Un buffet minceur

À en juger par la minceur de son nouveau programme, il semble avoir décidé que la meilleure façon d'éviter les erreurs est encore de ne rien entreprendre.

Gouvernement Charest - à la remorque...

À un passage du discours inaugural, le nouveau député adéquiste de Montmagny-L'Islet, Claude Roy, n'a pas pu s'empêcher d'applaudir. Visiblement, ce qu'il entendait était musique à ses oreilles.

Dans son inexpérience, M. Roy n'avait pas compris que, peu importe ce que dit le premier ministre, l'opposition officielle doit faire grise mine. Le métier de politicien ne s'apprend pas en un jour. D'un coup de coude dans les côtes, son voisin de banquette, aux réflexes sans doute plus aiguisés, a mis un terme à cette manifestation déplacée d'enthousiasme.
Au cours d'un bref point de presse, Mario Dumont s'est empressé de dissiper la fâcheuse impression selon laquelle M. Charest avait reçu cinq sur cinq le «message clair» envoyé par la population en envoyant 41 députés adéquistes à l'Assemblée nationale. Lui-même a utilisé tous les lieux communs d'usage pour qualifier ceux qu'il reprochait à son vis-à-vis.
Pourtant, de son propre aveu, c'est un authentique «buffet adéquiste» qu'a servi M. Charest. Certes, il aurait pu être plus plantureux, mais l'inspiration du menu ne faisait aucun doute, qu'il s'agisse du bulletin chiffré, de la réforme des conseils d'agglomération ou de la consultation publique sur la condition des aînés.
Le chef de l'ADQ avait encore raison de dire que s'il était un militant libéral, il serait un peu gêné de ce discours inaugural. M. Charest a bien tenté de diluer un peu la sauce adéquiste, ce ne sont pas les «valeurs libérales» qui sautent aux yeux.
Bien sûr, il s'est voulu plus nuancé que l'ADQ sur la question des accommodements raisonnables, insistant sur les «indispensables rapprochements» entre Québécois de toutes les origines. Il a néanmoins eu des propos qui auraient très bien pu sortir de la bouche de M. Dumont: «Il y a une limite, une ligne qui doit être tracée [...]. Nous allons par exemple renforcer le message livré aux immigrants selon lequel nos valeurs fondamentales ne sont pas négociables.»
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M. Charest a pris acte du fait que seulement un francophone sur quatre a appuyé le PLQ le 26 mars dernier. Le discours inaugural de 2003 parlait aussi de la fierté d'être Québécois, mais simplement comme on exécute une figure imposée. Il n'insistait pas comme celui d'hier sur «cette langue qui est le coeur de notre liberté et de notre identité».
Depuis l'adoption de la loi 86, en 1993, tous les gouvernements, aussi bien libéraux que péquistes, se sont bien gardés de toute initiative susceptible de rouvrir le débat linguistique. Hier, M. Charest a manifesté son intention de «renforcer la fierté de cette langue [française] dans l'espace public». Commencerait-il à trouver qu'il y a trop d'anglais dans les rues de Montréal?
Faisant flèche de tout bois, il a même déterré la vieille citation de l'historien britannique Arnold Toynbee, qui disait que «le peuple d'avenir dans les Amériques pourrait bien être les Canadiens français». Il faut dire qu'à l'époque (1949), le Québec était encore en pleine «revanche des berceaux». Certes, à 1,6, le taux de natalité est (légèrement) à la hausse, mais M. Toynbee ne serait sans doute plus aussi optimiste aujourd'hui.
Lors de l'assermentation des députés adéquistes, l'entourage de M. Charest avait trouvé un peu anachroniques les références de Mario Dumont à Duplessis et à Diefenbaker. Le premier ministre aurait également avantage à rafraîchir les siennes.
Rarement avait-on entendu un discours inaugural aussi personnalisé. M. Charest a parlé de façon très touchante de son père, de sa mère et de ses enfants, mais il a aussi senti le besoin d'insister sur son propre attachement au Québec et sur son désir, après 14 ans passés à la Chambre des communes, de «revenir servir à Québec pour les mêmes raisons que Jean Lesage l'avait fait en 1958».
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Les deux porte-parole de Québec solidaire, Françoise David et Amir Khadir, s'étaient rendus à Québec pour commenter le discours inaugural. Le PQ était trop occupé à panser ses plaies et à trouver un remplaçant intérimaire à André Boisclair.
En début de soirée, François Gendron en a bien dit quelques mots, mais il a déjà pu constater que l'essentiel de son travail au cours des prochains mois consistera à limiter au mieux les dommages que causera inévitablement la course au leadership, comme Louise Harel avait péniblement tenté de le faire après la démission de Bernard Landry.
M. Gendron a fait mine de prendre à la blague les propos du député bloquiste de Richelieu, Louis Plamondon, selon qui le caucus péquiste et les instances du parti auraient besoin de bons coups de pied au derrière pour apprendre la discipline, mais M. Plamondon semblait tout à fait sérieux.
Jusqu'à ce qu'il élise un nouveau chef, le PQ sera un joueur marginal à l'Assemblée nationale. Peu importe que l'ADQ vote pour ou contre les baisses d'impôt qui seront annoncées dans le prochain budget, il est clair que le PQ ne laissera pas tomber le gouvernement. M. Gendron a été catégorique: la population ne veut pas d'élections précipitées. Le PQ encore moins.
S'il avait su que M. Boisclair partirait si vite, M. Charest aurait peut-être pu ajouter quelques points au programme qu'il s'est fixé d'ici la fin de l'année. Le premier ministre a manifestement tiré de l'expérience du gouvernement Harper la conclusion qu'un gouvernement minoritaire ne doit pas trop compter sur la célérité du Parlement.
Seuls le budget, la réorganisation des conseils d'agglomération et la «loi Anastasia» sur les armes à feu semi-automatiques et à circulation restreinte nécessiteront l'approbation de l'Assemblée nationale. Tout le reste peut être fait dans le cadre des lois existantes ou par voie administrative.
Dans son discours, M. Charest a qualifié de simples «erreurs de parcours» les multiples gaffes qui sont venues bien près de renvoyer son parti dans l'opposition le 26 mars. À en juger par la minceur de son nouveau programme, il semble avoir décidé que la meilleure façon d'éviter les erreurs est encore de ne rien entreprendre.
mdavid@ledevoir.com


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