Santé, privatisation, pauvreté infantile…

Chronique de Michel Gendron


L’éternel débat sur la santé se poursuit. Le rapport Castonguay va dans le sens prévu : ouvrir encore un peu plus la porte à la privatisation. La droite néo-libérale jubile ou trouve que le rapport ne va pas assez loin. Les esprits plus centristes se veulent critiques, les sociaux-démocrates dénoncent. Le PQ? Discret dans les médias, discret sur son site, discret partout. N’étant pas un expert en la matière, j’aborderai la question à partir de mes valeurs, en fonction de ce que je connais.
Vice-président de la Commission Castonguay, Michel Venne appartient à la gauche pragmatique. Il était le choix de Pauline Marois. Loin d’être un dogmatique, l’homme est avant tout un social-démocrate. Il appartient donc au courant qui, dans le débat actuel, tente de faire contrepoids à l’idéologie libérale dominante.
Michel Venne est d’avis que le rapport de la commission est pro-public, bien que lui-même soit en dissidence concernant une recommandation et deux propositions du rapport qui ouvrent trop grandes les portes au privé.
Venne s’oppose notamment à la levée de « l’interdiction qui est faite aux médecins de pratiquer à la fois dans le système public et dans le système privé ». Une telle approche – qui pourrait s’avérer lucrative pour certains – pourrait contribuer à aggraver le problème de la pénurie de médecins dans les régions, voire de certaines spécialités dans la région de Montréal. Là-dessus, je suis d’accord : en appliquant les lois du marché à la santé, la médecine privée aura tendance à se développer là où la demande s’avérera rentable. La Gaspésie? Oubliez ça! À mon avis, il appartient à l’État d’assurer que chaque région puisse disposer de services adéquats. Or, cette ouverture au privé risque fort d’ajouter davantage d’iniquité à la situation actuelle.
Par ailleurs, que faut-il penser de l’idée de faire payer les usagers « riches » pour chaque consultation chez le médecin. Compte tenu que plusieurs ménages auront à débourser un montant substantiel pour voir un médecin, cela met fin à proprement parler à la gratuité des services, pour une frange importante de la population. C’est carrément la fin de l’universalité du service. Une médecine gratuite pour les gens à faible revenu, une médecine publique payante et/ou privée pour les autres. Classe moyenne, sort ton portefeuille ! Ça m’étonne que Venne soit solidaire de cette approche qui, si elle est appliquée, contribuera à faire de la santé une marchandise. Sa foi sociale-démocrate aurait-elle besoin d’un lifting ?
Concernant le financement du système, le rapport propose d’obliger les utilisateurs à payer une franchise (un ticket modérateur dans les faits) et de profiter des baisses de la TPS pour augmenter en conséquence la TVQ. Le ministre Couillard n’est pas impressionné par la première proposition, alors qu’il est carrément contre la deuxième.
Le PQ, quant à lui, n’as pas encore tranché. Martin Drainville s’est dit en faveur, mais madame Marois n’a pas suivi… À mon avis, si l’argent reste toujours un problème – même après la mise en œuvre de modes de gestion plus performants -, c’est cette dernière solution qu’il faut envisager. Quant à l’idée de promouvoir la privatisation du système, le PQ nous dit ne pas être en accord. Sur le blogue du parti, en date du 19 février, on peut lire ceci :
Vivement un réseau public de santé fort, accessible et universel. Notre système public doit être amélioré avant d’investir davantage dans le privé, car le privé occupe déjà une place importante.
Combien représente selon vous la part du secteur privé dans les dépenses totales de santé? Environ 5%, 10% ou même 15%? Non, en 2005, cette part s’établissait à 28,4 % au Québec, soit deux fois plus qu’au Royaume-Uni et qu’en Suède, et davantage qu’au Japon, qu’en France et qu’en Allemagne.

On est loin du PLQ, et très loin de l’ADQ. Mais un blogue reste un blogue et ce n’est pas à partir de cela qu’on forge une politique nationale. Toutefois, attendons au lendemain du prochain Conseil national du PQ avant de conclure.
Pro-public le rapport, comme le prétend Venne? Selon moi, élargir au privé les services de santé aurait pour effet de siphonner l’expertise qui existe dans le secteur public. Cela sera d’autant plus dommageable dans un contexte de pénurie de médecins et d’infirmières, ce qui semble être le cas présentement. Il n’est peut-être pas erroné de penser qu’on assisterait au début de la désagrégation du système public si jamais on appliquait ce que dénonce Venne. Dans sa lettre jointe en annexe du rapport, il nous dit que ce sont justement de telles contradictions qui l’ont amené à prendre ses distances.

Je ne suis pas un expert en matière de santé, mais j’essaie de faire un citoyen de moi-même. J’écoute, je mesure, je pèse, puis je choisis. Du mieux que je peux. Mais il répugne au social-démocrate que je suis de livrer la santé aux lois du marché. Quand j’entends les commentaires jouissifs de l’Institut économique de Montréal et de leurs supporters adéquistes que sont monsieur Éric Caire et madame Joanne Marcotte, cela ne me rassure en rien. Si la droite néo-libérale jubile, c’est que le rapport doit bien répondre à cette idéologie quelque part !.
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Pour ceux que ça intéresse : la pauvreté infantile décroît au Québec!
Campaign 2000, une organisation pan-canadienne luttant contre la pauvreté, a récemment publié une étude démontrant que le taux de pauvreté infantile au Canada en 2005 était identique à celui de 1989, soit 11,7%.
Comme d’habitude, je m’attendais à ce que la situation au Québec soit pire qu’ailleurs. Pourquoi? Parce que tous les Alain Dubuc de ce monde ne cessent de nous répéter ad nauseam que le Québec est pauvre et que nous sommes poches. Ce n’est donc pas pour rien que j’ai été surpris d’apprendre que, avec un taux de 9,6% de pauvreté infantile, le Québec se situe au 3e rang des provinces canadienne en matière de pauvreté infantile, « battu » seulement par l’Île du Prince Édouard (3,3%) et l’Alberta (8,6%). Pourtant le taux de pauvreté infantile était de 22% au Québec en 1997. Que s’est-il donc passé? L’étude est claire : réseau étendu des services de garde, augmentation de la prestation pour enfant et bonification des congés parentaux ont permis de redresser la situation. Quant au plan de lutte contre la pauvreté voté en 2004, il serait encore trop tôt pour pouvoir en mesurer la portée réelle.
L’étude insiste sur le fait qu’il appartient aussi au gouvernement fédéral de faire sa part. Par exemple, on suggère d’augmenter la Prestation fiscale canadienne pour enfants de 3 240$/an (le maximum) à 5 100$. On dénonce aussi la faible performance du Programme d’assurance-emploi. Actuellement, seulement 40% des personnes sans emploi peuvent bénéficier de cette assurance, à un taux moyen de 40% de leur salaire. Pas fort. L’étude fait aussi état du désengagement du fédéral dans le soutien financier au logement social (survenu en 1992).
Concernant le Programme d’assurance-emploi, le Bloc n’a eu cesse de défendre les droits des chômeurs. On sait que le fédéral, après avoir coupé, re-coupé et re-re-coupé, a engrangé des surplus qui ont aussitôt servi à rembourser la dette nationale. Bref, payons notre dû, et appauvrissons les sans-emploi. Brillant. Pour contrer cela, Gérald Larose propose que le Québec crée sa propre Caisse d’assurance-chômage. En matière de gouvernance nationale, voilà un défi qui pourrait s’avérer porteur. Dans les débats qui s’ensuivraient, le Canada aurait le rôle du méchant, de celui qui condamne à la pauvreté les sans-emploi et leur famille. Parions, cependant, que le PQ ne tirera pas en ce sens.
Quant au désengagement de l’État fédéral dans le financement du logement social, quiconque œuvre dans le domaine vous expliquera les effets néfastes de cette décision sur l’accessibilité au logement, notamment pour les familles à faible revenu ou de la classe moyenne. Une autre belle occasion, donc, pour démontrer que le fédéral ne mérite pas d’obtenir la note de passage en matière de développement social.


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1 commentaire

  • Marie-Claude Tadros-Giguère Répondre

    24 février 2008

    Depuis quelques jours,je lis sur différents blogues et chroniques une quantité industrielle de commentaires au sujet du rapport de la commission Castonguay. Aucun blogueur, aucun commentateur n'a fait allusion au cul-de-sac constitutionnel dans lequel se trouve notre système de santé qui écrase sous la croissance des coûts.Certains commentaires plutôt apocalyptiques dans le genre :""nous ne sortirons jamais des déficits engendrés par le réseau public""etc.etc. ou encore des propositions de solution miracle plus ou moins jovialistes ne cessent d’alimenter le contenu des blogues.En aucun moment quelqu'un a osé signaler l'énorme fossé qui existe entre les moyens financiers des provinces et ceux du fédéral,ce qui a permis à ce dernier d'engranger depuis dix ans plus de 266 milliards de surplus(source:économistes du Mouvement Desjardins).Imaginez la marge de manoeuvre d'un Québec souverain qui déterminerait ses priorités pour financer la santé et l'éducation sans la contrainte de dépenses militaires gigantesques telles que nous les subissons actuellement dans le régime fédéral.Pas un commentateur n'a effleuré cet aspect qui est le coeur du projet indépendantiste.Pour la nième fois,les discussions autour du financement de la santé continuent de nous confiner à l'éternel carcan du gouvernement provincial qui n'a pas les ressources ou les moyens pour avancer sinon de taxer davantage.Encore une fois le Parti Québécois ne profite pas de ces occasions pour mettre en évidence le potentiel et la perspective d'un Québec où nous aurions réalisé notre souveraineté. Que c'est donc difficile de sortir de cette ornière et cette façon étriquée de penser. Pas étonnant que la cause de l’indépendance accuse des reculs.