Certains ont semblé trouver matière à nouvelle dans le fait que le PQ et le Bloc québécois allaient mettre leurs ressour-ces en commun pour les prochaines campagnes électorales.
C'est le contraire qui aurait été renversant. Depuis la création du Bloc, il y aura bientôt 17 ans, les deux partis souverainistes sont des vases communicants. Ils partagent membres, organisateurs et bien d'autres choses encore.
Le 5 octobre 2004, leurs directeurs généraux respectifs avaient même signé un protocole d'entente qui aurait eu pour effet d'installer un véritable pipeline grâce auquel le PQ aurait pu bénéficier de la manne que les nouvelles règles de financement des partis fédéraux héritées de Jean Chrétien faisaient pleuvoir sur le Bloc.
Ce protocole prévoyait notamment la mise en commun des agents de liaison des deux partis sur tout le territoire québécois, l'embauche d'un employé permanent chargé des relations avec les communautés culturelles, le développement conjoint d'outils informatiques, une formation uniforme des militants, de même que la coordination des sondages internes.
À l'époque, le PQ était retourné dans l'opposition, ce qui se traduit inévitablement par une période de vaches maigres. On peut facilement comprendre que Bernard Landry voyait cette entente d'un oeil très favorable, mais Gilles Duceppe s'y était opposé in extremis. Imaginez un peu la réaction du Canada anglais le jour où il aurait appris que l'État canadien subventionnait directement le PQ.
L'esprit du protocole demeure néanmoins vivant. Même en dehors des périodes électorales, le PQ continue de bénéficier des ressources mises à la disposition du Bloc, notamment pour la réalisation de sondages. Il n'y a peut-être pas la même complicité entre Gilles Duceppe et André Boisclair qu'à l'époque de Lucien Bouchard ou de Bernard Landry, mais les liens familiaux entre le PQ et le Bloc restent nettement plus étroits que ceux qui unissent le PLQ au «grand frère» fédéral.
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Même si le camp souverainiste n'a pas les mêmes moyens que ses adversaires fédéralistes, l'obligation de lutter sur deux fronts n'a pas constitué pour lui un trop lourd handicap jusqu'à présent.
La situation actuelle est cependant inédite. Depuis la fondation du Bloc, les élections générales n'ont jamais eu lieu la même année aux deux niveaux de gouvernement. Par définition, le Bloc est condamné à l'opposition, mais à l'exception de 1994, le PQ a pu bénéficier des ressources qu'assure l'exercice du pouvoir.
Cette fois-ci, les deux partis sont dans l'opposition, et les deux scrutins risquent d'être beaucoup plus rapprochés. Le gouvernement Harper a maintenant de bonnes chances de survivre au prochain budget fédéral, mais il serait étonnant qu'il arrive à se maintenir au-delà de l'année 2007.
Financer deux campagnes consécutives exigera beaucoup des militants souverainistes, mais le problème n'est pas insurmontable. Même si bon nombre de baby-boomers semblent vouloir bouder le PQ d'André Boisclair, il pourra toujours emprunter l'argent nécessaire.
De toute manière, il y a un plafond aux dépenses autorisées. C'est plutôt à l'étape de la pré-campagne, durant laquelle les dépenses ne sont pas limitées, que les libéraux peuvent le mieux profiter de leurs millions.
Le PQ et le Bloc risquent toutefois d'entrer en concurrence dans la chasse aux candidats. Jusqu'à présent, les deux partis se sont toujours entendus pour ne pas se cannibaliser. Malgré quelques exceptions, comme Stéphan Tremblay et Stéphane Bergeron, le PQ a évité de débaucher des députés bloquistes.
Le problème se pose particulièrement dans la région de Québec. Pour les deux partis, les résultats des dernières élections ont été également désastreux. L'un et l'autre doivent impérativement reprendre le terrain perdu. Qui aura droit aux meilleurs candidats? Par exemple, l'ancien député Richard Marceau pourrait permettre au Bloc de récupérer Charlesbourg, mais il serait aussi un excellent candidat pour le PQ.
«Les gens de Québec sont à la recherche d'un exercice plus grand du pouvoir», a dit André Boisclair pour expliquer «l'énigme de Québec». Précisément, bien des candidats préféreraient certainement faire l'expérience du pouvoir à l'Assemblée nationale plutôt que d'être élus à la Chambre des Communes avec la garantie de passer toute leur carrière dans l'opposition .
Selon toute vraisemblance, le PQ aura aussi l'avantage d'être le premier à affronter l'électorat. Le Bloc devra donc se contenter de ce que le PQ lui laissera. La vie en famille a d'indéniables avantages, mais elle comporte aussi son lot de frustrations.
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Plusieurs ont fait des gorges chaudes quand André Boisclair a promis de présenter une «équipe de rêve», mais le chef du PQ a simplement exprimé un peu maladroitement une obligation qui incombe à n'importe quel chef de l'opposition, quelle que soit sa valeur personnelle: s'entourer de gens suffisamment crédibles pour convaincre la population de sa capacité de gouverner.
Jean Charest avait le même problème en 2003. S'il s'est finalement résigné à recruter Yves Séguin, malgré l'avis de ses conseillers, qui n'avaient pas conservé un très bon souvenir de son passage dans le cabinet Bourassa, c'est qu'il en avait assez de se faire demander qui serait son ministre des Finances.
Un premier ministre n'a pas à prouver qu'il peut gouverner. Son problème est plutôt de faire de la place au sang neuf. En 1998, Lucien Bouchard aurait bien aimé renouveler un peu l'équipe dont il avait hérité de Jacques Parizeau, mais tous ses ministres s'étaient représentés, y compris les indésirables.
M. Charest se retrouve aujourd'hui dans la même situation. Si les rumeurs de remaniement ministériel ont disparu aussi rapidement à Québec, c'est qu'aucun de ses ministres ne lui a encore signifié son intention de partir. Remarquez, on l'a vu dans le cas de M. Séguin, le premier ministre connaît une autre façon s'assurer un certain roulement. Autre famille, autres moeurs.
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mdavid@ledevoir.com
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