Une ressource épuisable

EAU - Commerce de l'eau

La ministre de l'Environnement, Line Beauchamp, déposait la semaine dernière le très attendu, parce que promis depuis si longtemps, projet de loi sur l'eau. Elle se donne par là les outils pour protéger et encadrer l'exploitation de cette richesse dont elle consacre le caractère collectif. Le projet est perfectible, et il faudra l'étudier avec soin. Mais reconnaissons que l'on s'apprête à franchir un pas important.
Dès la première ligne du préambule du projet de loi nº 92, il est rappelé que l'eau est une ressource «indispensable à la vie» et qu'elle est «épuisable». Ce mot est à souligner, car on l'oublie trop souvent. Le fait de détenir au Québec 3 % des réserves mondiales d'eau douce renouvelables ne nous autorise pas à exploiter cette ressource sans limites. Un Montréalais en utilise chaque jour 300 litres pour ses besoins domestiques, un Parisien seulement 150. Nos industries sont tout aussi gloutonnes. Il faut penser à demain.
Il y a longtemps que les environnementalistes réclamaient un tel projet de loi qui, dans l'ensemble, est bien structuré. Sa première vertu est d'affirmer le caractère collectif de l'eau. Le Code civil du Québec le soulignait, mais il y fallait dire avec davantage de clarté que cette richesse patrimoniale appartient à tous les Québécois. Cela fait, le gouvernement québécois peut dès lors se donner les pouvoirs pour en assurer la protection et la gestion. Il pourra notamment imposer des redevances aux utilisateurs, ce qu'il ne pouvait faire tant que subsistaient des ambiguïtés autour du statut juridique de cette ressource.
Il était temps que le Québec dépose ce projet de loi attendu depuis 2002 alors que le gouvernement de Bernard Landry adoptait une politique de l'eau dont Mme Beauchamp s'est largement inspirée. Ne chicanons pas inutilement le gouvernement Charest pour avoir tardé, car les choix qu'il fait sont bons. Il ne se trompe pas en mettant en place les éléments d'une gestion de la ressource eau par bassin versant, tel que le recommandait la commission Beauchamp en 2000. De même, lorsqu'il consacre les principes de prévention et de réparation. Il revient aux utilisateurs de prélever l'eau de façon responsable. L'État aura, une fois la loi en vigueur, les moyens d'obtenir réparation des dommages.
Autre principe consacré par le projet de loi, celui de l'utilisateur-payeur. Il faudra payer pour utiliser la ressource. Combien? Cela n'est pas dit. Comprenons que ce sera peu. Pour comparaison, notons que la Colombie-Britannique, qui exige de telles redevances depuis 1858 eh oui!, a retiré seulement six millions de dollars l'an dernier pour l'utilisation de l'eau de surface à des fins commerciales ou industrielles. L'Ontario commencera à imposer des redevances en janvier prochain. Tout en regardant ce que ce voisin fera, concurrence oblige, il faudra néanmoins que le prix exigé corresponde à la valeur que l'on attribue à cette ressource. Sans cela, les utilisateurs ne seront pas incités à faire l'usage responsable recherché par le projet de loi.
L'organisme Eau-secours, qui milite depuis des années pour l'adoption de cette loi, prétendait jeudi que le gouvernement Charest a rédigé un texte qui favorise l'exploitation de l'eau plutôt que sa protection. Est-ce à dire que, parce que cette ressource est menacée, il faut s'empêcher de l'exploiter? Bien évidemment non. L'objectif d'une telle loi est d'assurer la pérennité de la ressource pour les générations futures et non de mettre des barrières à une exploitation responsable. Au cours de l'étude de ce projet de loi, il faudra s'assurer que l'encadrement proposé soit sans failles... sans tomber pour autant dans le protectionnisme à outrance que suggère le propos d'Eau-secours.


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