Je tiens à remercier Pierre Cloutier pour la clarté de sa série d’exposés concernant la dernière mouture du programme du Parti Québécois (i.e. "PQMarois") qui se révèle, pour les tenants de l’indépendance, une bouillie pour les chats plutôt insipide et indigeste, farcie des faux-fuyants apprêtés à la langue de bois et qui n’en finit plus de reporter aux calendes grecques un projet dont l’urgence est depuis longtemps criante.
Toute cette pseudo-stratégie est basée depuis le début sur "la peur d’avoir peur de faire peur" et la volonté de ménager le pauvre électeur de quelque sinistre manipulation démagogique et idéologique appréhendée. D’où cette tendance à vouloir laver plus blanc que blanc et à verser continuellement dans l’angélisme à outrance.
Le problème est que beaucoup de gens -avec raison, je crois- voient dans ce comportement utilisant à profusion les euphémismes et les expressions délibérément sibyllines et vides de sens une forme d’hypocrisie, voire de tartufferie, typique des gens qui semblent avoir quelque chose d’innommable à cacher, à force d’avoir constamment l’air de marcher sur des oeufs et qui trébuchent au moindre écart du discours officiel.
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À ce propos, j’ai encore en mémoire une caricature de Girerd datant des années ’70 : on y voyait à l’intérieur d’une cage de cirque un René Lévesque costumé en dompteur qui faisait face, avec sa chaise et son fouet, à un monstre gigantesque et effrayant avec ses griffes et ses crocs sortis, et avec le mot "INDÉPENDANCE" tatoué sur le corps. La légende se lisait comme suit : "Je suis désolé mais tu n’es vraiment pas montrable. Alors je ne veux plus t’entendre : coucouche panier !" Comment voulez-vous vendre un projet politique à une population quand les gens sentent très bien qu’il vous embarrasse et que vous cherchez bien maladroitement à le cacher.
Ce malaise sémantique et rhétorique, le Parti Québécois l’entretient religieusement depuis plus de trente ans. Tous ceux qui, comme moi, ont continué à appuyer ce parti malgré tous ces tournicotis et tournicotons devaient vraiment avoir la foi du charbonnier ! La seule fois où je m’y suis quelque peu reconnu, c’était durant le règne de Jacques Parizeau qui s’est malheureusement terminé en queue de poisson après le deuxième référendum.
D’où vient ce comportement ? J’ai ma petite idée là-dessus et j’aimerais ici la partager avec vous. Tout de suite après la victoire historique de novembre 1976, René Lévesque, en utilisant ses contacts dans les milieux d’affaires, fut invité à prononcer à New York une conférence à l’"Economic Club" pour expliques aux milieux des décideurs américains les tenants et aboutissants de ce qui était alors la "Souveraineté-Association". Il espérait obtenir sans doute un appui tacite à son projet de la part d’une partie de l’élite américaine qui y aurait vu le pendant francophone du combat pour l’indépendance que les États-Unis avaient dû soutenir contre l’Angleterre exactement deux siècles plus tôt.
Je crois que René Lévesque comptait énormément sur cet appui dans le bras de fer qu’il aurait à mener éventuellement contre le gouvernement canadien. Il jugeait même cet appui crucial de la part d’une nation qu’il voyait depuis toujours comme un modèle : n’avait-il pas lui-même passé une bonne partie de la Deuxième Guerre mondiale comme correspondant pour l’armée américaine.
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L’accueil qu’il reçu ce soir là de décembre 1976 fut pour lui une véritable douche froide : la réaction de l’auditoire, sans doute influencé par les manoeuvres de coulisse du ministère canadien des Affaires étrangères, fut de faire avec le projet d’indépendance du Québec un parallèle, non pas avec la Guerre d’Indépendance, comme le souhaitait Lévesque, mais avec la Guerre de Sécession qui provoque chez les Américains une perception beaucoup plus négative. Il était clair que les Américains n’appuieraient pas le projet de faire du Québec un pays indépendant.
Au retour, Lévesque n’était plus le même homme. Dans son esprit, il n’avait pas eu l’appui tant espéré parce que son option était trop radicale et faisait peur. Il s’employa dès lors à l’édulcorer de manière à obtenir un appui populaire qui serait sans équivoque, mais aussi, hélas, sans réelle portée ou signification. Dans le sillage de Lévesque et à force de mettre de l’eau dans leur vin, les dirigeants successifs du PQ ont fini par concocter une mixture absolument imbuvable. Voilà où on en est.
Tout ceci pour dire que si rien n’est fait de significatif avant les prochaines élections, je n’ai pas l’intention de donner mon vote au Parti Québécois comme par le passé. Il ne servira à rien d’amener au pouvoir un Jean Charest en jupons qui sera condamné à tourner en rond en ne proposant que des politiques stériles vouées d’avance à l’échec.
Comment peut-on s’en sortir ? Cela reste à voir mais au moins on sait ce qu’il ne faut pas faire. C’est toujours ça de pris...
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5 commentaires
Marcel Haché Répondre
6 août 2011René Lévesque fut toujours le même homme politique. Vous inventez un nouveau René Lévesque.
J’ai lu quelque part sur Vigile que le référendum fut une patente pour gagner les élections. Je le crois aussi, et même un peu plus : l’idée du référendum a sauvé la carrière politique d’un nationaliste— René Lévesque ne fut même pas un ardent nationaliste, mais fut un incomparable politique en faveur des classes laborieuses—sa carrière politique s’en allait nulle part, et n’eut été da la prise du pouvoir en 1976, résultant d’une promesse de référendum face à un gouvernement rouge discrédité, René Lévesque serait aussi inconnu aujourd’hui que peut l’être Paul Sauvé.
C’est cette invention d’un René Lévesque irréductiblement indépendantiste, mais brisé, qui vous permet, ainsi qu’à beaucoup d’indépendantistes, d’avancer ensuite l’idée que Parizeau, plus tard, fut lui aussi un grand indépendantiste.
Si René Lévesque avait été un si grand indépendantiste, il aurait marqué le P.Q. au fer rouge de l’indépendantisme au lendemain du premier référendum perdu, en mettant le pays « sur la table » de l’élection suivante. Il ne l’a pas fait, comme plus tard Jacques Parizeau ne l’a pas fait lui non plus au lendemain du référendum de 1995.
Triste à dire : la dérive du premier appelait la dérive du second, car les deux, pour des raisons bien différentes, furent d’incomparables référendistes. Le discours dont vous parlez ne pouvait pas avoir brisé un politicien qui continuait sur son erre d’aller depuis bien avant 1976.
Il serait utile de se rappeler que René Lévesque « brassait déjà la cabane » à la fin des années cinquante, mais que, rendu dans les années quatre-vingt, il était resté encore un homme des années cinquante…
Quoi que vous en pensiez, Pauline Marois représente une nouvelle voie dans l’histoire du P.Q.C’est elle qui met résolument le référendisme sur la voie d’évitement, parce que c’est ce qu’il fallait faire, tout simplement. Fallait bien commencer quelque part !
Archives de Vigile Répondre
6 août 2011Monsieur Jean-Charles MORIN,
Oui, ce discours de Monsieur René Lévesque - que je respecte beaucoup - à New York en 1976 est un fait historique.
Ledit discours explique en partie le comportement du PQ - un complexe d'infériorité évident - mais n'explique ni son obstination à rester égal à lui-même depuis cette défaite ni son personnage de «caméléon» politique qui sous-entend de l'hypocrisie envers ses militants, ses partisants et la Nation Québécoise. Et que dire de ses programmes politiques qui changent sans jamais devenir indépendantistes!
En 1996, vingt - 20 - ans après ledit discours, il était temps de changer sa stratégie. Le PQ l'a fait, mais pour cesser de représenter la Nation Québécoise de langue française. C'est pourquoi je prétends qu'il est égal à lui-même, se dirigeant toujours dans la direction d'un Parti résolument provincial et devenu, depuis 1996, résolument fédéraliste comme les autres Partis fortement médiatisés.
Cependant, sans être moi-même un professionnel de la politique, je conviens que votre analyse semble juste. Elle reflète ce que j'en avais compris à cette époque. Par conséquent, elle me conforte aussi dans mon raisonnement.
En passant, puisqu'il est inévitable de lire les commentaire, j'abonde aussi dans le sens de celui écrit par PierreII ci-dessus.
Et tout comme vous, je n'ai pas l'intention de donner mon vote au PQ aux prochaines élections «provinciales». Mais plus, le PQ n'aura plus jamais mon vote. Quarante-trois - 43 - ans de provincialisme m'assure que ce Parti «Tour de Babel» ne changera pas pour devenir honnêtement indépendantiste. Il est trop gangréné et les indépendantistes n'y ont plus de pouvoirs depuis au moins quinze - 15 - ans, soit depuis 1996.
Vivement! qu'on reconnaisse le Parti Indépendantiste qui existe de façon officielle depuis le 3 février 2008. Mais suis-je encore entrain de rêver???
J'ose encore espérer parce que «tant que la Nation Québécoise de langue française existe, il y a de l'espoir», comme le dit le proverbe.
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Réjean Pelletier
Archives de Vigile Répondre
6 août 2011Le discours de Lévesque à l'Economic Club.
http://www.vigile.net/Quebec-Good-Neighbour-in
Archives de Vigile Répondre
6 août 2011Très bel article et bon portrait de l'ensemble du développement de la situation.J'ai bien ri avec votre description de la caricature de Girerd.Faut dire cependant qu'à l'époque on sortait de loin.Les magouilles de Trudeau et sa gagne ont été activées au max pour empêcher les québécois d'accéder à ce qu'ils sont vraiment comme dans ce poème de Gaston Miron chanté par Yves Lambert''....Çà ne pourra pas toujours ne pas arriver,nous entrerons là où nous sommes déjà...'' http://www.youtube.com/watch?v=G-YuEVwi-KQ
Puis il y a eu les magouilles de Chrétien et sa gagne en 95,prêt à tout car selon lui le Canada était en temps de guerre.Comme si la fleur d'iris voulant simplement se définir comme telle portait atteinte à l'érable son voisin.
Puis il y a 2 ans ce que l'expression anglophone défini comme étant ''a canary in a coal mine'' est apparu lors des élections municipales de Montréal.J'ai découvert cette expression en visionnant le film d'Al Gore, An Inconvenient Truth qui décrit le moyen utilisé par les mineurs au 19ème siècle pour éviter les coups de grisous.Ils apportaient avec eux un canari dans une cage.Lorsque celui-ci décédait,les mineurs savaient qu'il était temps de remonter.C'était le seul moyen qu'ils avaient de détecter les gaz dans les mines.
Donc aux dernières élections municipales de Montréal toutes les évidences étaient sur la table pour illustrer que Gérald Tremblay baignait dans un univers de corruption et que la mafia dirigeait l'Hôtel de Ville.Soudainement on a trouvé les mots qu'il fallait pour le faire élire: Louise Harel est un séparatisssse.
Le canari décédait dans sa cage et la mafia remontait au pouvoir.
Puis il y a eu ce deuxième coup de grisous en mai passé lorsque le Bloc a pratiquement disparu de la carte et qu'un parti fédéraliste a balayé le Québec.
Mais personne ne l'a vu venir?Pas si sur.Nous sommes comme un livre ouvert pour eux.La psychologie du ''peuple québécois'' n'est plus un mystère.Sagit de peser sur le bon piton au bon moment et c'est à soére qu'on fait peur au monde...
Et ne prenant aucune chance,notre bon gouvernement libéral provincial se dépêche d'augmenter le nombre d'immigrants en provenance de nations ne craignant pas de faire des enfants,il coupe dans les programmes d'intégration à la réalité francophone du Québec et passe la loi 115 pour contourner l'esprit de la loi 101.
Il faut bien accélérer l'application du rapport Durham au cas ou les québécoises prendraient soudainement conscience de la situation et de l'importance de leur rôle dans la disparition ou non-disparation de la nation québécoise.Non,pas de retour aux familles de 14 enfants,mais des pressions au niveau gouvernemental pour qu'il agisse en extrême-urgence, finance un programme bonifié des natalité et valorise le rôle de mère.Il en va de notre survie.
Stéphane Sauvé Répondre
6 août 2011Ce qu'il faut faire c'est ceci:
TOPOGRAPHIER les offres et les besoins des forces souverainistes, et les pairer à travers ces outils modernes que nous avons à travers Internet.
Simpliste vous direz ? Peut-être, mais à l'heure actuelle c'est notre plus grand besoin. Unir nos forces.
Mais comment unir nos forces en ne sachant pas dans quelle domaine vous oeuvrer, ce que vous pouvez offrir, ce dont vous avez besoin, etc. Nous avons besoin d'une intelligence de "courtage" des forces souverainistes.
Nous parlons ici, d'un site comme celui de Vigile mais dont la force et le rayonnement est multipliée par 100. Un wikipedia couplé à un facebook, bref un outil intelligent pour rallier et appuyer les forces souverainistes.
C'est l'effet levier dont nous avons besoin. L'effet David contre Goliath. Pourquoi croyez-vous que le Parti libéral est si fort ? Une concentration du pouvoir est à la base du PLQ. Le lien qui les uni ? L'argent.
Quel est le lien qui peut nous unir ? Nos talents, nos forces, notre vision. Mais pour cela l'information a besoin d'être disponible et utiliser sur une base systématique et centralisé.
Bon, si je ne suis pas clair,n'hésitez pas à m'écrire.
SSB