Une constitution toute aussi irrecevable

Daniel Turp devrait prendre acte de ce fait en nous proposant une structure d’État propre à un régime républicain

Constitution québécoise


Le 17 avril dernier, Daniel Turp présentait un premier projet de constitution. Nombreux ont été les souverainistes à se demander quelle mouche l’avait piqué pour se lancer ainsi dans un projet de constitution d’un Québec-province plutôt que d’un Québec souverain. Et voilà qu’un mois plus tard, Turp a refait son devoir et dépose le projet de loi 191, nouvelle version de sa constitution.
À force de ne pas appeler un chat un chat, Turp nous présente un document encore plus bancal que le premier. Il nous met en présence d’un chef d’État et d’un premier ministre incarnés par une même personne. Il y a chez notre constitutionnaliste-député un refus de dire les choses telles qu’elles sont, à savoir que le Québec est un État fédéré avec un système parlementaire de type monarchique et que le véritable chef d’État est, théoriquement, la reine d’Angleterre et, pratiquement, le premier ministre du Canada qui, sans aucune consultation, peut nommer qui il veut comme représentant de sa majesté au Québec. Dans le chapitre: LE CHEF OU LA CHEFFE D’ÉTAT du projet II, ce n’est qu’entre les lignes que l’on comprend que ce n’est pas du lieutenant-gouverneur dont il est ici question, mais bien d’un premier ministre avec un don d’ubiquité tel qu’il réapparaît au chapitre: DU GOUVERNEMENT DU QUÉBEC.
Tout projet de constitution du Québec-province venant d’un député-constitutionnaliste indépendantiste ne peut être recevable pour les militants de la cause que s’il porte en lui un élément provocateur qui permettrait aux indécis de saisir comment les Québécois sont de plus en plus piégés par le régime. Le projet se doit donc de mettre l’accent sur des changements qui peuvent faire fortement consensus et à terme débloquer les choses. Pour ce faire, Turp devrait repenser son projet afin que sa constitution donne davantage d’accent au droit à l’autodétermination du Québec et qu’elle propose un régime républicain.
Un droit à l’autodétermination renforcé
Il est déjà inscrit dans les deux projets, mais pas assez fortement pour contrer l’assaut du Clarity Bill contre son éventuelle utilisation. La courte phrase «Le Québec est une société libre et démocratique» est trop timide car il se doit ici d’ameuter les citoyens contre les réelles intentions du reste du Canada quant à leur avenir collectif. Il serait donc de mise d’y ajouter cet extrait de la loi 99: «Seul le peuple québécois, par l'entremise des institutions politiques qui lui appartiennent en propre, a le droit de statuer sur la nature, l'étendue et les modalités de l'exercice de son droit à disposer de lui-même et qu'aucun autre parlement ou gouvernement ne peut réduire les pouvoirs, l'autorité, la souveraineté et la légitimité de l'Assemblée nationale.»
Un régime républicain
Il n’est pas surprenant que le Comité des fêtes du quatrième centenaire de Québec ait eu à revenir sur sa décision d’inviter Élisabeth II aux cérémonies de l’été prochain. Les Québécois ont de la difficulté à comprendre l’attachement du Canada anglais envers la monarchie. Daniel Turp devrait prendre acte de ce fait en nous proposant une structure d’État propre à un régime républicain, même si le Québec fait encore partie d’un Canada qui vit très bien en régime monarchique. Nous lui suggérons de décaler son chapitre II pour faire place à un nouveau ayant comme chapeau: LA PRÉSIDENCE et se lisant à peu près comme ceci:
«Le Président de l’État du Québec est nommé pour un mandat de cinq ans par un Conseil des sages formé à la fois (d’un nombre à déterminer) de députés et d’éminents membres de la société civile. Ce président a le pouvoir d’inviter à former le gouvernement, le chef de parti ayant recueilli le plus grand nombre de sièges à l’occasion d’un scrutin général. Si le parti gouvernemental perd la majorité sur un important projet de loi, il est du devoir du président, avant de dissoudre la Chambre, de vérifier si tout autre chef de parti aurait quelques chances de former un gouvernement ayant la confiance d’une majorité de ses pairs.
Le Président du Québec est un chef d’État qui a le pouvoir de sanctionner les lois adoptées par l’Assemblée nationale. Il officie les cérémonies protocolaires. Il a la tâche de distribuer mentions et médailles de haut-mérite aux citoyennes et citoyens du Québec et d’ailleurs dont l’État du Québec veut rendre particulièrement hommage.»

On aura compris qu’un tel chapitre en fait disparaître un autre dans le dernier essai de constitution du député de Mercier.
Le rôle que devrait jouer le constitutionnaliste Turp à l’Assemblée nationale
On peut prévoir qu’un autre constitutionnaliste-député, le suave Benoît Pelletier, s’y objectera si jamais le projet de Turp est ainsi révisé. Et il est certain le Canada anglais sera réfractaire à toute réforme de la constitution qui ferait que le Québec devienne républicain à l’intérieur d’un Canada resté monarchique.
Si un député-constitutionaliste se disant indépendantiste se permet de faire une constitution d’un Québec province, qu’il y joue au moins un rôle d’éducateur en présentant le projet avec l’ajout d’un élément qui dénigre ce qui est la pire contradiction d’une des plus vieilles démocraties au monde. Il obligera ainsi le PLQ et l’ADQ à se commettre sur une question à haute valeur symbolique. Il ne serait pas surprenant alors que le débat permettre à un Mario Dumont de voir pointer enfin la souveraineté sur son écran radar.


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    29 mai 2007

    Objet : Une constitution toute aussi irrecevable
    Madame, Monsieur, bonjour,
    Monsieur Claude G. Charron a écrit sur :

    Tribune libre de Vigile / mardi 29 mai 2007 / http://www.vigile. net/article6952. html
    « Une constitution toute aussi irrecevable

    …Les Québécois ont de la difficulté à comprendre l’attachement du Canada anglais envers la monarchie. Daniel Turp devrait prendre acte de ce fait en nous proposant une structure d’État propre à un régime républicain, même si le Québec fait encore partie d’un Canada qui vit très bien en régime monarchique.
    …Et il est certain le Canada anglais sera réfractaire à toute réforme de la constitution qui ferait que le Québec devienne républicain à l’intérieur d’un Canada resté monarchique. »
    A. Cyr : J’ai personnellement dénoncé les deux derniers projets de constitution provinciale de monsieur Turp. Nous en avons même discuté, lui et moi, lors d’une rencontre matinale.
    L’Alliance des nationaliste (l’ADN) a récemment terminé de rédiger un projet constitutionnel d’État pour un Québec en tant que pays. La demande de monsieur Charron à monsieur Turp concernant un système républicain va à l’encontre du plan stratégique de l’ADN. Si monsieur accepte de présenter un troisième document constitutionnel en faveur d’un système républicain, ce projet est voué à l’échec sans contredit.
    Salutations souveraines,
    Alain Cyr, souverainiste et nationaliste
    Président de l’Alliance des nationalistes (l’ADN)

  • Archives de Vigile Répondre

    29 mai 2007

    M. Charron,
    Merci, je trouve votre article très éclairant relativement au projet de constitution de M. Turp. Je vous transmets un message que j'ai fait parvenir à M. Turp le 17 avril dernier, dans lequel je lui posais quelques questions relativement au contenu de la constitution. Si, je le fais, c'est pour vous montrer jusqu'à quel point le sujet est complexe pour un simple citoyen. En espérant que cela puisse être éclairant quant à d'autres articles sur le sujet.
    Message :
    Bonjour Monsieur Turp.
    L’initiative dans le présent contexte est excellente. Enfin, on aborde l’étape des moyens pour accéder à l’indépendance et, ce, à court et moyen terme. Progressivement ? Peut-être. Mais, sûrement, oui.
    Merci de ne pas inscrire dans cette constitution la très inadmissible phrase qui nous subordonnerait à la suprématie de Dieu et que l’on retrouve, je crois, dans la constitution canadienne.
    Je me questionne sur les points suivants : (je vous prie de m’excuser à l’avance de mon ignorance)
    CHAPITRE II
    DE LA CITOYENNETÉ DU QUÉBEC
    2. Toute personne détenant le statut de citoyen ou de citoyenne du Canada et domiciliée au Québec
    acquiert la citoyenneté du Québec.
    Q. L’obtention de la citoyenneté a-t-elle un rapport avec un délais dans le temps ? On devient citoyen du Canada ou du Québec uniquement après X années et à telles conditions ??? N’étant pas familier en matière de constitution, peut-être que ce que la constitution tel que définie, ce trouve davantage clarifiée par des lois correspondantes.
    Q. Est-ce que la réciproque est vraie, à savoir que quelqu’un puisse devenir citoyen québécois sans devenir citoyen canadien. À moins que tout le processus d’immigration ne soit que l’exclusivité du fédéral. S’il en est ainsi, est-ce une bonne chose dans le cadre de la création du pays du Québec. Ne devrions-nous pas être totalement responsable de notre immigration ?
    Q. La constitution tel que formulée s’inscrit-elle uniquement une démarche autonomiste ? Advenant l’indépendance du Québec, devra-t-elle subir des ajustements ? Lesquels ?
    DU PATRIMOINE DU QUÉBEC
    4. Le Québec préserve et met en valeur l’ensemble de son patrimoine naturel et culturel, notamment
    son patrimoine archéologique, architectural, archivistique, artistique, ethnologique, historique et religieux.
    Q. Cela signifie-t-il lorsqu’il est question de son patrimoine naturel, que les tous les parcs, incluant donc les parcs dit fédéraux, le fleuve St-Laurent, une partie de l’atlantique, les nappes phréatiques,etc, passent sous contrôle québécois ? Le mot patrimoine naturel englobe quoi ?
    CHAPITRE VIII
    DES DROITS ET LIBERTÉS AU QUÉBEC
    Les droits et libertés s'exercent également dans le respect de l’égalité des citoyens et des
    citoyennes et de la laïcité des institutions publiques du Québec.
    Q. Est-ce que et ont la même signification ? Est-ce que cela veut dire que les accomodements dits raisonnables pour l’ensemble des religions et sectes du Québec deviennent exclus de ces intitutions publiques ou de cet espace public ? Est-ce que cet article supporte le modèle multiculturel d’intégration des immigrants ou le modèle républicain d’intégration des immigrants ?
    DES COMPÉTENCES DU QUÉBEC
    Le Québec exerce une compétence partagée avec le Canada dans les matières suivantes :
    2º l’immigration;
    Q. Ne devrions-nous pas être totalement responsable de notre immigration et de leur intégration aux valeurs de notre société ?
    Le Québec exerce une compétence partagée avec le Canada dans le domaine de la fiscalité et du
    revenu et détient la compétence exclusive de perception des taxes sur les produits et services et sur les
    impôts perçus par le Canada sur le territoire du Québec.
    Q. Jen’en comprends pas clairement le sens. Est-ce que cela veut dire le rapatriement complet des impôts au Québec, qui ensuite envoie au fédéral les sommes nécessaires au fonctionnement de la fédération ?
    CHAPITRE XI
    DU GOUVERNEMENT DU QUÉBEC
    Le gouvernement négocie les engagements internationaux du Québec et assure la représentation
    du Québec auprès des États et des institutions internationales.
    Q. , je présume que c’est avec le gouvernement fédéral qu’il négocie ? Ou est-ce une négociation directe avec les états et institutions internationales ? Si c’est la première hypothèse, je présume qu’on obtiendra pas grand-chose si le passé est garant de l’avenir. Dans le cas de la 2e hypothèse, nous sommes dans un processus véritable d’accès à la souveraineté, à la création d’un pays.
    Q. Dans le cas d’une impasse dans la négociation avec le fédéral (si tel est le sens de l’article), la constitution québécoise nous autoriserait-elle à outrepasser ce refus et à procéder quand même par la volonté de l’assemblée nationale du Québec ?
    CHAPITRE XII
    DES TRIBUNAUX DU QUÉBEC
    La nomination des juges de la Cour du Québec et de la Cour supérieure du Québec se fait par la
    ou le ministre de la Justice; celle des juges de la Cour d'appel se fait par la Première ministre ou le
    Premier ministre sur recommandation de la ou du ministre de la Justice.
    Les tribunaux sont indépendants et impartiaux.
    Q. Est-ce vraiment le cas quand le politique nomment les juges ? Je ne dis pas que ces gens-là ne font pas un travail honnête. Je trouve seulement un peu étrange les mots indépendants et impartiaux dans un tel contexte.
    Merci pour l’attention que vous porterez à mon questionnement. J’espère avoir été utile.
    Dans l’espérance de voir un jour le pays du Québec