Charest brûle des feux rouges

Québec - prochaines élections 2007


Jan Wong publie un texte désobligeant pour le Québec, Jean Charest réclame des excuses avant même qu'André Boisclair n'ait le temps de se scandaliser. Le Journal de Montréal annonce que les piscines de Montréal sont insalubres, le gouvernement annonce une réglementation plus sévère avant même de savoir s'il y a un problème réel. Un viaduc s'effondre à Laval, le premier ministre mandate Pierre Marc Johnson le même jour de faire une enquête publique. Quelle mouche a donc piqué Jean Charest ? On ne le reconnaît plus. Une telle vitesse de réaction surprend, de la part d'un premier ministre généralement beaucoup plus... relaxe.
Jean Charest n'est pas un marathonien. C'est un sprinter qui s'éveille à l'approche de l'échéance électorale. À six mois, peut-être un an, des prochaines élections générales, M. Charest vient de mettre le pied sur l'accélérateur, mais il brûle les feux rouges.
La nomination de Pierre Marc Johnson à la tête de la Commission d'enquête sur le viaduc de la Concorde a été faite avec un empressement qui ressemble à de la panique. L'accident est survenu vers midi 38, samedi. M. Johnson a été contacté dès samedi après-midi par le bureau du premier ministre. On comprend que le gouvernement ait voulu démontrer qu'il avait la situation bien en main. Mais rien n'obligeait M. Charest à annoncer la nomination de M. Johnson aussi rapidement. La formation de la commission d'enquête n'aurait pas subi la critique des partis d'opposition si M. Charest avait eu la courtoisie de prévenir André Boisclair de ses intentions avant d'en faire l'annonce. Cela lui aurait permis de tâter le pouls de l'opposition officielle, et d'éviter l'embarras qui a été causé à M. Johnson.
M. Charest voulait démontrer qu'il était en plein contrôle de la situation, et il a conclu, à tort, que la nomination d'un ancien premier ministre péquiste ne pourrait pas être critiquée par le PQ.
M. Johnson est un homme intègre et compétent, mais rien dans ses expériences professionnelles n'en faisait un candidat nettement supérieur pour diriger cette commission d'enquête. Sa nomination devait par ailleurs répondre à d'autres exigences. Un peu comme le président des Communes et de l'Assemblée nationale, la présidence d'une commission d'enquête commande une crédibilité qui reçoit l'aval de toutes les parties concernées. Dans le cas actuel, la dissidence du PQ et de l'ADQ a pu saper la confiance de la population.
Trop pressé en affaires, Jean Charest ? Certainement dans le cas de M. Johnson.
Le même empressement a failli tourner le gouvernement en ridicule lors de la publication des reportages du Journal de Montréal sur la salubrité des piscines de la métropole, au mois d'août dernier.
Sans même vérifier la véracité de ces reportages, le ministre Claude Béchard est sorti en courant du Conseil des ministres, pour annoncer un resserrement de la réglementation sur la qualité de l'eau de baignade partout au Québec, jusque dans les plans d'eau des terrains de camping, des parcs aquatiques et les piscines des hôtels. Dans les jours qui ont suivi, les médias ont révélé des vices importants dans l'enquête du journal. M. Béchard s'était énervé un peu trop rapidement. Encore une fois, le gouvernement Charest a bougé trop vite.
Le cas de Jan Wong est encore plus révélateur. Trois jours après avoir publié son reportage sur Dawson College dans le Globe and Mail, la journaliste ontarienne recevait une lettre lapidaire du premier ministre du Québec, réclamant des excuses. Il faut avoir vécu dans l'entourage du pouvoir pour comprendre à quel point le bureau de M. Charest a fait diligence dans cette affaire. André Boisclair, qui aurait dû normalement être le premier à dénoncer le reportage, a été pris de court et forcé de dire que dans un monde idéal, nous devrions ignorer ce genre d'affirmations gratuites contre le Québec.
Dans ce cas précis, M. Charest a marqué des points politiques. C'est de bonne guerre dans son métier. Mais dans le cas des piscines et du viaduc de la Concorde, son empressement a montré un manque de recul et de prudence.
On veut bien croire qu'il accélère le pas et prépare le terrain en vue des prochaines élections, mais entre le lièvre et la tortue, il y a une vitesse de croisière un peu plus responsable.
Parlant de comportement responsable, le premier ministre ontarien, Dalton McGuinty, ne prêche pas par l'exemple. Dans une entrevue au Globe and Mail, il a dit voir un côté positif aux difficultés du Canada en Afghanistan. Selon lui, Stephen Harper était prêt à "snober" l'Ontario pour gagner des sièges au Québec, mais il sera plus prudent maintenant qu'il a perdu des appuis au Québec à cause de la guerre. Le malheur des uns ferait le bonheur des autres ? Tout de même !
Pour joindre notre chroniqueur : glavoie@lesoleil.com


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