égard du fédéralisme et faire contrepoids aux autres régions du Québec sous l’influence des ultra-nationalistes.»
En octobre 1970, la région de l’Outaouais sera l’une des plus perquisitionnées par la police et l’armée. Les arrestations y furent nombreuses. La police envahira la demeure de Jocelyne Ouellette à deux reprises.
Le mécanisme de terreur judiciaire mis en branle à l’automne 1970 par le régime d’Ottawa tel qu’articulé par feu PET et son valet de chambre Lalonde visait au premier chef le PQ. L’incarcération d’un grand nombre d’exécutifs de comté, couplée à une rafle d’intellectuels et d’artistes indépendantistes a eu un effet dévastateur sur bon nombre d’individus. M. Parizeau garde un souvenir particulier des séquelles d’octobre 1970. Dans deux entrevues du 20 juillet et du 16 août 1999 accordées à Pierre Duchesne, Jacques Parizeau confie que quand Marc Lalonde et lui se revoient plus tard, chacun dans sa fonction de Ministre des finances, l’un au provincial et l’autre au fédéral, Jacques Parizeau et Marc Lalonde ne reviennent pas sur cette période de crise et d’arrestations massives. M. Parizeau précise qu’

«On s’est entendu pour ne pas en reparler, sinon je lui cassais la gueule! Écoutez, c’est sur ses ordres qu’un bon nombre de mes gens ont été mis en prison et que des histoires épouvantables se sont produites. C’était mon monde, là.»

Camille Laurin disait de Jacques Parizeau qu’«Il a la pudeur britannique, la réserve française. Il n’a pas honte de l’émotion, mais il préfère la harnacher dans des actions. L’émotion il la craint. Il est surpris, mal à l’aise, mais il se reconnait dans les émotions collectives de son peuple.»
À la page 225 du tome III, on peut lire le passage suivant:
«Et quand il marche, Jacques Parizeau avance d’un pas décidé, la tête haute. Son assurance indispose bien des Québécois. Certains l’aimeraient plus ombrageux, torturé ou hésitant, ce qu’il n’est pas. En prônant la souveraineté, je représente un changement important, explique Jacques Parizeau. Je ne peux donc représenter à la fois le doute et la détermination. Si Robert Bourassa aime soutenir que la prudence fait partie des nos gènes, Jacques Parizeau ne croit pas, lui, que son rôle doit être celui du rassureur en chef. Dans sa conception de la politique, le leader est celui qui doit amener les gens à faire des choix. Son âme de professeur l’amène donc à privilégier la logique quand il s’agit de convaincre. Par ailleurs, une certaine pudeur l’empêche de montrer ses sentiments.»

Le 24 octobre 1992, Daniel Larouche, un chroniqueur du journal Le Devoir, va même jusqu’à écrire que «Le statut de gagnant de monsieur Parizeau cadre mal avec notre amour des perdants.» Selon M. Larouche, «le chef péquiste doit apprendre à se donner l’air d’un chien battu. Avec un peu de pratique, il pourra y arriver. Après tout, il y a bien des types de chiens parmi lesquels choisir.»
***
Après avoir relu cette biographie, je me rends compte avec encore plus d’acuité que le tracé sinueux esquissé par la «gouvernance souverainiste» de Pauline Marois se situe dans un autre genre de registre de chien battu. C’est un détournement menant à une voie de garage d’un projet collectif inspirant, soit l’indépendance du Québec. C’est devenu limpide pour moi que le PQ et, par extension QS, sont complètement déconnectés de leur base, soit le pays que nous habitons, cet intangible nous.
En conclusion, j’en profite pour souligner que j’endosse l’analyse d’un autre bon père de famille, soit Me Pierre Cloutier, et ce, pour la suite des choses de notre patrie…
Daniel Sénéchal
Montréal
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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    11 août 2011

    Bonne idée, M. Sénéchal, que de souligner quelques passages de l’excellente biographie de Jacques Parizeau par Pierre Duchesne où l’auteur fait état de l’intérêt de M. Parizeau pour la région de l’Outaouais québécois.
    En novembre 1975, le Service de recherche du Parti Québécois à l’Assemblée nationale publia une étude intitulée : « L’Outaouais - Un royaume en solde dans un Québec en vente ». Cette recherche se voulait la première partie d’une trilogie consacrée à l’intégrité du territoire québécois, les deux autres devant porter respectivement sur les parcs fédéraux et sur l’expropriation de la région de Sainte-Scholastique (Mirabel).
    Cette étude constituait une attaque frontale contre les visées territoriales du gouvernement Trudeau dans l’Outaouais québécois et dévoilait au grand jour la stratégie secrète d’acquisition de terrains de la Commission de la capitale nationale (CCN), laquelle consistait effectivement à encercler la ville de Hull par l’achat de terrains et couper cette région du reste du Québec.
    Selon le document du P.Q. : « Quand on examine une carte des propriétés de la C.C.N., on constate qu’elles forment souvent de minces bandes de terrains qui tendent à quadriller et à emprisonner en quelque sorte de vastes territoires. Et de fait, très peu d’aménagements peuvent être effectués, dans la région de Hull surtout, sans toucher à une propriété fédérale, sur laquelle le Québec n’a absolument aucun pouvoir. La situation est devenue irréversible dans le régime actuel. Déjà en 1968, à l’époque de la Commission d’étude sur l’intégrité du territoire du Québec, la ville de Hull était complètement séparée du Québec par ces lisières de terrains fédéraux."
    Le gouvernement fédéral n’apprécia pas se voir ainsi démasqué et la C.C.N demanda à la Gendarmerie royale du Canada de faire enquête sur ce cas d’espionnage présumé attribué au "Réseau Parizeau".
    Dans une lettre que j’expédiai à M. Normand Lester le 27 mars 1998, j’expliquai à ce dernier quelques tenants et aboutissants de cette affaire. Voici la lettre en question :
    Monsieur Normand Lester
    Société Radio-Canada
    « Je lis dans l’Actualité du 15 mars 1998 que vous faites appel aux intéressés afin qu’ils disent ce qu’ils savent pendant qu’il en est encore temps. Je peux vous informer d’un détail relié à l’opération « Ham » de la Gendarmerie royale du Canada. En effet, dans Le Devoir du 27 janvier 1978, on fait état d’un échange entre le sergent-major Robert
    Potvin des services de sécurité de la GRC à Ottawa et du commissaire enquêteur Jean Keable. Il y est question d’un réseau d’informateurs dans la fonction publique fédérale, lequel aurait été dirigé par M. Jacques Parizeau, Mme Jocelyne Ouellette...et une troisième personne non identifiée.
    « Selon Alain Duhamel du Devoir, le sergent d’état-major Potvin « a attribué au réseau Parizeau la diffusion de documents confidentiels sur la stratégie d’acquisitions immobilières de la Commission de la capitale nationale. » En fait, le document incriminant, publié à l’époque par le Parti Québécois, s’intitulait : « L’Outaouais - Un royaume en solde dans un Québec en vente ». Contrairement à ce qu’on a pu penser à la G.R.C., aucun document confidentiel n’avait été utilisé. La stratégie de la Commission de la capitale nationale dans la région de Hull était très claire pour quiconque se donnait seulement la peine d’examiner des cartes et de lire les propres Rapports annuels de cet organisme. Je le sais parce que l’auteur du document en question, c’est moi.
    « Enfin, je peux vous dire qu’à cette époque et même plus récemment, les systèmes d’écoute téléphonique de nos gendarmes royaux ne m’ont jamais impressionné. Il a toujours été assez facile de le savoir quand il y avait « des gens sur la ligne », comme on disait autrefois dans les campagnes. Bon succès avec votre livre sur nos services secrets. »
    Voilà, M. Sénéchal, quelques détails seulement de cette lutte pour le maintien de l’intégrité territoriale du Québec qui se déroula à cette époque dans l’Outaouais et le rôle qu’y joua alors le Service de recherche du Parti Québécois.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 août 2011

    Moi aussi j'aime les Canadiens et j'espère qu'ils vont avoir une bonne équipe cet hiver, but I AM CANADIAN TIRE(D)! ;-))))
    Pierre Cloutier

  • Lise Pelletier Répondre

    8 août 2011

    Peu importe ce que l'histoire en dira, M.Parizeau demeure un grand parmi les grands Québécois, Patriote de ce Pays.
    Un grand démocrate dont l'intégrité et la lucidité mérite mon plus grand respect.
    Merci M.Sénéchal