L'initiative constitutionnelle

L'adoption d'une constitution du Québec s'impose

Constitution québécoise

Il y a vingt-cinq ans, le 17 avril 1982, la reine Elizabeth II signait à 11 h 35, en prenant pour témoins Pierre Elliott Trudeau et Jean Chrétien, la proclamation destinée à faire entrer en vigueur la Loi constitutionnelle de 1982. Cette signature avait pour effet de rapatrier l'ensemble de la Constitution du Canada et de rendre applicable au Québec un réaménagement majeur de l'ordre constitutionnel canadien sans le consentement de l'Assemblée nationale et du Gouvernement du Québec. Depuis ce jour et après 25 ans, aucun gouvernement du Québec n'a donné son consentement à cette loi de 1982 et n'a été en mesure de résoudre une impasse constitutionnelle que le rejet des accords du Lac Meech et de Charlottetown n'a fait que confirmer.
Le résultat des récentes élections générales au Québec est susceptible de relancer le débat constitutionnel. Prenant acte des résultats de ces élections, le chef du Parti québécois déclarait le 27 mars 2007 que «les deux tiers des députés de l'Assemblée nationale estiment que le statu quo constitutionnel n'est pas acceptable». Le chef de l'Action démocratique semblait disposé quant à lui, si l'on se fie aux propos qu'il tenait le 14 avril 2007, à entreprendre des démarches visant à «progressivement réparer l'erreur de 1982».
S'il considère que le statu quo constitutionnel n'est pas acceptable, le Parti québécois doit dès maintenant s'inscrire dans le débat sur l'avenir constitutionnel du Québec. Ce débat devrait passer d'abord et avant tout par l'adoption d'une constitution du Québec et l'élaboration d'une loi fondamentale interne. Avant d'entreprendre toute démarche de modification de la Constitution du Canada, il est impératif que le Québec se dote de sa propre constitution et que l'Assemblée nationale soit invitée, comme l'Action démocratique du Québec l'a proposé dans sa plateforme électorale, «à rédiger et adopter la constitution du Québec pour affirmer notre identité et nos valeurs dans une démarche non partisane, démocratique et consensuelle».
Un projet de constitution du Québec
Comme l'ont fait les élus et élues du Parti libéral du Québec et de l'Action démocratique du Québec les 5 et 12 avril 2007, les députés et députées du Parti québécois prêteront le 25 avril prochain, et ce, en conformité avec l'annexe 1 de la Loi sur l'Assemblée nationale (L.R.Q., c. A-23.1), le serment suivant:
«Je, [...], déclare sous serment que je serai loyal envers le peuple du Québec et que j'exercerai mes fonctions de député avec honnêteté et justice dans le respect de la constitution du Québec.»
La constitution du Québec à laquelle renvoie le serment n'existe pourtant pas sous une forme écrite, et il est temps que le Québec se dote d'une constitution formelle. L'occasion est propice puisque la formulation d'un projet de constitution du Québec permettra non seulement de rassembler dans un texte unique les dispositions des lois fondamentales québécoises existantes, mais également d'y enchâsser des dispositions fondées sur des revendications constitutionnelles du Québec avant de formuler de nouvelles revendications. Il serait également permis d'insérer dans un texte constitutionnel québécois des éléments d'une réforme du régime des droits fondamentaux et des institutions démocratiques.
Ce projet de Constitution du Québec est celui d'une loi fondamentale interne du Québec, et le Québec détient la compétence d'adopter une telle constitution en application de la Constitution du Canada elle-même. Faisant fond sur les divers projets de constitution du Québec que j'ai rédigés depuis 1995 ainsi que sur les travaux effectués par le Bloc québécois et le Parti québécois à ce sujet, et tenant compte notamment des propositions contenues dans la plate-forme électorale de l'Action démocratique du Québec sur la question, je propose qu'une constitution du Québec comporte les cinq principaux éléments suivants:
1) la création d'une citoyenneté du Québec;
2) l'enchâssement dans la Constitution du Québec des articles 1 à 48 de la Charte des droits et libertés de la personne et l'insertion d'une clause visant à baliser l'obligation d'accommodement raisonnable en énonçant que «les droits et libertés s'exercent dans le respect de l'égalité des citoyens et des citoyennes et de la laïcité des institutions publiques du Québec»;
3) l'énumération des compétences exclusives et partagées du Québec fondée sur les revendications traditionnelles du Québec, l'affirmation d'une compétence en matière de fiscalité et de revenu autorisant notamment la perception des taxes sur les produits et services et sur les impôts perçus par le gouvernement du Canada sur le territoire du Québec de même qu'une compétence sur les relations internationales dans toutes les matières qui ressortissent aux compétences du Québec;
4) l'institution d'un nouveau mode de scrutin selon un mode de scrutin de type proportionnel ainsi qu'une élection générale à date fixe;
5) la création d'une procédure de révision exigeant l'obtention d'une majorité des deux tiers des députés et députées de l'Assemblée nationale pour les fins de la révision et l'enchâssement d'une clause de suprématie prévoyant que les dispositions de la Constitution du Québec l'emportent sur toutes règles du droit québécois qui leur sont incompatibles.
(Le projet de Constitution du Québec comporte 15 articles et a été rédigé avec le souci de l'accessibilité. La rédaction respecte la parité linguistique qui témoigne de l'égalité existant entre les femmes et les hommes dans la société québécoise. Le texte intégral sera disponible à compter de 11 h 35 aujourd'hui à l'adresse www.danielturp.org.)
Un projet de pays pour le Québec
En prenant acte des résultats de l'élection du 26 mars 2007, le chef du Parti québécois affirmait par ailleurs que si à l'évidence la souveraineté n'était pas réalisable à court terme, elle était toujours souhaitable. Puisque le Parti québécois est toujours d'avis que la souveraineté est souhaitable, il doit continuer à définir son projet de pays, comme le prévoit le Programme de pays adopté par le XVe Congrès national le 5 juin 2005.
Il est essentiel que le Parti québécois demeure le parti qui continue d'affirmer la nécessité de la souveraineté nationale. Il appartient donc à ses instances de formuler des propositions sur les moyens permettant d'atteindre cet objectif. Il est d'ailleurs présomptueux d'affirmer, comme l'ont fait certaines personnes, que le projet de souveraineté aura été l'affaire d'une génération et que le Parti québécois a épuisé sa réflexion à ce sujet.
L'une des façons pour le Parti québécois d'être audacieux et de poursuivre la réflexion sera de définir le projet de pays et de se présenter devant les citoyens et les citoyennes du Québec avec un véritable projet pour le pays lors de la prochaine campagne électorale. En ma qualité de militant et avec le soutien de l'Association du Parti québécois de Mercier, je compte saisir les instances du Parti québécois de propositions relatives aux moyens devant être privilégiés pour atteindre l'objectif de la souveraineté nationale pour le Québec.
Le Parti québécois ne peut se permettre d'être à l'extérieur des débats à venir sur l'avenir constitutionnel et politique du Québec. Ceux-ci risquent fort d'être initiés par la nouvelle opposition officielle afin de définir et de préciser davantage l'option autonomiste. Par la voix de ses 36 députés et députées à l'Assemblée nationale, représentant plus d'un million d'électeurs, et par ses membres, le Parti québécois peut faire beaucoup pour faire avancer le Québec en refusant le statu quo constitutionnel, en faisant la promotion d'une constitution du Québec et en continuant de construire le pays du Québec.
Daniel Turp, Député de Mercier Assemblée nationale du Québec


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