Le classique au Québec n'est pas «longtemps je me suis couché de bonne heure», mais un instinct politique : «longtemps j'ai cru au PQ».
Comme indépendantiste, jeune (c'est-à-dire que je n'ai pas pu voter en 95), j'ai longtemps pensé qu'il suffisait de nous (ce «nous» était pour moi naturel, il s'agissait des nationalistes, simplement) rassembler, de nous organiser et de faire front commun suffisamment longtemps pour que l'indépendance advienne.
Je cultivais une sorte de pensée magique et la baguette pour rendre effective cette pensée était le PQ. Si seulement nous arrêtions le niaisage, les pelures de bananes et les coups de couteau entre nous, nous aurions la force suffisante pour gagner une élection, puis un référendum.
J'étais donc sceptique les premières fois que j'ai lu des textes critiquant le PQ ou le Bloc; « voyons donc, il y a déjà assez des fédéralistes au fédéral, au provincial, au régional et au municipal qu'il ne faut quand même pas y avoir d'antipéquiste au sein même du mouvement indépendantiste!» Voilà ce que je me disais en lisant des propos comme ceux de Pierre Cloutier.
Mais en même temps, je devais reconnaitre que les textes de plusieurs dissidents étaient incroyablement modernes : les opinions étaient étoffées par de solides raisonnements, la pensée était articulée dans une vision de la politique limpide et surtout, les dissidents savent expliquer leur position par une très bonne compréhension de l'histoire.
On pourrait d'ailleurs croire, s'il n'y avait pas encore l'épreuve des faits, que la stratégie de l'étapisme péquiste, en tant que théorie, est bonne, mais l'expérience, à deux reprises, nous indique que notre manière de mener la guerre est mauvaise. Pire, les armes sémantiques se sont retournées contre nous! Catastrophique, nos adversaires utilisent nos armes (ex. le référendum) contre nous, en les transformant en repoussoir. Immonde, notre armée, le PQ, est devenue pour la population non pas une armée de libération, mais une bande de mercenaires comme les autres. Impensable, le véhicule peut même contaminer négativement de son image obsolète l'option qu'il doit pourtant vendre.
Ce que j'énonce ici est du domaine de l'opinion, Cloutier en fait la démonstration logique, froide et implacable. Or, il s'en trouve pour le traiter d'antiMarois, ou d'anti-PQ, comme s'il souffrait d'une obsession. On ne prend pas la peine de défaire ses raisonnements en usant des mêmes outils que lui: science, raison, histoire. Au contraire, on répond immanquablement par des attaques ad hominem.
N'allez pas croire que je suis un disciple de Cloutier. Nous divergeons d'opinion. Il est pour une campagne sur l'indépendance à la prochaine élection, je suis en faveur d'une campagne d'éducation populaire sur l'indépendance. Il croit qu'avec la volonté politique et l'organisation adéquate, avec une campagne claire, limpide et honnête, nous pouvons gagner.
J'assimile de mon côté la lutte pour l'indépendance à une guerre civile (sans la violence) et je crois le combat très dur. Je crois que nous devons d'abord avoir une population acquise à ce que l'on appelle l'idéologie «pure et dure», avec un noyau militant TRÈS radical. Je n'ai encore aucune idée de l'organisation nécessaire pour un tel objectif, mais connais le «cursus» de la pédagogie de l'indépendance et j'ai expérimenté avec d'autres son efficacité. Cloutier semble plutôt croire que ce projet pédagogique est une perte d'énergie.
Cela ne m'empêche pas de voir en Cloutier un taon au sens socratique. Il excite la cité des indépendantistes et la force à voir la réalité telle qu'elle est. Je suis non seulement pour le vocable indépendantiste, mais pour le terme séparatiste et sécessionniste. Ceux qui se réclament du «souverainisme», qui critiquent le «radicalisme» sont mièvres. À cause d'eux, on ne peut plus faire de véritable critique sociale ou politique.
En guise d'exemple, la commandite d'Hydro-Québec et les subventions pour le Festival d'été de Québec (Metallica sur les Plaines) ne sont pas critiquées alors qu'il s'agit d'un exemple fulgurant de FATIGUE CULTURELLE.
Cloutier fait la démonstration, jour après jour, que le PQ est un des artisans de cette fatigue. Comment alors pourrait-on lui faire confiance alors que le PQ qui avait -c'est un exemple parmi tant d'autres- l'opportunité après les inondations en Montérégie d'expliquer en quoi un Québec indépendant ne «demande» pas à un ministre fédéral l'intervention de l'armée, il ORDONNE à SON armée (et il développe sa politique étrangère) le PQ donc, ne l'a pas fait. À la place il est allé se planter avec l'amphithéâtre de Québec.
Charest n'a pas eu à tendre de filet, le PQ est tombé dans la turpitude de son propre manque de clarté et de vision politique. Comme indépendantiste, est-ce un crime de le dire? On s'attaque à des T-34 avec des flèches et des lances, peut-on dire que cette stratégie mène au désastre sans être cloué au pilori?
Enfin, d'autres prétendent que l'urgence est telle, que l'on n'a pas le choix, il faut tout mettre dans la bataille. Quelqu'un peut-il m'expliquer les chances de victoire de ce plan qui consiste à envoyer des fantassins à toute vitesse dans un champ de mines? Nous devrions, à tout le moins, étudier la situation.
Nous devrions donc écouter Cloutier et si nous sommes incapables de lui répondre avec la même lucidité, tirer les conclusions qui s'imposent ou qu'on démontre, PREUVE À L'APPUI, que son obsession est un délire, alors que l'on cesse de tirer sur le messager si l'on est incapable d'un tel exercice.
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5 commentaires
Archives de Vigile Répondre
6 août 2011Intéressant le sujet des armes:
On peut bien parler d'armes tant qu'on veut pour faire peur aux indépendantistes qui sont des démocrates comme moi.
J'avoue que ça m'agace mais n'oubliez pas que des armes ont existé de tout temps, comme au temps des Patriotes de 1826 à 1839 ou avant. Pourtant, la Nation Québécoise de langue française est toujours vivante contre la volonté de la monarchie britannique et maintenant celle des fascistes. Ce n'est pas d'avoir collaborer, c'est justement parce qu'il y a eu de vrais Patriotes.
Ces épouvantails cachent une réelle menace envers ladite Nation qui agace tant les lâches et les traîtres à ladite Nation.
C'est bien le signe que les indépendantistes doivent s'affirmer à présent ou se laisser angliciser par l'immigration et devenir les pauvres de la sois-disant démocratie de cette fédération canadienne: une pâle imitation des États-Unis à la sauce Britannique.
Des petits soldats francophones devront-ils tirer sur leurs compatriotes et sur des gens de leurs propres familles? Allô la démocratie!
Je suis un indépendantiste.
_________________
Réjean Pelletier
Archives de Vigile Répondre
6 août 2011Les lecteurs rigoureux et attentifs de Vigile (les types du Privy Council à Ottawa et les militaires) souriront à votre évocation du char T-34, un char moyen soviétique dont la fabrication a cessé depuis plus de 50 ans. Pour être en voiture, il vous faut maintenant un Abrams M1A1 ou mieux encore, un Merkava IV. Think big !
Archives de Vigile Répondre
6 août 2011Monsieur l'Engagé,
Vous commencez votre article par, je cite: Le classique au Québec n’est pas « longtemps je me suis couché de bonne heure », mais un instinct politique : « longtemps j’ai cru au PQ ».
Hé oui! Longtemps j'ai moi aussi cru que le PQ pourrait faire l'indépendance de ma Nation Québécoise de langue française. Et si vous demeurez un inconditionel de ce Parti, un jour ce sera votre tour de répéter ce classique « longtemps j’ai cru au PQ », si tant est que vous coyez vraiment à l'indépendance du Québec, terre de ladite Nation.
Mais votre texte reflète la même sémantique glissante appliquée aux textes et aux discours des «vieux» et des «vieilles» de ce même PQ, même sémantique glissante que son programme caméléon. Attention de ne pas rester pris au piège trop longtemps, des élections «provinciales» sont proches et déterminantes pour NOTRE - ladite Nation - avenir.
Vous semblez être quelqu'un d'instruit mais je ne connais ni votre nom - avez vous quelque chose à cacher ? - ni votre bagage en histoire du Québec. Cependant, compte tenu de mon écoeurement actuel de cet État fédéraliste et fasciste, sans crainte je vous répond. Ma Nation doit rattraper le temps perdu avec ce PQ dit souverainiste qu'il n'est même pas. Ce constat je l'ai fait en 1996 sans apport de propagande.
Sachez que les femmes et les hommes qui forment ladite Nation sont capables de juger par eux-même de l'honnêteté et de la validité d'un Parti politique sans l'apport d'une sois-disant propagande anti-PQ. Les non-actes - son inertie - et les silences sont les meilleures preuves données par ce Parti qui se saborde lui-même présentement et probablement de façon voulue. C'est une stratégie fédéraliste élaborée surtout depuis 1996, soit après référendum gagné-perdu. S'il en reste, les indépendantistes n'ont plus aucun pouvoir au sein du PQ.
Ceci étant dit, pour ladite indépendance il n'y a plus rien à espérer d'aucun des Partis «provinciaux» actuellement fortement médiatisés, pas plus que des Partis socialistes, communistes ou marxistes-léninistes. On n'a qu'à lire les programmes de tous ces Partis pour le conclure aisément: ils sont tous fédéralistes.
Je vous invite à aller lire les commentaires donnés faisant suite à l'article «Le PQ... jusqu’à la défaite finale !» de Me Cloutier à l'adresse suivante: http://www.vigile.net/Le-PQ-jusqu-a-la-defaite-finale , vous y trouverai le mien tout au bas. Il a la valeur de n'être que le commentaire d'un citoyen ordinaire écoeuré mais vraiment écoeuré du fédéralisme et de toutes ses magouilles politiques.
La Nation Québécoise de langue française est réellement en péril et un parti indépendantiste est la solution à adopter tout de suite, sauf pour celles et ceux qui ne pensent qu'à leur seul intérêt bien sûr.
______________________
Réjean Pelletier, un citoyen qui n'a de pouvoir que des commentaires.
Archives de Vigile Répondre
5 août 2011Bien vu, bien dit monsieur L'ENGAGÉ!
Mais le problème de la division des indépendantistes reste entier. Ca risque de devenir une des pires tragédies de notre histoire: le commencement de la fin.Un peuple mou, oublieux de son histoire, intoxiqué de consumérisme,trahi par ses élites économiques peut-il se reprendre en main? Le PQ,un échec générationnel rien de plus? De nouvelles élites nationalistes arriveraient qui s'apprêteraient à reprendre le combat de l'indépendance du Québec sur de nouvelles bases socio-historiques, culturelles, et surtout économiques? Souhaitable mais pour l'instant peut de signes avancoureurs d'observables...
Il faut donc faire avec le PQ, même si ce parti n'est plus que l'ombre de lui même.Lui sonner les cloches comme on le fait sur Vigile ne peut que profiter à la Cause en réveillant les militants. Mais le premier devoir su PQ dans la conjoncture actuelle c'est de nous débarrasser des Libéraux.Un défi majeur dans l'état actuel de l'opinion. Car la tentation de l'électoralisme en travaille plusieurs.Il a déja donné des fruits douteux que certains dénoncent avec force en dénonçant le Plan Marois.La position du PQ sur l'orientation socio-démocrate et sur l'option de l'Indépendance devenue trop diluée aux dires de certains réussira-t-elle à convaincre l'électorat? On verra bien mais pour l'instant, devant la cacophonie des critiques et de l'action dispersée, j'implore le Conseil de la Souveraineté de se faire plus présent sur la place publique.Le devoir du PQ c'est de prendre le pouvoir en promouvant l'option de la souveraineté. Le devoir Du Conseil c'est de travailler à l'unification des forces indépendantistes.On ne l'entend pas assez.
Archives de Vigile Répondre
5 août 2011L'engagé, mes respects!
I - La maïeutique comme si je relisais tout de Michel Foucault sur l'Archéologie du savoir et VLAN droit au coeur de l'enfantement que donne ce débat sur VIGILE où je partage en entier votre propos des plus lucides et bien rendus ; MERCI!
II - Quel plaisir de lire ce sens réel de la rhétorique, de la pensée bien dirigée qui va droit au but de l'idée discutée pour éviter (et ne plus) de s'enfarger justement dans les pâquerettes de tous et chacun ;
III - "La maïeutique a un lien avec l'enfantement, faisant de Maïa une déesse de l'accouchement et des sage-femmes. Maïa, l'une des Pléiades, était mère d'Hermès, lui-même père de Pan, Dieu du Grand Tout, au cœur de la tradition orphique. On attribue à tort le terme maïeutique à Socrate, du fait que sa mère était sage-femme." (WIKIPÉDIA). Il nous reste plus qu'à engendrer en NOTRE sein la RÉPUBLIQUE du Québec qu'a tant défendue PLATON ;
IV - Enfanter NOTRE indépendance ne se fera pas sans douleur, j'en conviens et vous avez bien raison de sonner la fin de la récréation de toutes ces personnes qui n'ont de cesse que de s'en prendre au messager plutôt que de prendre soin du "bébé" nouvellement né de cette mort du passé qu'a été le PQ où il nous faut à nouveau faire grandir cet ËTRE né vivant et viable de l'INDÉPENDANCE qui prône la DÉMOCRATIE durant son évolution ;
V - RIEN DE PLUS SIMPLE À COMPRENDRE, IL NOUS FAUT AGIR DANS CE SENS ;
ECCE HOMO