Des groupes environnementaux, sociaux et syndicaux de tout le Canada vont tenter de faire échec à compter d'aujourd'hui au pacte nord-américain sur les ressources en eau et sur les richesses naturelles du Canada, que préparent derrière des portes closes une poignée d'oligarques du secteur privé et des gouvernements du Canada, des États-Unis et du Mexique dans le cadre du North American Future 2025 Project.
Pour le Conseil des Canadiens et la Coalition Eau Secours, deux organismes qui regroupent des dizaines d'organismes syndicaux, sociaux et environnementaux, la rencontre de Calgary, qui réunira demain et vendredi les partenaires de ce projet de continentalisation des ressources, n'est en réalité qu'une façon déguisée pour les États-Unis de s'approprier les ressources en eau du Canada, tout comme ce pays a pris le contrôle à 50 % des secteurs du gaz et du pétrole canadien, dont la production sert désormais à 70 % la boulimie énergétique de nos voisins du Sud.
Les deux grandes coalitions sociales et environnementales ont partiellement divulgué hier des documents qui décrivent les objectifs de la rencontre à huis clos de Calgary. Il en ressort qu'il ne s'agirait pas d'une rencontre exploratoire entre grands théoriciens, comme l'ont affirmé ses promoteurs, mais de la préparation de politiques que les représentants privés des trois pays s'apprêtent à soumettre à leurs gouvernements au début de l'automne.
Lorsque le Conseil des Canadiens et Eau Secours ont demandé la semaine dernière à Ottawa d'interdire à ses hauts fonctionnaires de participer à cette rencontre «furtive», le ministre fédéral de l'Environnement, John Baird, a répliqué qu'elle ne pouvait amorcer des exportations massives des eaux canadiennes puisque plusieurs lois, autant fédérales que provinciales, l'interdisent. Mais Ottawa n'a pas pour autant interdit à ses hauts fonctionnaires d'y participer.
Ce forum de Calgary a été organisé par le Center for Strategic and International Studies des États-Unis (CSIS), le Conference Board du Canada et le Centro de Investigación y Docencia Economomicas (CIDE) du Mexique.
Selon les documents publiés par les deux coalitions canadiennes, cette rencontre prévoit tenir une table ronde vendredi sur «le futur de l'environnement nord-américain», qui abordera notamment «la consommation d'eau, les transferts d'eau et les déviations artificielles d'eau en vrac» dans le but de réaliser «l'utilisation conjointe optimale de l'eau disponible» en Amérique du Nord, i.e. celle du Canada, qui en possède l'essentiel.
Or, notent les deux organismes citoyens, l'eau, selon le traité de l'ALENA, deviendra un bien commercial dès qu'elle deviendra, même une seule fois, un objet de transaction financière entre deux partenaires de pays différents. Dès lors, aucun gouvernement ne pourra plus la réglementer sans que cela devienne une entrave au libre-échange. Depuis quelques années, plusieurs juristes ont confirmé que les gouvernements au Canada perdront leur compétence sur la gestion de leurs eaux au profit du droit prioritaire des entreprises de les exploiter.
Selon les documents divulgués hier par les deux coalitions, le gouvernement fédéral participe formellement à ce processus opaque malgré ses dénis. Un document du forum prévoit que, «pour respecter l'échéancier souhaité de ce projet» de continentalisation des ressources, le CSIS américain «dressera ses hypothèses en s'appuyant sur les scénarios de projection existants et sur le travail d'examen du futur pertinent [sic] concernant chacun des six sujets sur lesquels les trois gouvernements se sont entendus, c'est-à-dire la mobilité de la main-d'oeuvre, l'énergie, l'environnement, la compétitivité et l'infrastructure et la logistique frontalière».
Les trois gouvernements, selon les coalitions qui vont commenter leur projet ce matin en conférence de presse, prévoient que le forum de Calgary servira «de fondement en vue de l'élaboration d'un plan directeur des systèmes futurs d'infrastructure frontalière et de logistique concernant la mobilité de la main-d'oeuvre, l'énergie, l'environnement, la sécurité et la compétitivité». Le rapport de ces oligarques sera revu deux fois par les trois gouvernements membres de l'ALENA avant d'être déposé officiellement dans le but de «maximiser les répercussions sur les politiques» bien réelles qui vont en sortir.
Selon le Conseil des Canadiens, lit-on dans son analyse du forum de Calgary, si le CSIS américain voulait vraiment obtenir la meilleure réflexion possible sur ces enjeux, il n'aurait pas limité le débat à une petite oligarchie continentale derrière des portes closes mais en aurait fait un objet de débat public par les citoyens, syndicats et groupes environnementaux et aussi par les parlementaires de tout le Canada.
Le Conseil des Canadiens et Eau Secours sont particulièrement inquiets de cette amorce de continentalisation des ressources qui masque, selon eux, une tentative d'accaparement des ressources canadiennes en eau par les États-Unis, car les «échanges» dans ce domaine sont à sens unique.
L'«approche pro-active», que le forum privé privilégie, se base sur des «solutions créatives au-delà des ententes courantes de gestion transfrontalière de l'eau que les États-Unis ont conclues avec le Mexique et le Canada», comme le traité canado-américain sur les eaux limitrophes.
«Cette option, poursuit le document intercepté par les deux coalitions, pourrait être de conclure des ententes régionales entre le Canada, les États-Unis et le Mexique sur des questions comme la consommation d'eau, les transferts d'eau et les déviations artificielles de l'eau douce.»
«Les trois nations, indique encore le document, devront surmonter les défis bureaucratiques posés par leurs systèmes politiques et leurs régimes légaux différents, particulièrement si l'objectif futur ultime de l'Amérique du Nord est de réaliser l'utilisation conjointe optimale de l'eau disponible et de mettre en oeuvre des procédures qui aideront à éviter ou à résoudre les différends concernant l'eau devant les pressions sans cesse croissantes exercées à l'égard de cette ressources inestimable.»
Pour le Conseil des Canadiens, non seulement l'eau deviendrait ainsi un objet de commerce pour les multinationales et non plus la ressource publique essentielle aux écosystèmes et aux gens qui en dépendent présentement, mais les clauses de l'ALENA sur le «traitement national» conféreraient même aux compagnies américaines des droits égaux à ceux des sociétés d'ici sur les eaux du Canada. Tout comme, disent-ils, dans les secteurs du gaz et du pétrole, où les États-Unis ont annexé progressivement les réserves canadiennes sans possibilité de récupération pour des fins nationales.
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