Les ingrédients de Mario, la recette de Stephen

Gouvernement Charest - à la remorque...

Habituellement, dans un contexte parlementaire normal à Québec, le premier ministre lit son discours d'ouverture et le chef de l'opposition lui donne la réplique le lendemain.
Mais, comme nous ne sommes plus dans un contexte normal, on a fait les choses à l'envers hier à l'Assemblée nationale: c'est Jean Charest qui a donné la réplique à Mario Dumont en lisant son discours d'ouverture.
Ce discours, le premier plan de match officiel du gouvernement Charest depuis les élections du 26 mars, aurait très bien pu s'intituler «Lettre à Mario» ou «Réponse à l'ADQ», tellement il y avait de références au programme politique défendu par M. Dumont lors de la dernière campagne électorale.
Pour reprendre une expression anglaise, on voyait les empreintes digitales de Mario Dumont partout sur ce document. À un point tel que le chef de l'ADQ s'est retrouvé dans la désagréable situation de devoir critiquer un plan libéral qui était essentiellement inspiré du sien. Encore difficile de planter Jean Charest...
M. Dumont vient de faire le constat que tous les chefs de l'opposition ont fait avant lui: il est plus facile d'attaquer le gouvernement en campagne électorale que d'être chef de l'opposition officielle à Québec.
«M. Charest a pris plusieurs ingrédients dans le buffet adéquiste, mais il n'a pas de programme à lui», a lancé M. Dumont, qui ajoute que M. Charest est «bien bon pour énoncer des intentions» mais que les gestes ne suivent généralement pas.
Sans vouloir donner trop de crédit au premier ministre, Mario Dumont a toutefois reconnu que le ton de ce discours d'ouverture est différent des précédents, qu'il est plus proche des préoccupations des Québécois.
Effet tangible du résultat des élections du 26 mars, sans aucun doute. Le choc de la minorité a visiblement fouetté Jean Charest. La poussée de l'ADQ semble, pour le moment, avoir donné un nouveau souffle à ce gouvernement qui a manqué singulièrement d'audace et d'imagination au cours de son premier mandat.
Ce discours suit un premier geste audacieux, la formation d'un cabinet minceur formé d'autant de femmes que d'hommes. M. Charest a apparemment emprunté à Stephen Harper une page de son petit guide de survie pour gouvernement minoritaire qui dit, notamment, que la meilleure défense, c'est l'attaque. Prenez l'opposition de court; déstabilisez-la, quitte à lui voler quelques idées; n'attendez pas de vous faire peindre dans le coin. Telle est la recette Harper.
Quitte à jouer sur des symboles délicats, comme de surnommer la loi sur le contrôle des armes à feu «loi Anastasia», du nom de l'élève assassinée lors de la fusillade au collège Dawson. M. Dumont cachait mal son malaise et admettait qu'il est difficile de s'opposer à un tel symbole.
Autre truc de Stephen Harper : dresser une courte liste de priorités à réaliser dans un échéancier précis. Jean Charest a ainsi détaillé ses huit engagements d'ici décembre (voir en pages 10 et 11), une stratégie purement harperienne.
D'ici décembre? C'est ambitieux. Mais il faut dire que M. Charest a quelques mois de répit devant lui. Le PQ, qui détient la balance du pouvoir, sera en effet bien tranquille d'ici à ce qu'il se trouve un nouveau chef.
Sur le fond, Mario Dumont a raison: Jean Charest s'est inspiré du programme de l'ADQ pour tenter de relancer son gouvernement, mais c'est de bonne guerre.
De toute évidence, les Québécois ont bien aimé ce programme, et Mario Dumont n'a pas de droits exclusifs sur les accommodements raisonnables, sur la situation des aînés, sur le recours aux cliniques privées, sur le développement économique, notamment de l'industrie de la forêt. Il fallait d'ailleurs voir Mario Dumont, hier, franchement mal à l'aise à critiquer les grandes lignes du discours.
C'est particulièrement vrai pour ce changement de cap soudain du gouvernement Charest sur la question des bulletins scolaires chiffrés dès septembre.
Il y avait dans ce discours un bonbon pour l'ADQ presque à chaque page, question de bien insister sur la nécessité pour le nouveau chef de l'opposition de jeter du lest, de faire des compromis, notamment sur les baisses d'impôts (auxquelles M. Charest tient mordicus, envers et contre tous) et de négocier avec le gouvernement minoritaire.
En plus de montrer aux Québécois qu'il les a compris, le discours d'ouverture de Jean Charest poursuit un autre objectif, à plus long terme, celui-là: tracer une ligne claire entre les «valeurs libérales», comme la tolérance et l'égalité, et les politiques de l'ADQ.
Nous avons plus de femmes dans notre caucus, nous les traitons mieux; nous sommes plus tolérants envers les immigrants; nous rejetons les politiques de rupture entre les régions et la ville. Par moments, on croyait presque entendre Ségolène Royal attaquer Nicolas Sarkozy.
M. Charest a aussi fait quelques références à Jean Lesage, se présentant comme son digne successeur, un personnage duquel se réclame souvent Mario Dumont.
Jean Charest n'a pas vu venir la menace adéquiste et il a mis du temps à réagir. Mais maintenant qu'il lutte pour la survie de son gouvernement, on ne peut lui reprocher d'utiliser les munitions de son ennemi pour se défendre.
Une chose est sûre: son caucus ne se plaindra pas de le voir retrouver, enfin, une certaine combativité.
Le premier défi de Jean Charest avec ce discours d'ouverture était de démontrer qu'il a bien compris le message du 26 mars. C'est ce qu'il a fait, en effet.
La balle est maintenant dans le camp de Mario Dumont, que l'on accuse de grande arrogance en ce début de session à Québec.


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