L'appel récent du député du Parti québécois Daniel Turp en faveur de l'adoption d'une constitution écrite distincte pour le Québec, sans égard au statut politique du Québec, tend à rappeler que, en théorie du moins, la majorité des membres de l'Assemblée nationale sont maintenant favorables à l'idée de doter le Québec de sa propre constitution.
Les anglophones du Québec, qui sont très majoritairement fédéralistes, vont probablement considérer toute réouverture du débat politique sur le thème de la constitution avec trépidation eu égard aux discussions constitutionnelles infructueuses des années 1990.
Lorsque le Parti libéral du Québec s'est intéressé à la question constitutionnelle en tant que parti, il a revendiqué, entre autres choses, l'enchâssement de la spécificité du Québec dans la Constitution canadienne et la Charte des droits et libertés par le biais d'une clause de la «société distincte» de nature interprétative.
Mais, à la lumière du fait que les libéraux du Québec se sont classés au troisième rang relativement à l'appui des francophones lors des dernières élections générales, la question qui mérite maintenant d'être posée est celle de la sagesse d'une approche qui a été rejetée de façon explicite par les partis d'opposition au Québec et par une bonne partie du reste du Canada...
Les anglophones du Québec semblent avoir mis tous leurs oeufs dans le panier libéral et sont susceptibles d'être marginalisés si les partis d'opposition insistent sur l'adoption d'une constitution du Québec. Si nous devions arguer que personne ne veut discuter de cette question et qu'on ne tienne pas compte de cet argument, serions-nous simplement enclins à boycotter toute entreprise de rédaction d'une constitution du Québec? Et sur quelle base fonderions-nous un tel boycottage?
Au-delà des enjeux politiques, la question suivante devrait être posée: l'adoption d'une constitution du Québec est-elle, du point de vue des politiques publiques, une idée légitime? Un examen de la pratique des autres provinces permettrait de constater que le Québec ne serait pas la première province à rédiger sa propre constitution. La Colombie-Britannique a sa propre constitution écrite depuis 1871 et l'Alberta semble vouloir suivre la même voie aujourd'hui.
De plus, dans le monde anglophone, les États-Unis d'Amérique sont un autre exemple d'un État fédératif au sein duquel chaque État possède sa propre constitution, même si les constitutions des États doivent être compatibles avec la Constitution des États-Unis d'Amérique et le «Bill of Rights».
Les controverses relatives aux tentatives de reconnaître le Québec comme une «société distincte» ont contribué au naufrage des accords constitutionnels durant les années 1990. Pourquoi? Parce que le gouvernement fédéral et certaines autres provinces se sont enlisés en tentant d'enchâsser non seulement le «caractère distinct» du Québec, mais également en cherchant à lever toute ambiguïté sur cette notion de façon à assurer le reste du Canada que cette reconnaissance était compatible avec les valeurs canadiennes. Mais cet effort était, par sa nature même, condamné à l'avance à l'échec du fait que les législateurs de l'extérieur du Québec ne pouvaient pas se substituer aux Québécois dans leur définition de la société distincte.
Une approche plus appropriée aurait été d'amener les Québécois à définir à leur manière -- et à s'entendre sur -- la notion de société distincte. Une constitution du Québec s'avère un moyen plus global et approprié pour atteindre cette fin. Les politiciens canadiens pourront décider plus tard si les vues du Québec sont compatibles avec les valeurs que nous considérons comme importantes en tant que Canadiens.
Des auditions de l'Assemblée nationale du Québec visant à rédiger une constitution du Québec ne doivent pas nécessairement se dérouler dans un contexte de crise -- comme cela fut le cas pour les travaux de la commission Bélanger-Campeau, qui eurent lieu après le rejet de l'accord du Lac-Meech. Et plus récemment, la Commission des états généraux sur la langue française, instituée par le gouvernement du Parti québécois et présidée par Gérald Larose, n'a pas contribué à résoudre les questions litigieuses sur l'avenir de la langue française et l'utilisation de la langue anglaise au Québec.
Réexaminer la situation linguistique
Entreprendre un exercice de rédaction d'une constitution québécoise en 2007 pourrait nous aider à réexaminer l'évolution de la situation linguistique au Québec. Dans le passé, la politique de la langue fut souvent considérée comme un jeu de somme nulle (i.e. toute amélioration de la situation d'une partie doit être faite aux dépens de l'autre partie). Peut-être n'était-ce pas vrai à une époque, mais beaucoup de choses ont changé.
Avec un niveau record de mariages entre francophones et anglophones, l'augmentation croissante des inscriptions des anglophones dans les écoles françaises, des niveaux de bilinguisme plus élevés chez les anglophones, des voisinages partagés et l'importance grandissante de la langue anglaise, notre monde n'a-t-il pas changé?
Une constitution du Québec pourrait également offrir certaines nouvelles possibilités (par exemple, des dispositions autorisant des établissements scolaires communs français-anglais) qui s'avéreraient des solutions gagnantes pour tous.
Si nous, en notre qualité d'anglophones, rejetons l'idée d'une constitution du Québec du seul fait que nous sommes inquiets des véritables intentions des francophones, il est certain que nous risquerons d'apparaître comme étant paternalistes. Et toutes nos prétentions voulant que nous sommes devenus plus ouverts envers nos compatriotes francophones depuis la Révolution tranquille seront remises en question.
Le fait demeure que, même après la tenue des travaux de la commission Bélanger-Campeau, le Québec n'a pas accédé à la souveraineté. Ce sont les francophones eux-mêmes, et non pas les menaces de partition ou la gestion de l'opinion francophone par les fédéralistes, qui ont refusé l'option de la souveraineté du Québec.
Nous devrions considérer une constitution du Québec pour ce qu'elle est: une deuxième chance de développer une identité commune dans laquelle les anglophones du Québec vont se reconnaître. Mais c'est d'abord à notre tour de tenter notre propre «beau risque» et de considérer que ceux qui, comme M. Turp, proposent de doter le Québec de sa propre constitution sont de bonne foi et ne tendent pas ainsi un piège «séparatiste».
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Richard Smith, Enseignant et homme d'affaires de Montréal. Ancien directeur d'Alliance Québec
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Constitution québécoise
Richard Smith3 articles
Enseignant et homme d'affaires de Montréal. Ancien directeur d'Alliance Québec
L'auteur se définit comme un homme d'affaires «Quebecer» vivant près de Toronto. Il est possible de le contacter à l'adresse électronique suivante: rwsmithgqm@yahoo.com
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