La Semaine nationale de la francophonie

Ce pourquoi le Québec n'est pas preneur

Tribune libre

En cette année 2016, nos médias ont abondamment parlé du Mois de l’histoire des Noirs. Il faut dire qu’ils avaient été largement aiguillonnés par l’affaire black face. Et par le manque de noirs en nomination aux Oscar. Mars s’est toujours révélé comme un mois très utile pour la défense de grandes causes. Comme la Journée des femmes, laquelle avait pris cette année une tournure particulière en raison du procès Ghomeshi.

Mais au delà de ces deux événements hautement médiatisés, peu de gens savent au Québec qu’il y eut en mars une Semaine nationale de la francophonie. Et que, s’étant étalée entre le 3 et le 23 mars, elle a duré en tout vingt jours. Ce qui ne l’a pas plus fait connaître.

C’est l’ACELF, l’Association canadienne d’éducation de langue française, qui eut l’idée d’instaurer une telle semaine. Il faut comprendre que tout groupe s’engageant dans cette démarche le fait en vue de mieux performer la médiatisation de la cause qu’il défend.

Pour un objectif précis dans le cas de l’ACELF : en arriver à un enseignement du français sans entraves, et surtout d’excellente qualité pour tous les parlants français ayant à vivre en situation minoritaire au Canada.

Mais une question se pose : pourquoi cette Semaine de la francophonie est si peu connue au Québec ? On peut alors formuler une hypothèse. On sait très bien que la direction de l’ACELF se doit d’abord de cogner à la porte de la Société Radio-Canada afin de l’inviter à faire davantage connaître son existence. Elle ne se rend pas alors compte dans quel guêpier elle place notre diffuseur public.

Depuis le référendum sur la souveraineté de 1995, on n’a pas en effet idée comment Ottawa fait tout pour que la question identitaire soit le moins possible évoquée et débattue à la télévision québécoise.

Mais comment produire une émission spéciale sur le fait français au Canada sans trop souffler sur les braises encore chaudes du nationalisme québécois? Il a donc été décidé de produire une émission qui permettrait aux téléspectateurs de connaître les progrès du vouloir vivre en français au Canada, mais sans toutefois que ladite émission permette à des nationalistes québécois de signaler que le Québec vit présentement un grave péril de louisianisation.

On ne saura jamais si Guy A. Lepage a su qu’il venait d’enlever une aiguille au pied de ses patrons en invitant Marc Cassivi à Tout le monde en parle en ce 28 février, à quatre jours du début de la SNF. On ne pouvait trouver mieux. Marc Cassivi : une pas trop grosse étoile au firmament de notre star system, mais quand même. Il pourra venir clamer au bon peuple que tout va très bien madame la Marquise en ce qui concerne le français au Québec.

On ne pouvait trouver mieux en attendant cette incontournable émission souhaitée par L’ACELF, une émission se devant d’énumérer les anicroches détectées dans la dure bataille à mener pour l’avancement du français dans le ROC. « Des anicroches en voie d’être réglées », clamera-t-on en hauts lieux.

Dans les couloirs de Radio-Canada, on semble grandement apprécier le côté iconoclaste de l’auteur de Mauvaise langue. Le matin même, on l’avait entendu à Dessine-moi un dimanche, pour le réentendre à nouveau deux jours plus tard à Gravel le matin.

Toute une « exposure », comme lui-même dirait dans son franglais, un jargon qui, dit-il, facilite la communication avec ses frangins. Et avec les gens du West-Island, le patelin où il réside. Et c’est pour venir dire au bon peuple de ne pas s’en faire si un tel charabia progresse dans nos rues qu’il a senti le besoin d’écrire Mauvaise langue.

Devant les autres invités de Guy A, le chroniqueur de La Presse s’en est surtout pris à Christian Rioux et Mathieu Bock-Côté qu’il accuse d’être des « chevaliers de l’apocalypse linguistique. »

Il faut voir une vidéo faite en son insu lors du lancement de Mauvaise langue. On l’aperçoit le tout souriant en train de dédicacer son livre quand se sont pointés deux individus qu’il semblait ne pas connaître.

Jean-Pierre Pierre Roy se présente se disant accompagné de Michel Breton qui l’a assisté dans la réalisation de La langue à terre, son documentaire sur l’anglicisation du Québec.

La mimique de Cassivi change quand le cinéaste l’invite à venir un soir confronter sa façon de voir la question linguistique avec Mathieu Bock-Côté. Il lui rappelle ensuite qu’en page 55 de son livre, il est écrit que La langue à terre est un brûlot anglophobe.

On ne peut en vouloir à Guy A. Lepage d’avoir invité Cassivi. Au lendemain de l’émission, sa grande hantise est d’apprendre que Le Banquier - ou La voix - a encore grugé sa cote d’écoute.

On peut comprendre que ne devait pas nuire à celles-ci un Cassivi avec en main son provocateur essai, mais qui dit qu’elles n’auraient pas augmentée si sa vedette avait eu à confronter le cinéaste Jean-Pierre Roy?

Comment se fait-il qu’un débat corsé puisse y avoir lieu sur la question du registre des armes à feu, mais pas sur la situation du français à Montréal? Et ceci, à quatre jours du début de la SNF? Réponse à la question qui tue: c’est qu’Ottawa veille aux grains.

En cela, il n’est pas anodin de remarquer le qualificatif dont on a affublée ladite Semaine de la francophonie. Même si l’ACELF avait préféré «Semaine canadienne», son C.A. ne peut plus décider dès lors qu’elle quémande de l’aide d’Ottawa.

C’est donc avec le coutumier mandat de «bien refléter la diversité canadienne » qui devait être le principal souci des gens du 24/60 le 16 mars dernier lors de leur périple vers Moncton où les attendaient des francophones venant de tous les coins du pays.

En début d’émission, Anne-Marie Dussault présente d’abord les dix-neuf personnalités invitées, chacune d’entre elles devant ensuite brièvement témoigner du combat dans lequel elle s’est engagée afin que le français continue à rayonner dans son milieu de vie.

Suite à un bref entretien en duplex avec Graham Fraser, ainsi qu’avec ses homologues de l’Ontario et du Nouveau Brunswick, Anne-Marie Dussault fait un bref rappel historique des durs combats pour le français qui ont ponctué la vie politique canadienne depuis les années soixante. Le tout agrémenté d’images d’archives.

Tout y passe : Commission Laurendeau-Dunton, Loi des langues officielles de 1969, l’année même où le Nouveau- Brunswick devint officiellement bilingue, et où s’y déroula au Québec une cascade de crises et de manifs, crise des écoles à Saint-Léonard, protestations contre la Loi 63, McGill français, saccage des garages de la Murray-Hill.

Après avoir cité la bataille des gens de l’air en 1975, Anne-Marie Dussault ne pouvait passer outre à la prise du pouvoir du PQ de novembre 1976. Ni aux épiques débats autour du projet loi 101. Apparait alors à l’écran Camille Laurin déclarant « qu’au Québec, un long hiver vient de se terminer ».

Il faut rappeler ici que cette émission avait comme principal objectif de faire un bilan des victoires et des échecs du français au Canada anglais. Mais il arriva qu’à deux exceptions près, l’affaire Forest au Manitoba et la revendication en faveur l’Hôpital Montfort en Ontario, le rappel historique n’avait fait qu’additionner crises et manifs autour de questions linguistiques se déroulant au Québec.

Étaient plus que probantes à cet effet les dernières images présentées, celles d’Anglos manifestant contre la loi 101, celles de Canadiens français du Québec se considérant dorénavant comme Québécois, lesquels, par centaines de milliers bloquaient les principales artères de Montréal, leur objectif étant de protester contre des jugements de cour qui, avec les années ont réduit comme peau de chagrin la Charte du docteur Laurin.

Retour en studio, on ne pouvait trouver plus symbolique que ces 19 invités juchés en deux rangées sur tabourets. Avec Louise Beaudoin perdue au beau milieu de la seconde. L’ex-ministre du PQ sera donc la seule à cette émission pour faire connaître ce qui s’y passe au Québec en matière de langues.

Loin de nous ici d’être insensibles aux témoignages des dix-huit autres personnes à témoigner sur le comment chez-elles, elles vivent leur combat pour le français. Au contraire, on ne peut qu’être édifié par la plupart des témoignages entendus. Tel celui de cette dame de Vancouver mariée à un anglophone d’une province où il n’y a plus que 1,4% de parlants français. Il reste que cette émission semble être conçue pour démontrer qu’au Québec, il y a absence d’embûches quant à la survie du français.

Grand moment d’optimisme : le témoignage d’Ibrahima Diallo, un Sénégalais d’origine enseignant depuis trente-deux ans à l’Université de Saint-Boniface. L’homme est dithyrambique. La francophonie progresse au Manitoba. À l’université, tous les cours se donnent en français. Les étudiants viennent de 26 pays de la francophonie. 20 000 autres sont issus des classes d’immersion et sont maintenant inscrits en classes postsecondaires.

Diallo va jusque à admettre qu’est stratégique sa volonté d’accroître la migration franco-africaine au Manitoba.

Madame Dussault aurait peut-être dû lui demander s’il est assuré que les enfants de ces immigrants, n’ayant point un père aussi privilégié que lui, ne soient pas autant attirés par l’anglais que les enfants des Franco-manitobains de souche.

L’optimiste est tombé d’un cran quand tous les invités de la province hôte ont déploré le fait que leur gouvernement tarde à obliger les chauffeurs d’autobus scolaires à pouvoir s’adresser en français aux élèves qu’ils mènent à l’école.

Le député fédéral Yvon Godin en rajoute. Il est outré d’avoir si longtemps vu sur le site de la CBC des commentaires d’Anglos furieux, un de ceux-ci allant jusqu’à souhaiter «que les Acadiens s’en retournent en France». Incidemment, la plupart de ces tweeters s’opposent mordicus aux demandes de guides et de gardiens bilingues au parlement de Fredericton. Ça va, écrivent-ils, discriminer les demandeurs d’emplois unilingues anglophones.

On a peine à imaginer le degré d’insultes imbibées de racisme que recevront les Néo-Manitobains venus d’Afrique le jour où, leur nombre le justifiant, ils réclameront à leur tour un transport scolaire franco-unilingue pour leurs enfants.

Il est certain que l’idée d’indépendance du Québec faisait peur à toutes les personnes ainsi regroupées en ce 16 mars 2016 à Moncton. On l’a vite senti quand Louise Beaudoin a énoncé la solution qu’avait retenue René Lévesque afin de stopper la galopante assimilation des francophones vivant hors-Québec.

L’ancienne ministre péquiste a rappelé ce que signifiait le principe de réciprocité défendu par son chef lors d’une conférence des premiers ministres provinciaux tenue à Saint-Andrews en 1977. Un principe simple : le Québec protège déjà largement les droits de sa minorité anglaise. Il continuera à le faire en autant que chacune des autres provinces s’engage à en faire autant envers sa minorité française.

Anne-Marie Dussault a demandé à Me Michel Doucet ce qu’il en pensait. « Je n’ai rien à dire » lui a répondu cet avocat représentant les parents dans la question des autobus scolaires au Nouveau-Brunswick.

En studio, un malaise a alors été ressenti, le même qui l’avait été aux premières années de la Révolution tranquille. Pas au tout début cependant. Car c’est le clergé catholique qui a d’abord fait les frais du vent de la modernité soufflant sur le Québec du début des années soixante.

Les francophones hors-Québec ont commencé à s’inquiéter quand le nationalisme québécois a fini par prendre le dessus sur les questions de sécularisation. Un nationalisme différent de ce que l’on connaissait alors sous Duplessis.

Paradoxalement, ce sont les adversaires de celui-ci qui vont l’engendrer. C’est qu’Ottawa leur a rendu la vie facile en leur offrant les rennes de la télé naissante. On venait d’ouvrir une boîte de Pandore. En quelques années, la façon de concevoir la vie en société a complètement été chamboulée au Québec.

On sait comment, avec l’émission Point de mire, René Lévesque avait permis de nous ouvrir une fenêtre sur le monde. On sait également comment a pesé lourd sur les résultats électoraux, le premier débat télévisé de deux chefs de parti pendant la campagne électorale de 1962. Jean Lesage étant mieux initié à la télé que son adversaire.

Nationalisation de l’hydroélectricité, constructions de gigantesques barrages, se réalisant sous la gestion de cadres parlant français entre eux. Et avec leurs subalternes. Tous ces bouleversements ont provoqué une montée de fièvre nationaliste qui a vite fait peur aux minorités françaises des provinces anglaises.

Ce n’était pas tant la peur que le Québec devienne indépendant qui les taraudaient. Ne croyant pas la chose possible, elles craignaient davantage que, pour contrer la volonté du Québec d’accéder à tout statut particulier, on déshabille Ottawa pour mieux habiller les provinces.

C’est pour apaiser cette crainte que d’éminents nationalistes québécois tels les François-Albert Angers et Rosaire Morin, ont mis sur pieds en 1966 les États généraux du Canada français.

Rien n’y fit. Le malaise s’était établi en permanence. En aucun temps, les délégués hors-Québec ne voulurent en rien ne voir diluer les pouvoirs d’Ottawa, leur grand défenseur contre des gouvernements provinciaux qui chacun à leur tour dans le passé leur avaient enlevé le droit de vivre en français.

Leur crainte n’était en rien comparable à celle qu’a ressentie le Canada anglais quand celui-ci a réalisé l‘exacte mesure des revendications québécoises.

Au début des années soixante, personne ne s’offusquait de la décléricalisation de la société québécoise. Suite à la défaite des Patriotes, on avait même trouvé utile l’instauration de ce que, par dérision, on appelait la priest ridden society. On n’avait pas prévu que l’arrivée de la télé allait tout chambarder.

Il y eut un premier réveil en 1965 suite à la publication du rapport préliminaire de la Commission d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, son vice président osant affirmer qu’il y avait deux peuples au Canada, un de langue anglaise avec une minorité française, l’autre de langue française, avec une minorité anglaise.

La petite phrase d’André Laurendeau a été reçue comme un coup de poing. En février 1968, ce fut au tour de Daniel Johnson d’en rajouter. En pleine conférence de « rapprochement », il osa crier devant tous ces braves messieurs ébahis « Égalité ou indépendance », son slogan électoral qui lui a grandement permis de prendre le pouvoir deux ans plus tôt.

On a vite réagi à ces deux cas de lèse-Canada puisqu’on a remplacé le trop conciliant Pearson par un plus dur personnage en tant que PM du Canada.

Tout de go, Trudeau a voulu arrêter les débordements nationalistes. Surtout à la télé. Son « Finies les folies » signifiait qu’il ne tolérerait plus que des journalistes de Radio-Canada osent vilipender en ondes les représentants de groupes ethniques pas trop contents d’un Canada biculturel en train de se dessiner à la Commission BB.

Le Canada se devait maintenant d’être multiculturel et bilingue. Pour cela, une Loi des langues officielles aura à protéger les droits des minorités françaises au Canada anglais. Et de la minorité anglaise au Québec.

Ce rappel historique devait servir à démontrer comment ces francophones réunis à Moncton continuent à se sentir redevables envers Pierre Elliott Trudeau. Il reste que la plupart de ces personnes oublient que, sans les revendications du Québec pour plus d’autonomie, jamais le Canada anglais ne se serait autant ouvert devant leurs propres exigences. Et que c’est le Québec qui a durement payé la facture pour les changements en leur faveur.

La Loi des langues officielles allait leur permettre de recevoir, du moins au niveau fédéral, des services en français. Renforcés davantage en 1982 par la charte insérée dans la nouvelle constitution, cette dite loi des langues officielles leur a permis de pouvoir poursuivre tout gouvernement d’une province ne respectant pas les engagements quant à la « langue d’enseignement en français là où le nombre le justifie ».

On sait qu’avec les années, cette largesse obligée des provinces anglaises envers leur minorité française n’a fait que ralentir les transferts vers l’anglais des générations récentes. 24 octobre 2012, grande manchette à La Presse : L’assimilation des francophones hors-Québec se poursuit. Dans la province du Manitoba, écrit le journaliste, la proportion de gens dont le français est la langue maternelle était de 4,3 % en 2006. Il est de 4,2 % cinq ans plus tard. On enregistre donc une baisse dans cette province malgré les efforts d’y faire en grand nombre migrer des Franco-africains.

Ce que l’on se sait que trop, c’est que le Québec a été le dindon de la farce dans cette politique des langues officielles et du multiculturalisme instaurée par Trudeau en 1969.

Au Québec, la Loi des langues officielles a comme logique d’aider la langue minoritaire. Comme si en 1969, c’était l’anglais qui y était en péril. Publié en 1973, le Rapport Gendron est clair : c’est le français et non l’anglais qui a besoin d’être revampé au Québec. Ottawa n’en a cure. Dès la promulgation de la loi 101, ses largesses iront jusqu’à payer les frais juridiques de ceux qui la contestent.

Quant au multiculturalisme, on en voit tous les jours les résultats. C’est ainsi que dans Le Journal de Montréal du 23 avril, Joseph Facal réagit à un sondage démontrant que malgré tous les scandales qui collent à la peau du PLQ, malgré les drastiques coupures, le gouvernement Couillard serait reporté au pouvoir s’il y avait aujourd’hui des élections.

Le chroniqueur se questionne : « Comment un parti répudié par 75% des francophones peut-il avoir 33 % des intentions de vote ?» C’est qu’il récolte 75% des votes des non-francophone, » répond Facal. Avant d’ajouter : « pour les non-francophones, chaque scrutin est un référendum sur l’indépendance et non le choix d’un gouvernement. »

Ce que Joseph Facal n’a même pas besoin de dire, c’est que, depuis belle lurette, le terme « non-francophones » utilisé n’appartient plus à ce qu’on a jadis appelé « la minorité historique ». En fait, les Anglos de souche ne forment pas plus aujourd’hui que 8% de la population alors que les 12 % des autres Québécois appelés « non-francophones », sont en fait des allophones, dont certains parlent assez bien le français, mais qui restent tout de même réfractaires à la culture de la majorité.

Dans toute autre société, une telle situation ferait réagir. Mais pas au Québec. Il y a seulement quelques jours, la semaine de la francophonie nous a permis de mieux comprendre le B-A BA de cette situation. De cette impasse.

Quand l’ACELF a demandé à Radio-Canada de produire une émission spéciale sur sa Semaine de la francophonie, le diffuseur ne savait trop que mettre ainsi l’emphase sur les dangers que court le français au Québec même, ne pourrait que souffler sur les braises d’un encore trop chaud nationalisme québécois.

Il est bien certain qu’un lanceur d’alerte comme Joseph Facal ne sera jamais invité pour diffuser un tel message à une émission de grande diffusion comme Tout le monde en parle. Pour un premier dimanche précédant la Semaine, on a de loin préféré inviter un Marc Cassivi acceptant de venir faire l’éloge du franglais, puis les Dead Obies le dimanche suivant.

Pour Ottawa, il est hors de question qu’une émission grand public traite de façon trop transparente les questions d’ordre identitaire au Québec. On laisse ça à la peu regardée émission 24/60 qui, elle peut patauger un peu plus dans la sauce identitaire. Surtout avec des invités venant d’une autre province.

« Voilà pourquoi, Monsieur, votre fille est muette », fait dire Molière à un personnage d’Un médecin malgré lui, simple phrase mais qui en dit long dans sa pièce. À tous ceux qui cherchent pourquoi le Semaine de la francophonie n’a pas preneur au Québec, vous n’aurez dorénavant plus à vous creuser les méninges.

Durant la SNF 2016, Radio-Canada a bien rempli son mandat. Certes, d’éternels mécontent rouspéteront, tel un certain monsieur Lagacé qui a déjà écrit que le siège de Radio-Canada à Montréal était infesté de séparatistes, d’où la piètre couverture de ce qui se passe hors-Québec.

Le 20 mars 2016, les « séparatistes » de monsieur Lagacé ne pouvaient vraiment pas reléguer le Gala du cinéma québécois sur RDI afin de placer sur la première chaîne la reprise de l’émission Le français, d’un combat à l’autre. Ils ont quand même eu l’idée de présenter à Découverte un long reportage sur le bienfait du bilinguisme individuel.

Tout avait donc été bien ficelé au moment où l’on appris l’arrivée de Marine Le Pen venue célébrer avec nous la Semaine internationale de la francophonie. Pas mal de gens ont alors appris l’existence d’une telle semaine.

Pour colmater la brèche, on fit encore appel à Anne-Marie Dussault. Or, à lire les réactions de gens sur les réseaux sociaux, il n’est loin pas certain que l’animatrice a réussi à convaincre bien du monde qu’elle avait une démone en face d’elle. Lui répliquer que les chartes sont garantes de notre identité et de notre souveraineté? Pas fort. Pas fort.

L’ACELF vient d’annoncer que la SNF 2017 aura lieu des 2 au 22 mars prochains. Une suggestion : pourquoi ne pas demander à l’émission Découverte de préparer d’ici là un reportage sur les ravages du bilinguisme territorial au Québec? Dans la seule province où le français a été décrété langue officielle au Canada, on pourrait peut-être mieux cerner comment l’anglais a repris la force qu’il avait avant l’instauration de la Loi 101 en 1977.

Charles Tisseyre aura-t-il l’imprimatur d’Ottawa afin qu’il puisse inviter les professeurs Charles Castonguay et Marc Termotte, deux universitaires de grand renom et bénéficiant de la meilleure expertise en ce domaine?

Cela nous changerait si, par la même occasion, Tout le monde en parle pouvait aller au delà des remontrances du chanteur Pierre Lapointe. Car il n’y a pas que la culture qui est aujourd’hui délaissée dans les émissions grand public du télédiffuseur.

Il y a surtout une rampante autocensure à propos de l’histoire et de l’identité québécoise qui, depuis 1969, a été élevée en système et auquel encore aujourd’hui tout artisan de notre télé se doit de se conformer. Sous peine de voir sa carrière quelque peu écourtée.

Car il faut bien le réaliser. Ce n’est pas l’image d’un homard incapable de sortir de sa case qui est maintenant le plus appropriée pour représenter le Québec d’aujourd’hui, mais bien celle d’une grenouille plongée dans un bocal dont on réchauffe tranquillement l’eau.


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