Dans la présente course pour le choix d’un chef au Parti québécois, il y a grand risque que le syndrome Justin Trudeau s’y installe à demeure. Ce serait dommage car il est certain que dans le contexte politique actuel, il ne suffira pas que la personne choisie soit belle et jeune pour que la Parti québécois rafle la mise au prochain rendez-vous électoral.
Il faudra plutôt que cette personne soit capable de rallier une forte majorité de Québécoises et de Québécois au fait que l’indépendance soit devenue la seule alternative envisageable afin de reprendre l’élan qui avait tant aidé le Québec à se sortir du bourbier dans lequel il était enlisé au moment où s’amorça la Révolution tranquille.
En début de campagne, il est troublant qu’un premier sondage nous ait révélé que les deux candidats en peloton de tête soient Alexandre Cloutier et Véronique Hivon. Durant la course à la chefferie de 2014-2015, Cloutier avait démontré que, même si le principe de solidarité ministériel l’avait obligé à se rallier, il n’avait jamais été à l’aise avec la Charte des valeurs défendue par Bernard Drainville dans le cabinet Marois.
Par cette déclaration, Alexandre Cloutier démontra qu’il est resté un adepte d’un nationalisme que certains ont qualifié de « civique ». Et on est peut-être en droit de faire le même constat à propos de madame Hivon étant donné qu’elle s’était empressée de prendre parti pour le député du Lac Saint-Jean dès que Bernard Drainville laissa tomber la serviette en faveur de Pierre-Karl Péladeau lors de la course 2015.
Qu’Alexandre Cloutier et Véronique Hivon soient en tête dans les sondages, alors que Bernard Drainville se sente forcé de ne pas se présenter, démontre bien que le Parti Québécois n’est pas encore sorti de la torpeur causée par le maladroit discours de Jacques Parizeau au soir du 30 octobre 1995.
Le nationalisme civique ne semble pas avoir assez sonné le parti en 2007, il semble qu’un trop grand nombre de membres veulent encore chanter la même ritournelle. Il est tout-à-fait paradoxal que ce soit Mario Dumont qui leur indique la voie à suivre pour ne pas retomber dans le même piège à cons que leur a tendu le nationalisme civique en 2007.
Dans Le PQ sans identité? (Le Journal de Montréal, 6 mai 2016), l’ancien politicien ayant fait mordre la poussière au PQ à l’occasion de ce fatidique scrutin de 2007, leur dit comment ce parti risque gros en continuant à patauger dans le nationalisme civique.
L’ancien chef de l’ADQ rend indirectement hommage à Drainville en écrivant que la première ministre Marois avait maladroitement utilisé la Charte des valeurs en déclenchant une élection précipitée. « La population aurait certainement préféré une approche moins partisane, soit un compromis avec la CAQ sur une version plus modérée de la Charte, à une tentative d’arracher une victoire électorale à la sauvette. »
Revenant à la situation actuelle, Dumont est cinglant. « Le Parti québécois commet une erreur gigantesque en confondant les erreurs stratégiques autour de la Charte de 2014 avec un véritable désintérêt de la population pour la question identitaire. Les dirigeants du parti sont confortés dans leur compréhension erronée par une certaine élite médiatique qui a toujours désapprouvé la charte. »
Dumont n’est pas le seul à pointer du doigt une élite médiatique ayant tout fait pour discréditer la Charte. Vont dans le même sens le lendemain 7 mai, deux autres chroniqueurs. Et du même journal. Or, il arrive que tant Mathieu Bock Côté que Joseph Facal sont beaucoup moins attachés au Canada que ne l’est Mario Dumont. C’est le moins que l’on puisse dire.
Dans Le mirage d’un nationalise sans identité le blogueur Bock-Côté encense Bernard Drainville, notant son courage face à la meute médiatique. « À la différence de bien d’autres il ne s’est pas affolé par les crachats et a continué la promotion d’une charte qui, si elle avait été adoptée, aurait eu des effets identitaires durablement bénéfiques pour le Québec. »
Tout comme l’avait fait Dumont la veille dans le même journal, Joseph Facal, avec son alarmant texte, Danger mortel pour le PQ, compare la situation actuelle à celle de 2007. Du chef de l’ADQ ayant presque alors mené son parti aux portes du pouvoir, il écrit qu’il préférait écouter le peuple réel ne fréquentant point les plateaux de télévision et les 5 à 7 pour souliers vernis. Un Dumont, ajoute Facal, sachant expliquer « que le Québec est ouvert et accueillant, mais qu’on doit politesse et respect à celui qui vous ouvre ses portes ».
Avec un tel discours complètement en décalage avec celui de Boisclair, on sait ce qui est arrivé au PQ en 2007. Les quelque députés élus du PQ ont tous été recalés dans le « grenier » de l’Assemblée nationale. Pour le prochain choix du chef, Joseph Facal met en garde. « Si les militants du PQ se cherchent une version québécoise de Justin Trudeau, masculine ou féminine, la CAQ refera le coup que l’ADQ lui a fait en 2007. »
Vient corroborer la vision des Dumont, Bock-Côté et Facal, ce qu’ont rapporté comme résultats les recherches effectuées par le politologue Pierre Serré à partir des deux plus récentes campagnes électorales, celle de 2014 au Québec, puis la fédérale à l’automne 2015. (Pierre Serré, Le descente aux enfers du NPD : L’effet niqab?, L’action nationale, février 2016)
De la campagne électorale 2014, Serré écrit qu’aucun siège n’a été perdu par le PQ à cause de la Charte des valeurs. « Le contraire aurait été surprenant, écrit-il, puisque deux sondages pré-électoraux avaient indiqué que le « Charte de la laïcité était appuyée par 68% à 69% des francophones, contre seulement 21% des non-francophones. Un clivage connu, aux conséquences toutes aussi connues. »
Pour la campagne fédérale de 2015, Serré se réfère au journaliste Éric Grenier de la CBC. Durant la campagne électorale, celui-ci avait compilé les intentions de vote détaillées de 101 sondages. Il résulte de cette recherche que la brusque arrivée, le 23 septembre, de la question du niqab a complètement plombé les intentions de vote pour le NPD.
En deux jours, elles avaient chuté de 13,2 5%. Or, si au même moment, le PLC avait fait un gain de 3,9 %, c’est surtout qu’à vouloir absolument se débarrasser de Harper, valait mieux orienter son choix sur Justin étant donné qu’il s’était montré moins dogmatique, et même moins multiculturel que Thomas Mulcair.
En ce début de course à la chefferie, les chiffres de Serré parlent haut et fort, et s’ajoutent aux cris d’alerte des Dumont, Bock-Côté et Facal. Avec la question du pipeline Énergie-Est dont on nous dit que l’on n’a pas besoin de notre permission pour qu’il passe sur notre territoire, avec le fait que Bombardier est considéré comme trop québécois pour recevoir la manne fédérale, la conjoncture n’a jamais été aussi favorable pour qu’enfin le peuple se dise oui à lui-même.
Le prochain chef du Parti québécois doit être conscient de tous ces enjeux qui font que la conjoncture politique nous est favorable. Mais, de grâce, ne laissons point tout le terrain au parti de François Legault sur les questions aussi fondamentales pour l’avenir de notre peuple que les questions identitaires comme le renforcement de loi 101 et une essentielle charte de la laïcité.
À ce sujet, il est présentement primordial que chacun des candidats se présentant à la chefferie du Parti québécois se prononce contre le projet de loi 59, un projet scandaleux, parce que liberticide. Il est inadmissible que toute personne qui osera critiquer quelque religion que ce soit, puisse être condamnée pour délit d’opinion si ce projet de loi est adopté.
À tout candidat, il faudrait également qu’il exige de Québec solidaire de prendre position sur ce même projet de loi. Aussi longtemps que ce parti gardera les mêmes positions qu’il avait prises lors du débat sur la Charte des valeurs, aucune possibilité de convergence n’est possible avec lui.
On ne peut que vivement remercier Pierre-Karl Péladeau de permettre qu’il y ait encore de véritables débats sur ces questions de langue, de laïcité et de souveraineté dans les journaux et bloques de Quebecor.
Car, on l’a bien vu lors des débats sur la Charte, on n’a rien à attendre de La Presse, surtout pas de Radio-Canada!, en ce qui concerne ces questions aussi fondamentales pour l’avenir du peuple québécois.
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3 commentaires
Normand Paiement Répondre
11 mai 2016Monsieur Charron,
Dans la mesure où j'abonde dans votre sens, je ne peux que vous renvoyer, vous et les personnes qui vous liront, à mon dernier texte concernant la suite des choses: http://vigile.quebec/Qui-est-digne-de-succeder-a-PKP.
Cordialement,
Normand Paiement
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
10 mai 2016Péladeau nous a-t-il fait perdre ces quelques mois? Il est comme la visite: fait plaisir en arrivant... fait plaisir en partant! A surpris Pauline qui l'avait recruté le croyant fédé. Mais il a levé le poing. Nous a convaincus que nous serions plus riches comme propriétaires que comme locataires. Comme une entité que comme parcelles. Comme dénonçant que comme rampant... Vite devenu une icone, celui qui sait parler finance, devenu intouchable de l'intérieur, mais vulnérable de l'extérieur. Adversaires de la course muselés. Élu, il apprend et devient fonctionnel... se dresse devant les flèches... mais il repart!
Tout ce qu'il nous a démontré est encore vrai. Et il n'est plus là comme bouc émissaire des fédés pour attirer la hargne sur la Cause. À nous de retrouver ceux qui présentaient les qualités pour servir et que le milieu même a empêchés de participer au débat: où se termine la jeunesse (obligatoire)? Où loge le sens de l'organisation familiale pour éviter le conflit? Où se conjuguent les vertus d'expériences croisées: journalisme international et politique locale, partage de la vie universitaire, de député et de diplomate à l'étranger, publication d'essais politiques, vus de l'intérieur ou de l'extérieur... tout en restant ouvert aux arts et à l'humour. Ouvert même à mieux cerner la nature française du Québec libre.
Archives de Vigile Répondre
10 mai 2016Même Richard Martineau soutient que l'identitaire est un enjeu porteur pour le PQ. Selon lui, la charte de Drainville n'est aucunement en cause dans la défaite du gouvernement Marois.
http://www.journaldemontreal.com/2016/05/10/la-chute-du-bon-soldat
Même Lise Ravary, un farouche opposante à la charte des valeurs, admet (à mot couvert) que cette charte avait finalement sa raison d'être. C'est son idéologie fédéraliste qui a finalement dicté son comportement: Elle ne pouvait tout simplement pas appuyé le PQ dans cette initiative. Si cela aurait été proposé par le PLQ, elle aurait sans doute eu une position tout à fait opposée.
La question identitaire semble donc faire consensus. Y aura-t'il un ou une brave au PQ pour reprendre ce ballon, qui a été malencontreusement échappé par Mme Marois?