Pendant que tous les regards sont tournés vers Stephen Harper dans l'attente d'une proposition sur le déséquilibre fiscal, Jean Charest se prépare discrètement à encaisser un petit boni de 1 milliard $ à la fin de l'année. C'est notre "vache à lait" nationale, Hydro-Québec, qui s'apprête à lui faire ce petit cadeau, en pleine année préélectorale. Une belle coïncidence...
"Les besoins sont au Québec et l'argent, à Ottawa", scandaient les péquistes sous Bernard Landry. Pas cette fois...
L'histoire est simple : dans son budget 2006-2007, le ministre des Finances, Michel Audet, avait projeté des revenus de 2,5 milliards $ en provenance d'Hydro-Québec. Mais voilà que cette société vient d'encaisser un profit net supplémentaire de 806 millions $ en vendant Transelec, sa filiale chilienne. Elle s'est également départie de ses intérêts dans des filiales en Australie, aux États-Unis, en Chine, au Pérou, au Panama et au Costa Rica. Résultat : Hydro a annoncé un bénéfice net de 2,571 milliards $ au 30 juin, soit 1,115 milliard $ de plus qu'à la même période l'an dernier. À ce rythme, les porte-parole de la société admettent que leur bénéfice net atteindra au moins 3,5 milliards $ au 31 décembre 2006.
Ne vous réjouissez pas trop vite si vous pensez qu'on va en profiter pour réduire vos tarifs d'électricité, ce n'est pas ainsi que ça fonctionne.
Chaque année, le gouvernement encaisse la moitié des profits nets de ses sociétés d'État sous forme de dividendes et leur laisse l'autre moitié pour appuyer leurs investissements. Le ministère des Finances comptabilise les dividendes non encaissés comme un placement, et contracte un emprunt équivalent à ce montant, qui va dans les revenus gouvernementaux. C'est l'une des raisons pour lesquelles la dette publique a augmenté, même en période de déficit zéro.
Que fera Michel Audet avec les profits supplémentaires d'Hydro ? En année électorale ? Vous flairez déjà le danger...
Techniquement, ces bénéfices doivent aller au fonds consolidé du gouvernement. Québec n'a pas le droit de les transférer dans son budget 2007-2008. Il faut les dépenser ou les affecter au remboursement de la dette.
Le problème, c'est que l'argent, ça brûle les doigts des politiciens à l'approche des élections.
À moins d'une catastrophe, le gouvernement Charest n'aura pas vraiment besoin de ces surplus pour boucler son année budgétaire. Même si l'économie accuse un certain ralentissement, les revenus sont encore au rendez-vous et il sera possible de terminer l'année sans imposer de coupes budgétaires plus sévères qu'à l'habitude aux ministères.
De plus, Jean Charest a promis de s'attaquer à la dette dans le dernier budget, en annonçant la création du Fonds des générations. Selon les prévisions budgétaires, ce fonds ne devait recueillir que 73 millions $ au cours de l'année budgétaire, dont 64 millions en droits hydrauliques facturés à Hydro-Québec à partir du 1er janvier. Les documents du budget spécifiaient que "le gouvernement envisagera aussi la vente d'éléments d'actif afin de financer le Fonds des générations". Or c'est précisément une vente d'actifs qui gonflera les profits d'Hydro. Pourquoi ne pas verser les profits dans le Fonds ?
Il serait indécent que le gouvernement Charest dilapide ces profits dans de nouvelles dépenses en prévision des élections. Les libéraux seront sous haute surveillance de la part des partis d'opposition, et avec raison.
La critique du PQ en matière énergétique, Rita Dionne-Marsolais, réclame que ces profits extraordinaires servent à stabiliser les tarifs d'électricité des Québécois. Ce ne serait pas sage. Le gouvernement a eu trop de difficultés à se défaire du gel des tarifs d'électricité consenti par les péquistes pour remettre les doigts dans un engrenage similaire.
La politique étant ce qu'elle est, il est douteux que M. Charest soit porté, tout naturellement, à verser ces profits dans le Fonds des générations. Il aurait quand même intérêt à y réfléchir un peu.
Si le gouvernement croit vraiment à l'utilité de ce fonds, il doit donner un grand coup et y verser sa part du profit exceptionnel de la société d'État. Après tout, c'est en partie grâce à la mise sur pied du Fonds des générations que les agences de crédit comme Moodies ont augmenté la cote de crédit du Québec. Elles nous prendront beaucoup plus au sérieux l'an prochain si on y verse un demi-milliard de dollars dès la première année, au lieu d'un petit 73 millions $.
Si au contraire on utilise ces fonds à des fins partisanes, M. Charest sera un peu moins crédible lorsqu'il retournera à New York pour clamer que la réduction de la dette est sa priorité. Sans compter que Stephen Harper pourrait, avec raison, conclure que le déséquilibre fiscal n'est pas aussi grave qu'on le prétend...
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