La politique des gainsburgers

Québec - prochaines élections 2007


Briller parmi les meilleurs, scandent les libéraux depuis deux ans. Eh bien, ça brille partout depuis la mi-août au Québec. Pour une équipe qui a comencé son mandat en décrétant l'austérité budgétaire, le gouvernement Charest a définitivement ouvert la machine à subventions.
Quelques exemples : Jean-Marc Fournier autorise la reconstruction d'une école dans le Vieux-Limoilou : 5,5 millions $. Nathalie Normandeau annonce la construction d'une usine de filtration à Beaupré : 6,3 millions $. Françoise Gauthier donne 52 000 $ aux Fêtes d'automne de Saint-Donat ; Michel Després accorde 10 000 $ à la 16e présentation de Rêves d'automne, et Yvon Vallières accorde 10 000 $ à l'organisme Pommes en fête.
Ah oui, j'oubliais... Line Beauchamp confirme une aide financière de 108 000 $ au FestiJazz international de Rimouski, ma ville natale. Merci, Mme Beauchamp !
On aura beau dire qu'il s'agit là de "programmes normés" ou d'argent provenant des "budgets discrétionnaires" des ministres et députés, le gouvernement affiche ses dépenses beaucoup plus que pendant les trois premières années de son mandat. Il aurait été ma- ladroit de distribuer des subventions en plein milieu des négociations avec les fonctionnaires, quand on se plaignait des finances serrées de l'État...
Les promesses de subventions et de bouts de chemins ont-elles une influence sur les intentions de vote ?
Non ! C'est insultant, on essaie d'acheter le vote, on nous prend pour des imbéciles, et de toute manière, plus personne ne croit aux promesses. Voilà pour le cri du coeur. Tentons de faire la part des choses.
Premièrement, tous les politiciens ont la même recette. Pendant l'année précédant les élections de 2003, les bacs de recyclage débordaient de communiqués de presse du gouvernement Landry saupoudrant des subventions. Les libéraux dénonçaient la manoeuvre qu'ils utillisent aujourd'hui. Il ne se passe pas une journée depuis deux semaines sans que les communiqués de presse des ministères nous annoncent des subventions. Voilà pourquoi la machine à rumeurs s'est emballée et a annoncé l'imminence d'une campagne électorale.
Le bureau du premier ministre se défend bien de vouloir acheter les votes "à la Duplessis". On y prétend que M. Charest n'avait rien à annoncer au cours des premières années de son mandat, parce que les péquistes avaient laissé la caisse vide.
La réalité, c'est que M. Charest, qui avait l'habitude de se la couler douce pendant le mois de juillet, a travaillé tout le temps cet été. Or, promener le premier ministre et ses ministres en régions sans leur donner des bonbons à annoncer, c'est une hérésie chez les faiseurs d'images. "Moi, je maintiens que le premier ministre peut aller en région sans faire d'annonces, mais il y en a d'autres qui pensent autrement", explique un organisateur libéral.
Même son de cloche chez les péquistes. "Je rêve du jour où un premier ministre aura le courage d'aller voir les gens et de ne leur promettre rien d'autre que de bien gouverner", plaide un collaborateur du temps.
Alors, pourquoi saupoudrer ainsi des subventions ? "Parce que c'est ce qu'il y a de plus simple. Tu as une couverture de presse assurée, ça fait de bonnes images, et ça lui permet de rencontrer des gens. Et tu te couches le soir en te disant que "ça a bien été"."
C'est la politique du gainsburger, ainsi baptisée par Brian Mulroney, qui estimait essentiel de donner une nouvelle par jour (un gainsburger) aux journalistes sur la route pour les tenir occupés et éviter qu'ils ne causent des problèmes.
Tout le monde affirme que ces annonces ont peu d'influence sur l'électorat, mais tout le monde continue d'en faire. Pourtant, on a appris depuis longtemps à décoder les promesses des politiciens. Ainsi, quand Jean Charest annonce 100 millions $ pour faire 400 km de routes sur la Basse-Côte-Nord, personne ne croit en la faisabilité de la chose dans un avenir prévisible. Il a fallu huit ans et 107 millions $ pour bâtir le tronçon routier de 104 kilomètres sur la 138, entre Havre Saint-Pierre et Aguanish, à partir de 1988. Sans compter le bitumage... Il faudra bien 40 ans pour compléter les travaux annoncés par M. Charest. Tout ce que le gouvernement vient de faire, c'est de lancer les études techniques et environnementales préalables à un tel projet.
Vous me trouvez pessimiste ? Ou cynique ? Voyons voir : lorsque je suis devenu journaliste pour La Presse, sur la Rive-Sud de Montréal, en 1975, les libéraux promettaient de compléter l'autoroute 30 entre Sorel et Valleyfield. Trente-six ans plus tard, on y travaille encore...
Les gainsburgers, il faut prendre ça avec un grain de sel, tant et aussi longtemps que le chèque n'a pas été mis à la poste.


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