La démocratisation des religions

Un groupe religieux qui ne respecte pas ces conditions démocratiques, au Québec, se verrait refuser le statut de religion

Tribune libre - 2007


Les religions majeures qui sont présentes au Québec sont toutes nées avant la démocratisation des sociétés occidentales. Nous arguons ici que cette démocratisation, dans ses dimensions politiques, culturelles et sociales, constitue le plus grand apport occidental au reste du monde. Il s'agit, en fait, de la pierre angulaire de la civilisation occidentale moderne. Elle devrait donc s’appliquer au sein des organisations religieuses.
Il incombe, en effet, non seulement à la démocratie de s'accommoder aux différentes croyances, d'y faire place, de les accepter et d'en débattre, mais aussi, il convient aux religions de s'adapter à la démocratie, pierre angulaire de la civilisation occidentale. En cas de divergence, la démocratie doit primer. L'un des fondements de la démocratie moderne, c'est l'égalité en droit des hommes, c'est-à-dire la non-discrimination sur le fondement du sexe, de la race et de l'orientation sexuelle.
Aucune organisation à vocation universelle ne peut donc être fondée sur une telle discrimination sans contrevenir à la valeur pilier de l'Occident: la démocratie et l'égalité entre les hommes. C'est donc dire, que, logiquement, il convient de mettre une condition à l'exercice d'une religion organisée au Québec: le respect de cette valeur-mère au sein de l'organisation religieuse.
De plus, nous croyons qu'il est inacceptable qu'un chef d'État ou de religion, ou des deux, nomme, au Québec, des dirigeants religieux. Non, le peuple, dans ce cas-ci, les membres de la dite religion, doivent nommer, par élection, leurs dirigeants religieux. Nous proposons de plus un type de nationalisation des religions, c'est-à-dire une souveraineté populaire des Québécois sur les institutions religieuses auxquelles ils ont choisi d'adhérer.
La conjonction de ces deux principes, la démocratisation et la nationalisation, le second dérivant du premier, implique finalement, le droit inaliénable des groupes religieux québécois de choisir les règles de leur vie religieuse. Ceci n'implique pas nécessairement une rupture avec certaines allégeances extérieures; pensons aux baha'ïs, plus démocratiques dans leurs institutions, quoique imparfaitement (les leaders centraux restent exclusivement mâles).
Cependant, il est complètement inacceptable, au XXIème siècle, que le Pape de Rome nomme un évêque au Québec qui n'ait pas eu l'aval des Québécois membres de cette religion. Allons plus loin, et disons que le Pape de Rome peut bien avoir, officieusement, son propre candidat, mais que les Québécois membres de la religion désireux de s'y présenter peuvent le faire, qu'ils soient hommes, femmes, chastes ou non.
On s'entend que le candidat devra faire preuve d'une certaine connaissance religieuse, que certains peuvent choisir de valoriser un candidat mâle chaste, et ainsi de suite, mais cela ne saurait être une condition démocratique d'accès aux fonctions de leadership religieux. Nous proposons donc de doter le Québec d'une Loi sur la démocratisation et la nationalisation des religions, fondée sur les principes suivants:
1- L'élection des chefs de culte au suffrage universel à l'intérieur de la communauté,

2- L'éligibilité universelle des adultes québécois à l'ensemble des fonctions religieuses électives,

3- L'adoption interne, nationale, des règles qui régissent la vie religieuse.
Un groupe religieux qui ne respecte pas ces conditions démocratiques, au Québec, se verrait refuser le statut de religion, et les droits et obligations qui y sont liés. L'un de ces droits est le droit d'être enseigné à l'école, non que l'on doive faire abstraction complète des religions non-démocratiques, mais plutôt, que l'on leur préférera l'enseignement de la doctrine québécoise, obligatoirement démocratique, pour le dit courant religieux.
Qu’est-ce que ça veut dire? Ça veut dire, pour les juifs, qu’ils ne pourront fonder au Québec, l’adhésion à la religion juive sur un principe ethnique, ou de sang, mais que toute personne peut, de son propre gré, adhérer à la religion juive. Cela veut dire que, au Québec, la religion chrétienne, comme les autres, devra accepter que des femmes et des gens non chastes, mariés ou non, soient candidats aux fonctions religieuses électives.
Je ne crois pas, personnellement, que les humains sont égaux spirituellement. Pour moi, Jésus, par exemple, reste plus grand que moi spirituellement. Il en va de même pour Marie. En revanche, je ne crois pas que ces inégalités se fondent ou doivent socialement se fonder sur l’appartenance ni à un sexe, ni à une caste religieuse, ni à une race, ni, bien sûr, à une religion. Muhammad a dit qu’il ne peut y avoir de distinction entre les croyants qu’en matière de piété.
Ce que je propose, tout compte fait, c’est d’actualiser et de moderniser ce principe, par ailleurs, fort démocratique, et d’en faire un principe fondateur des religions au Québec.
David Litvak

Détenteur d’un baccalauréat personnalisé en “Religions et pensée moderne”

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3 commentaires

  • Normand Perry Répondre

    5 décembre 2007

    Rien n'est convaincant dans l'argumentation que vous faites monsieur Litvak, et je note qu'il n'y a rien de nouveau dans vos idées en terme d'innovation.
    L'intrusion du public dans le reglieux et l'inverse sont incompatible, anti-démocratique (atteinte aux libertés individuelles) et un précédent dangeureux.
    Même en France, où la séparation de l'État par rapport à la sphère religieuse est nette et très claire, on ne pourrait imaginer une telle proposition.
    À moins que vous ne vouliez déclencher une véritable guerre de religions au Québec ? Alors si c'est le cas, poursuivez dans votre raisonnement, et nous aurons ici un climat pas très différent de celui du Liban des années 1970 à 1994, je vous le garantit.
    Vive la république et la séparation complète entre l'État et la sphère religieuse.
    Normand Perry.

  • David Poulin-Litvak Répondre

    4 décembre 2007

    Bonjour M. Perry,
    Merci tout d’abord pour votre commentaire.
    Lorsque le gallicanisme français faisait que les évêques devaient être sanctionnés par le Roi et donnait prédominance aux conciles français sur le pape, cela constituait à la fois une nationalisation et une démocratisation du pouvoir religieux. Admettons cependant qu’il y avait là une claire intention de contrôle politique. Mais il s’agit notamment d’un précédent important allant en ce sens. Pour moi, au XXIème siècle, je soutiens qu’une organisation religieuse, pour être reconnue comme telle et avoir ce statut par l’État, devrait se conformer à certaines règles de base, dont le principe démocratique. Remarquez que rien n’empêcherait l’Église catholique de continuer d’exister selon son principe monarchique, papiste, mais elle ne pourrait pas alors être reconnue comme une organisation religieuse par l’État (1). Il est vrai qu’il s’agit d’une intervention de l’État dans la sphère religieuse, mais la laïcité implique en réalité une suprématie du politique sur le religieux.
    Il faut aussi savoir que les religions sont des organisations. Or, le gouvernement, de fait, reconnaît-il, dans le champ social, par exemple, des organisations incorporées qui ont un fonctionnement non-démocratique ? En terme de crédibilité, un syndicat avec une présidence à vie, ou une association quelconque qui exclurait de l’exercice des fonctions d’autorité une personne sur le fondement du sexe ou de la race, auraient-elles une légitimité sociétale ? La réponse est non, mais les organisations religieuses, elles, ont un tel statut. Je crois donc que l’État est en droit d’intervenir pour asseoir la prééminence de la démocratie. Il faut aussi se poser la question à savoir si une telle intervention de l’État dans la sphère religieuse, finalement, est justifiée, d’un point de vue pratique, et non du seul point de vue de l’application d’un principe, par ailleurs, pas si simple à cerner, celui de la séparation de l’État et de l’Église.

    Bien cordialement,
    David Litvak
    1 : Cela pourrait, par ailleurs, mener à une remise en question au sein de l’Église. Comment réagira Rome face à cette prétention québécoise de soumettre la nomination des évêques au Québec à une sanction populaire ? Une acceptation de l’Église pourrait mener à un changement plus substantiel et intégral de la structure de l’Église catholique.

  • Normand Perry Répondre

    4 décembre 2007

    David Litvak se trompe à la fois dans son analyse et dans ses conclusions.
    L'organisation interne de quelque religion que ce soit ne regarde en rien l'État, tout comme la gestion des affaires de l'État ne regarde en rien les responsables des religions.
    Plusieurs témoignages livrés à la commissions Bouchard-Taylor ont mis en relief l'attachement profond du peuple québécois au principe de séparation entre les deux entitées en question, la sphère religieuse et l'État. Et pour reprendre une image que j'ai déjà employé il n'y a pas si longtemps, les affaires religieuses (internes) et les affaires de l'État sont deux entitées aussi incompatible que peuvent l'être l'eau par rapport à l'huile.
    Or ce que propose David Litvak dans son exposé est en complète contradiction du principe de séparation entre le religieux et l'État, et en ce sens cette proposition est tout autant irrecevable.
    L'un des grands principes de la démocratie est celui des libertés individuelles. Que des gens choisissent librement et en toute conscience de vivre certains principes à l'intérieur de leur religion, cela les regarde et l'État n'a absolument aucun droit de regard en cette matière.
    Si la proposition de David Litvak était hypothétiquement appliquée par l'État québécois, ce sont les principes des libertés individuelles et démocratiques qui seraient attaqué de front. Si l'État prenait ce droit de s'ingérer dans les affaires des religions, les religions auraient alors le prétexte suffisant pour s'ingérer dans les affaires de l'État. Or, n'est-ce pas une autre démonstration très claire à la commission Bouchard-Taylor ? Nous ne voulons pas que la sphère religieuse impose ses vues et ses manières de voir le monde dans la sphère publique.
    Alors non, au nom même du principe de séparation de l'État par rapport aux religions et en corolère par rapport aux libertés individuelles, la proposition de David Litvak doit être rejetée du revers de la main. Elle serait un précédent dangereux pour les deux entités que nous voulons voir être séparée en toute chose et en toute circonstance.