Le rapprochement entre l'Ontario et le Québec survenu dimanche et lundi n'est pas sans causes, surtout de la part de la première, qui s'est longtemps crue le coeur du pays à elle seule et capable d'orienter par son poids démographique et économique les politiques du pays. Ce n'est plus le cas. Le coeur économique et politique du Canada se déplace de plus en plus à l'ouest, pour qui Ottawa conçoit de plus en plus ses politiques.
La crise du secteur manufacturier est ainsi pour ces deux provinces une réalité presque quotidienne. Hier, l'Ontario apprenait avec surprise la fermeture de l'usine General Motors d'Oshawa, entraînant la perte de quelque 1000 emplois directs sans qu'Ottawa ne s'en inquiète. Les premiers ministres McGuinty et Charest avaient déjà pu constater il y a quelques mois que leur poids politique était décuplé lorsqu'ils parlaient d'une seule voix. Ils avaient pu faire reculer Stephen Harper, qui avait lié une aide financière au secteur manufacturier à l'adoption de son budget. L'idée de faire front commun s'est vite imposée.
Cette nouvelle alliance est davantage politique qu'économique. La volonté de collaborer à la réalisation d'un train à haute vitesse et à la libéralisation de la mobilité de la main-d'oeuvre relève du long terme. Ces projets se buteront à bien des difficultés avant de se réaliser. La priorité des premiers ministres Jean Charest et Dalton McGuinty est de faire comprendre au gouvernement Harper qu'il y aura un prix politique à payer s'il continue à ignorer les besoins du Canada central dans l'élaboration de ses politiques. Si les baisses d'impôt des entreprises peuvent être un stimulant économique dans des provinces où domine l'exploitation des ressources naturelles, ce ne peut être le cas pour le secteur manufacturier ontarien et québécois, qui a besoin aujourd'hui d'un soutien direct. De même, la politique fédérale de réduction de l'intensité des émissions de gaz à effet de serre, plutôt que leur plafonnement, est faite sur mesure pour les entreprises exploitant les sables bitumineux.
Puisque des élections se profilent à l'horizon -- elles auront lieu au plus tard dans 18 mois --, Jean Charest et Dalton McGuinty ont voulu se positionner comme des joueurs incontournables de cette joute où la mise en oeuvre de l'accord de Kyoto sera un enjeu central. Le protocole d'entente par lequel ils ont convenu d'instaurer un système de plafonnement et d'échange de gaz à effet de serre leur servira de levier. Le gouvernement Harper ne s'y est pas trompé, recevant ce protocole comme une déclaration de guerre. De fait, on peut y voir une condamnation de l'approche du gouvernement Harper et un appui au Parti libéral de Stéphane Dion.
Le message des premiers ministres McGuinty et Charest est clair. Si Stephen Harper ne les veut pas sur sa scène électorale, il se doit de pactiser. Ce pourrait être en recherchant des politiques environnementales communes. Ce pourrait aussi être sur bien d'autres choses, chaque province ayant ses propres revendications qui ne se rejoignent pas toujours. Le premier ministre fédéral voudra probablement briser ce front commun pour se garantir la neutralité d'au moins un des deux gouvernements provinciaux. Il choisira sans doute de traiter avec la province où il peut faire le plus de gains électoraux. Ce pourrait être le Québec, où le Parti libéral de Stéphane Dion fait mauvaise figure. C'est là qu'on verra si la nouvelle alliance Québec-Ontario résistera au temps. Les rivalités pourraient renaître rapidement.
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