La nouvelle alliance

Québec-Ontario

La rencontre au sommet des premiers ministres québécois et ontarien et de leur conseil des ministres respectif a provoqué des sentiments contradictoires d'un bout à l'autre du pays. Avant même l'accord conclu sur le projet de système d'échange de crédits de carbone, c'est la tenue même de cette réunion, généralement applaudie dans la presse ontarienne et des Maritimes, et ses conséquences éventuelles qui ont retenu l'attention.
Selon Chantal Hébert, du Toronto Star, la nouvelle alliance entre Jean Charest et Dalton McGuinty «est la manifestation la plus éloquente à ce jour d'une nouvelle ère d'activisme provincial où les premiers ministres provinciaux prennent l'initiative dans des dossiers de politique nationale». Alors qu'on avait l'habitude de voir les provinces se rebiffer devant les ingérences d'Ottawa dans leurs propres affaires, voilà qu'on assiste à un renversement où les provinces se mêlent de commerce, de changements climatiques, de relations étrangères, sans égards, bien souvent, pour l'orientation adoptée par le gouvernement Harper.
James Travers, aussi du Star, pense que Harper ne doit pas être totalement mécontent de ces derniers développements. Il a beau avoir été embarrassé par la sortie des Charest et McGuinty sur l'environnement, il a vu dans cette rencontre une certaine concrétisation de sa vision de la fédération. «Harper a toujours sérieusement défendu un rôle plus circonscrit pour le gouvernement fédéral, et son plan fonctionne, écrit Travers. Par conséquent, en laissant Harper à l'écart, McGuinty et Charest mettent les conservateurs dans une position confortable. Parfois, une gifle au visage peut être l'équivalent d'une tape dans le dos.»
Barbara Yaffe, du Vancouver Sun, se demande cependant s'il est possible qu'un pays ait deux centres de gravité, celui formé du Québec et de l'Ontario et celui composé de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Elle affirme qu'ils sont destinés à prendre des directions opposées «car, lorsque les conditions économiques de l'un sont bonnes, le plus souvent celles de l'autre sont mauvaises. Deux blocs puissants, des intérêts divergents, un gouvernement fédéral, ce devrait être intéressant.»
L'Ouest aux aguets
La décision du Québec et de l'Ontario d'aller de l'avant avec un système d'échange de crédits de carbone est perçue par l'Ottawa Citizen, le Toronto Star, le Halifax Chronicle Herald et le Globe and Mail comme un geste nécessaire étant donné le manque de leadership du gouvernement fédéral dans le dossier des changements climatiques. Le Winnipeg Free Press déplore toutefois l'absence d'un plan cohérent à l'échelle canadienne. À son avis, le problème des changements climatiques ne peut être résolu sans une rencontre au sommet de tous les acteurs et l'adoption d'«une sérieuse stratégie nationale à long terme».
Dans l'Ouest, on s'inquiète. Le Vancouver Sun trouve que l'initiative des deux provinces ne fait qu'embrouiller davantage le paysage et qu'elle est déjà compromise par «la confusion et l'esprit de clocher». L'Edmonton Journal invite le premier ministre albertain Ed Stelmach à continuer de défendre «la santé du moteur énergétique de l'économie canadienne» mais à comprendre aussi qu'«au XXIe siècle, la menace ne vient peut-être pas tant d'un changement imposé par les politiciens de l'Est que par le risque d'être laissé en rade par eux et la communauté internationale», prévient le Journal.
Le Calgary Herald se réjouit quand des provinces trouvent des solutions qui servent leurs intérêts, mais il apprécie moins que le Canada central veuille amener «le reste du pays à agir de façon à servir les leurs». Selon le Herald, «il est facile pour le Canada central de jouer les bien-pensants au sujet des émissions de carbone puisqu'un système d'échange basé sur des cibles exigeantes ferait de l'Alberta un acheteur des crédits de leurs manufacturiers».
Le Leader-Post, de Regina, craint carrément que l'Ouest soit victime d'une politique similaire à l'éternellement honnie Politique énergétique nationale. Selon le quotidien, un système d'échange de crédits de carbone aurait le même effet car cela entraînerait, comme sous la PEN, un transfert de richesses de l'Ouest pour soutenir l'économie de l'Est.
Injection de bon sens
Soucieux de réduire les méfaits causés par les drogues injectables, Québec a indiqué cette semaine qu'il pourrait envisager la mise sur pied de sites d'injection supervisée pour les usagers de drogues dures, à l'image de celui qui existe à Vancouver, le seul en Amérique du Nord. Ce site fonctionne grâce à une exemption accordée par Ottawa en vertu de la Loi sur les stupéfiants. Un tribunal de la Colombie-Britannique a conclu la semaine dernière que le sort d'Insite était un enjeu de santé publique, donc de responsabilité provinciale, et que les dispositions de la loi fédérale étaient inconstitutionnelles puisque contraires au droit à la santé des personnes souffrant de dépendance. Le site de Vancouver, qui devait fermer à la fin de juin, pourra donc rester ouvert encore un moment, mais Ottawa a décidé d'en appeler du jugement.
Ceci fait dire à Barbara Yaffe, du Vancouver Sun, qu'en ne profitant pas de la porte de sortie offerte par le jugement, les conservateurs «apparaissent maintenant comme les prisonniers de leur idéologie de droite» et aveugles au consensus local en faveur d'Insite. Kerry Diotte, du Edmonton Sun, pense qu'il est temps que les conservateurs «descendent de leurs grands chevaux» et reconnaissent que la science leur donne tort en ce qui a trait aux avantages des sites d'injection supervisée de drogues injectables. Diotte trouve ironique d'entendre les «moralisateurs conservateurs» dire que les drogues sont mauvaises pour la santé alors que le fédéral continue de tirer plus de revenus de la vente de cigarettes que certaines compagnies de tabac.


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