L'indépendance se gagne par le fait qu'elle devient une priorité pour les individus, pour les familles, pour les groupes, pour les réseaux et enfin parce que de plus en plus d'organisations militent pour la faire advenir.
L'indépendance devient une telle nécessité, il y a, à l'intérieur de la société une telle tension, que le politique se saisit de la question ou encore, une force politique émerge et supplante les autres forces politiques, car elle est soutenue par la force du mouvement populaire et rien ne peut arrêter cette vague.
Dans certains contextes, cette indépendance est une telle évidence, que les leaders politiques profitent de la moindre fenêtre pour la faire advenir. Mais ce n'est pas notre cas, nous ne manquons pas de fenêtres, d'opportunités. Nous manquons de volonté.
Comme je l'ai expliqué dans un vieux texte, «La lutte», nous vivons dans la postmodernité, ce qui signifie que nous ne pourrons plus revivre l'engouement politique des années 70 où l'identification à un parti ( le PQ, le parti communiste ou socialiste) pouvait avoir un sens et être porteur. Nous pourrons revivre d'autres moments d'ivresse politique collective ( le «yes we can»), mais cela prendra une autre forme que l'identification à un parti. Les jeunes sont hyperindividualistes et vivent dans une culture qui valorise le recyclage, la fragmentation et le relativisme. Ce qui signifie que la posture rigide d'une organisation institutionnalisée tue le potentiel créateur et l'énergie des gens prêts à s'investir pour une cause. Il faut donc, dans les combats politiques, des canaux qui correspondent exactement aux objets de lutte.
En un sens, notre époque est plastique, donc le parti politique traditionnel ne peut que se ringardiser. Comme le PQ est le parti naturel des idées, un parti intellectuel et plus artistique et enraciné dans la culture, il est le premier gagné par cette tendance. Plus porté à correspondre aux aspirations des jeunes, si les jeunes désertent les partis politiques traditionnels, le PQ sera en quelque sorte orphelin du sang frais et du dynamisme dont il a toujours eu besoin. Le fédéralisme et les autres partis carburent au contraire au conservatisme, ils ne sont donc pas touchés par le changement de paradigme, au contraire, ils sont un rempart. Jusqu'au jour où ils seront complètement balayés. La différence c'est que le jour où le Parti Libéral disparaitra, ce sera soudain, tandis que le PQ, plus moderne et plus près du véritable reflet de la société, peut mesurer plus précisément l'écart entre les changements sociaux et son manque d'adéquation avec cette même société traversée par des bouleversements.
Ainsi, indépendamment des qualités propres au PQ, il joue le mauvais rôle pour propager l'idée de l'indépendance. Et ce commentaire ne dépend pas de la qualité propre de l'organisation ou des idées, mais je la conjoncture et des effets structurants de cette conjoncture.
Par ailleurs, nous évaluons mal « la mesure » de l'idée de l'indépendance. Nous ne nous posons pas les bonnes questions. Nous mesurons des statistiques et des sondages, mais nous ne nous intéressons que rarement aux conditions réelles de la victoire.
Selon Sun Tzu, L'Art de la guerre, c'est l'art de soumettre l'ennemi sans combat. Mais il y a des conditions, d'abord se connaitre et connaitre ses ennemis, mais surtout analyser ses défaites.
Celui qui se connait et connait son ennemi pourra remporter cent victoires, et quelles sont les conditions pour vaincre? :
- occuper le terrain ( être partout au Québec)
- maitriser le terrain et ses avantages (savoir comment gagner, être visibles dans ces terrains nuire aux ennemis)
- disposer de ressources (financement, pancarte, louer des locaux, des pubs, utiliser les médias)
- appliquer une doctrine (maitrise de l'argumentaire, de l'histoire)
- être supérieurs en nombre
- avoir de très bon capitaines, du leadership
- avoir une grande force morale ( des militants biens formés, une discipline claire, des formations efficaces, et une bonne gestion pour récompenser les bons coups (et « punir les mauvais »), donc pour placer les gens à la bonne place.
Il ne s'agit donc pas que de sondage et de supériorité numérique. Pour l'emporter, il faut être meilleur que l'adversaire à travers ces 7 dimensions ET CES 7 DIMENSIONS INTÉGRALEMENT!
Sinon, la défaite est possible. On aura compris que l'indépendance sans combat, c'est l'indépendance sans guerre civile, sans déchirement ou sans retombées économiques trop désastreuses.Si on est sérieux dans sa quête de l'indépendance, on doit pouvoir sensiblement travailler à l'un de ces sept aspects. Essentiellement, j'ai exprimé des réserves sur le PQ, parce que je ne vois pas comment, surtout dans le contexte postmoderne, il peut augmenter la force de l'indépendance dans un de ces domaines, alors je le vois moins coordonner l'action dans les sept.
Pierre Foglia, dans un texte intitulé Le Canada Babebibobu a expliqué à quel point la société était composée de gens qui comprennent difficilement les subtilités, l'extrait suivant est effrayant :
Neuf millions de Canadiens entre 16 et 65 ans sont capables de lire sur la bouteille de pilules que leur a prescrit leur médecin qu'ils doivent en prendre une le matin et une le soir pendant 12 jours. Ce niveau-là. Pas plus.
Prenons maintenant la réflexion d'un philosophe (Jacques Rancière) sur l'actualité -- l'exemple cette fois vient de moi : La guerre en Irak n'a pas été déclenchée pour répondre à une situation d'insécurité, mais au contraire pour entretenir ce sentiment d'insécurité nécessaire au bon fonctionnement des États.
Combien de Canadiens comprendraient ce que dit Rancière (sans nécessairement l'approuver) ? Réponse : si peu que cette enquête avait prévu cinq niveaux, mais a aboli le cinquième pour cause de grande solitude à cette altitude.
Et le Québec dans tout ça ? Couci-couça. Nettement sous la moyenne canadienne, beaucoup moins bien que la Saskatchewan, que la Colombie-Britannique, que le Manitoba. L'enquête compare aussi les anglophones et les francophones qui font dur, mais surtout à cause des francophones hors Québec. Beaucoup d'autres données sur les immigrants, les autochtones, sur le revenu, la scolarisation des répondants par niveau, reste que de tous ces chiffres, celui qui me laisse le cul par terre c'est ce neuf millions de Canadiens entre 16 et 65 ans incapables de COMPRENDRE l'article qu'ils lisent dans le journal.
Neuf millions. 42 % de Canadiens et proportionnellement plus encore de québécois, croupissent au niveau un et deux. 42 % des citoyens d'un des pays les plus riches, les plus scolarisés, les plus plogués Internet de la planète sont des babebibobu.
Ajoutez ceux du niveau trois, 35 % de gens tout juste capables de comprendre une information pas trop compliquée, et de faire quelques liens. On arrive à plus de 80 % de la population de niveau, comment dire ? On disait dans me temps : professionnel court.
Ça veut dire que si vous voulez convaincre les gens d'une idée aussi complexe que l'indépendance, il vous faut vous lever de bonne heure, avoir une bonne méthode et travailler d'arrache-pied. Si vous voulez augmenter la force numérique, il faut absolument se consacrer à la pédagogie et à la diffusion de l'idée et il n'y a pas de raccourcis. Une adhésion superficielle reposant sur un trucage médiatique ou émotif sera facilement renversée. Inversement, un long travail patient, mais rigoureux sera durable.
Mais ça, ce n'est qu'un facteur, le nombre. Il faut aussi occuper le territoire, être fort à Alma, à Montréal, en Beauce ou à Gaspé. Il faut former des militants, communiquer la doctrine, répondre aux besoins quand il y en a, disposer d'une organisation mobile qui a un bon sens de la justice (pour récompenser les militants ou critiquer quand le travail est mal fait). Puis il faut de bonnes stratégies et les mettre en application : occuper des aéroports, paralyser les banques, inonder La Presse, manifester à Radio-Canada, manifester à McGill, interdire l'accès au Complexe G à Québec, organiser les boycottages de commerces unilingues anglophones, voler les portraits de la reine, remplacer les drapeaux canadiens par des drapeaux québécois (occuper le terrain) ou rayer le portrait de la reine sur nos billets.
Voilà toutes les choses que nous devons faire pour réaliser l'indépendance. Vous aurez compris que je me plais à travailler sur la doctrine et c'est à l'aune de cette autre doctrine que je vous demande d'examiner ce qu'un gouvernement prosouverainiste fera lorsqu'il sera au pouvoir.
On a perdu à deux reprises parce que l'on était systématiquement inférieurs à nos adversaires dans tous les domaines présentés ici, sinon peut-être la force morale. Si on est sérieux à propos de l'indépendance, on doit évaluer si notre travail, comme militant, comme organisateur, comme leader, comme penseur, permet d'améliorer la force du courant indépendantiste dans un des aspects décrits plus haut.
J'ai exprimé une réserve à l'égard du PQ parce que pour moi, il est si clair que l'indépendance doit se faire par l'augmentation de la puissance du mouvement dans tous ces domaines, et que lorsque je vois que le PQ ne s'y consacre pas, je ne peux que conclure qu'il ne semble pas vouloir la même chose que moi. Pourtant L'Art de la guerre nous indique la voie à suivre pour être victorieux. Je m'en foutrais du PQ (c'est-à-dire que je le laisserais faire son affaire), mais la bisbille sur Vigile à son propos me montre que des gens confondent l'atteinte de l'indépendance avec les objectifs du PQ.
Je ne vois pas les militants péquistes militer en tant que péquistes avec le RRQ (et donc occuper le terrain), au contraire, on a vu les péquistes FUIR VIGILE lorsque le site fut attaqué et le PQ s'est fait très discret à l'encontre de William et Kate. Encore une occasion de ratée. Ensuite, la gouvernance souverainiste complexifie la diffusion d'une doctrine simple pendant que les meilleurs éléments (Curzi pour la langue, Aussant, pour l'économie, Drainville pour la démocratie, Lapointe pour Crémazie et Beaudoin pour l'ensemble de son oeuvre) sont dévalorisés, ce qui est étrange, parce que les plus hargneux (Pinard, Gaudreault) semblent dans les bonnes grâces. Enfin, la loi 204 ligue MTL contre Québec (ou l'inverse), ce qui montre une piètre occupation du territoire et une piètre utilisation des ressources et surtout, ce qui indique un grave problème pour le moral des troupes, ce qui n'est pas étonnant si le ou la capitaine fait preuve d'incompétence. Ce contexte du «crois ou meurs» n'augmente pas le nombre de militants et est très peu utile aux formations, lesquelles semblent superflues si le fonctionnement du parti et ses stratégies ne reposent que sur des règles autocratiques.
Donc, quand on regarde la liste des choses à faire pour gagner, on voit que le PQ ne la suit pas, mais ce n'est pas grave. Si rallie tout le monde, sans chantage, il peut se faire élire, mais il doit pour ce faire mobiliser tout ce que la province compte d'indépendantistes. Ce qui implique ensuite de se plier à l'art de la lutte et de l'exercer.
Toutefois, pourquoi attendre le jour «J» pour commencer à lutter? J'ai envie de citer Pierre Bouchard pour conclure :
Le PQ n'est pas une solution valable. Souvenez-vous de la gouverne de Bouchard et de Landry. Tout comme le PLQ, le PQ a laissé partir de gros morceaux lorsqu'il était au pouvoir, rien n'était jamais assez grave ; le PQ a toujours été aux petits soins pour les acteurs économiques et les groupes anglophones et allophones, tout en refusant catégoriquement tout ce qui aurait pu protéger le peuple
majoritaire, les Canadiens français. Pensons encore aux accommodements
raisonnables. Il fallait se montrer pur et vertueux même si ça amenuisait
notre peuple. Quelle mentalité de colonisé. Le PQ n'a pas changé,
ouvrez-vous les yeux. Souvenez-vous de tout ce que le PQ a fait (et
continue de promouvoir) à l'encontre de notre peuple. Souvenez-vous que le
PQ nous ignore, qu'il est un vassal comme le PLQ et que son agenda est
celui des oligarques. Notre lente agonie est la même, que ce soit le PQ ou
le PLQ au pouvoir.
C'est cette logique que j'avais peur de voir se continuer. Depuis l'amphithéâtre et les démissions et le déni qui a accompagné ce moment ( ce que la rentrée parlementaire a confirmé), il n'est plus possible d'espérer que ce n'était qu'une fausse perception.
J'espère donc que ce texte va clore cet épisode de mon analyse de la déroute péquiste. Au volet de la pédagogie, j'ajoute désormais le volet de l'art de la lutte. J'espère que le PQ se réveillera et comprendra la nécessité de l'une comme de l'autre, mais je préfère ne pas nourrir d'illusion et travailler simplement pour l'indépendance.
Je résume la lutte :
Occuper le terrain, mobiliser des ressources, accroitre notre nombre, communiquer la doctrine, former des militants, diriger avec stratégie, renforcer le moral.
Et pourquoi faire?
Essentiellement pour appliquer ces deux principes simples :
Celui qui n’a plus l’initiative perd généralement ;
_ celui qui a l’initiative gagne habituellement.
Plus concrètement :
-* 1. Lorsque l’ennemi progresse, nous battons en retraite.
-* 2. Lorsque l’ennemi arrête, nous harcelons.
-* 3. Lorsque l’ennemi cherche à éviter le combat, nous attaquons.
-* 4. Lorsque l’ennemi bat en retraite, nous poursuivons.
Je vous expliquerai ça cette année, comme j'ai expliqué Séguin l'année passée, dans la mesure de mon temps et de mes moyens.
Je prie de m'excuser envers ceux que j'ai déçu avec ma récente prise de position, je suis persuadé que les partisans du PQ sont de farouches indépendantistes, mais qu'ils demeurent loyaux au parti.
La grande différence est que vous ne doutez pas que la chef du PQ et les mandarins du parti partagent votre idéal. Ne croyant pas cela, j'ai l'impression que le parti paralyse vos énergies, plutôt qu'il ne les canalise.
Pour moi, le PQ n'est qu'un véhicule, mais il est vrai que je n'y ai pas milité 30 ans.
Comme le dit mon ami le Professeur Tournesol :
Je crois plutôt qu'il faut créer 10, 15, 20, 25, 50, 100, 1000 mouvements indépendantistes, indépendants des partis politiques, dans tous les terrains, dans tous les milieux. Créer pour naître à la liberté. Expliquer la logique de l’indépendance, avec Séguin. Expliquer la logique de l’indépendance, avec l’interaction des facteurs économiques, politiques et culturels, par petits bouts, là où vous êtes, sur le terrain, expliquer la logique de l’indépendance, dans votre milieu; car ce sont ces petits bouts d’explication de la logique de l’indépendance, une fois rassemblés, qui transformeront le Québec. Créer pour naître à la liberté. Mais nous libérer de la provincialisation mentale.
Souhaitez-vous que le Québec devienne un État souverain, français, jouissant de la reconnaissance juridique internationale ? Il y a du pain sur la planche. Les plus dures luttes, les plus dures batailles sont devant nous. Nos enfants seront nos pionniers.
Salutations amicales
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
13 octobre 2011Ouf! Voilà un texte qui a du souffle, de la perspective et qui fait état des tâches énormes à réaliser.
Sun Tzu n'est pas né hier. Son ouvrage date de l'antiquité chinoise. La particularité de cet ouvrage - somme toute assez court - est un condensé de paroles émises par des hommes de guerre qui lui étaient contemporains ou ayant vécu avant lui. Il aborde des points précis (l'espionnage ou l'agent désinformateur, par exemple), mais le plus souvent, c'est l'idée, ou le sens de ce qui est dit, qu'il faut comprendre. Ça ne s'applique pas nécessairement de façon empirique, mais toujours de manière dialectique.
Cet ouvrage transcende le temps : il est totalement adaptable à l'époque actuelle, et au Québec, notamment. Sun Tzu vieillit très bien. L'Art de la guerre est accessible pour quiconque est à l'aise avec une certaine forme d'abstraction, et qui est par conséquent capable d'entrevoir les conséquences possibles d'un facteur X associé à un autre appelé Y, lesquels peuvent converger vers une unité XY (multiplication des deux facteurs, et non pas addition) qui fera mal paraître l'équation d'un adversaire qui carbure de manière strictement quantitative/empirique au A+B+C = D. Il s'agit donc de réduire au minimum les aléas de l'entropie.
Bien comprendre Séguin, interpréter le mieux possible L'Art de la guerre (il n'y a pas qu'eux, on s'entend), voilà ce que j'appellerais "savoir manipuler le marteau pour bien enfoncer le clou". Encore faut-il lever le bras et le tenir ce clou pour que l'on puisse voir un résultat. Il faut donc comprendre le pourquoi du marteau et du clou, faire les associations qui feront qu'on lèvera le bras pour ensuite l'abaisser, et aussi comprendre dans quoi et pourquoi on l'enfonce. Je simplifie au max, mais vous comprenez ce que je veux dire.
Je vous saisi très bien L'Engagé. Vous êtes, comme aurait dit Gramsci, un "intellectuel organique". Je vous trouve facile à suivre (le petit dérapage de l'autre jour, c'est déjà loin derrière pour moi...).
Puissiez-vous être lu et compris par qui de droit.
Au plaisir.