M. Sarkozy sur le balcon

Contrairement à une perception trop répandue chez nous, être favorable au Canada ce n'est pas être hostile au Québec.

France-Québec : fin du "ni-ni"?


Quarante et un ans après le "Vive le Québec libre!" du général de Gaulle, 31 ans après qu'Alain Peyrefitte eut pondu la "non-ingérence et non-indifférence" de la France à l'égard de l'avenir politique du Québec, Nicolas Sarkozy s'apprête à reformuler la politique de son pays sur cette question. Sans présumer de ce que dira le président de la République lors de son passage au Canada l'automne prochain, on nous permettra de souhaiter qu'il fasse preuve de prudence dans ce dossier délicat.
La nouvelle est venue de l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin. "Nicolas Sarkozy souhaite maintenir cette relation privilégiée avec la province, mais évidemment dans une stratégie de non-opposition au Canada, a dit M. Raffarin. Quelquefois dans notre histoire, la relation franco-québécoise a été privilégiée au point où on ne se mêlait pas du reste. Aujourd'hui, c'est une relation privilégiée avec le Québec pour que la relation avec le Canada soit privilégiée."
La perspective d'un rééquilibrage de la relation France-Canada-Québec a semé l'inquiétude dans les rangs souverainistes. "Pourquoi la France se mettrait-elle à dos une bonne partie de ceux qui, au Québec, de toutes les couleurs politiques, animent cette relation unique au monde?" a écrit Louise Beaudoin dans Le Devoir.
Il serait assez paradoxal que les souverainistes, qui n'ont cessé de pousser les politiciens français à manifester de la sympathie pour leur option, s'offusquent maintenant que le président Sarkozy veuille exprimer son amitié pour le Canada! Cela dit, Mme Beaudoin n'a pas tort de citer la maxime américaine: "If it ain't broken, don't fix it."
Prise à la lettre, la formule de "non-ingérence et non-indifférence" est en effet irréprochable. La France n'a pas à se mêler de politique intérieure canadienne; elle ne peut non plus être insensible au sort de ses descendants d'Amérique. Le problème, c'est que le mouvement souverainiste et ses alliés français ont toujours voulu tirer la couverture du "ni-ni" de leur côté. C'est ainsi que la moindre déclaration d'un élu français faisait l'objet d'une savante exégèse tendant à démontrer son appui au projet indépendantiste.
M. Sarkozy a entrepris d'ajuster la politique étrangère française dans le sens des intérêts de la France plutôt que dans celui des effets de toge. Il l'a fait lors de ses récentes visites à Washington et à Londres, nul doute qu'il fera de même ici. On peut s'attendre à ce qu'il souligne à quel point le Canada et la France ont été et continuent d'être l'un pour l'autre des alliés indispensables. On peut croire, aussi, qu'il louera le modèle canadien de coexistence des cultures.
Il serait périlleux qu'il aille au-delà. Pas de "Vive le Canada uni!" s'il vous plaît. Qu'elle se fasse au profit des uns ou des autres, l'ingérence étrangère dans les affaires canadiennes n'est ni souhaitable ni productive.
Par ailleurs, lorsque le président soulignera l'importance des liens entre son pays et le Canada, il faudra se garder de conclure qu'il met de côté la relation privilégiée, essentielle, entre la France et le Québec. Contrairement à une perception trop répandue chez nous, être favorable au Canada ce n'est pas être hostile au Québec.
apratte@lapresse.ca

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André Pratte878 articles

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[une chronique intitulée « Tout est pourri » (critique de Anne-Marie Gingras) ->http://books.google.fr/books?id=EZWguAMXAtsC&pg=PA27-IA27&lpg=PA27-IA27&dq=pratte+Tout+est+pourri&source=bl&ots=MUti9NTQuH&sig=h2zgJlLgOg844j5ejxnUl4zH2_s&hl=fr&sa=X&ei=73RrT8aQEqnh0QHuh4GyBg&ved=0CEEQ6AEwBQ#v=onepage&q=pratte%20Tout%20est%20pourri&f=false]

[Semaine après semaine, ce petit monsieur nous convie à la petitesse->http://www.pierrefalardeau.com/index.php?option=com_content&task=view&id=30&Itemid=2]. Notre statut de minoritaires braillards, il le célèbre, en fait la promotion, le porte comme un étendard avec des trémolos orwelliens : « La dépendance, c’est l’indépendance ». « La soumission, c’est la liberté ». « La provincialisation, c’est la vraie souveraineté ». « La petitesse, c’est la grandeur ». Pour lui, un demi-strapontin à l’Unesco est une immense victoire pour notre peuple. C’est la seule politique étrangère qu’il arrive à imaginer pour le peuple québécois. Mais cet intellectuel colonisé type n’est pas seul. Power Corp. et Radio-Cadenas en engagent à la poche.





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    4 avril 2008

    A l'auteur du commentaire précédent.
    Bien sûr que l'affaire du Québec est celle des Québécois et non de tel ou tel autre pays. On n'a pas lieu d'exiger des autres de faire ce qu'on peut - et doit - faire soi-même.
    Pour autant, le Québec n'a de relations poussées avec personne dans le monde. De crainte de perdre ici telle autonomie, devoir là faire tel compromis, être soumis à je-ne-sais-quel diktat.
    Résultat, selon cette vision politique, tout ce qui Union (européenne), Entente (cordiale), ..., relève d'un renoncement honteux. Cela n'a pas de sens... l'isolationnisme n'est pas de ce siècle.
    Quoiqu'on pense des Albanais du Kosovo, bien avant la proclamation de leur sécession, ils disposaient d'alternatives politiques et géopolitiques comme autant d'objectifs justifiant la sécession : intégration à l'UE, rapprochement (sous une forme ou une autre) avec l'Albanie.
    Parce que s'enfermer aujourd'hui dans un isolement conduit inexorablement à la marginalisation et à l'échec. On n'est plus au XVIIIème siècle mais au XXIème. Il conviendrait de s'en rendre compte.
    S'agissant d'un Québec (devenu indépendant), quelles sont ses alternatives à son isolement et justifiant plus encore son indépendance ?

  • Archives de Vigile Répondre

    4 avril 2008

    L'analyse de Carnot est imparable mais dans un autre registre, il faut voir aussi l'ensemble de l'oeuvre de Sarko Bling Bling. Il n'a pas peur de casser la vaisselle celui-là, et il ne s'en prive pas.
    Au-delà du pipolisme de ce personnage bas de gamme, ce qui explique amplement ses affinités avec le mange canayer Desmarais, il faut aussi voir qu'il est en train de bousculer gravement les positions traditionnelles de la France dans plusieurs domaines de sa politique de relations internationales.
    Un appui sans équivoeuq au traité de Lisbonne qui met les États Nations Européenne en tutelle, réintégration de l'Otan, lèche cul avec Babeth, Sarko est le nouveau caniche de l'Empire Anglo Saxon.
    Comment un mec qui est capable de ces infamies, voire vendre sa mère pour une cueillèrée de pouvoir, peut-il avoir de la sympathie pour le petit peuple québécois ! Poser la question c'est y répondre.
    De son côté, incapable de mettre les choses en perspectives, Pratte dans son prêche, ne se rend même pas compte de sa bêtise de son aveuglement et de ses errances. Qui ici s'en étonne ? Sophismes et raccourcis ne sont-ils les marques de commerce de cet individu ?
    Quant à Sarko, heureusement des voix s'élèvent en France et la voix de l'opposition tonne de plus en plus fort. J'écoutais l'autre jour en direct les débats au Sénat français sur la décision d'envoyer des troupes en Afghanistan. J'ai trouvé cela rassurant. S'il faut s'inquiéter pour le présent l'avenir est sinon assuré, au moins réconfortant. Après tout, Sarko est un mortel, comme homme, et aussi comme politicien...
    Il n'en demeure pas moins que c'est à nous Québécois de nous tenir debout. Ce n'est pas la Fance qui fera notre pays, c'est nous.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 avril 2008

    Vous ne semblez pas comprendre que le début de la fin de cette "relation unique" est annoncé par Peyrefitte. Il y a donc 31 ans.
    Imagine-t-on un gouvernement français user d'une double négation pour décrire les relations de la France avec un pays, allié, partenaire ou un territoire privilégié ? Bien sûr que non.
    Pire, cette formule est le fait d'un gaulliste, proche voire à certains égards intime du Général, dix ans après que ce dernier est fait l'exact contraire de ce qui s'apparente à une négation.
    Pourquoi ce revirement ? Tout simplement parce que la relation entre la France et le Québec telle que la voulait de Gaulle est apparue improbable, irréalisable, finalement irréaliste.
    Non par le fait de la France, mais par le fait des Québécois.
    Pour de Gaulle, les Québécois sont comme les Normands, les Gascons, les Polynésiens, les Wallons, ..., plus exactement leur territoire, des composantes d'un puzzle. Du puzzle français.
    Le modèle de de Gaulle est Louis XIV, pas Napoléon. Il est celui de la recherche de taille critique et de la défense du pré carré.
    Les Québécois ne se voyaient, ni ne se voient, comme de Gaulle les voyait.
    Et comme toute relation visant à unir (trop) les deux rives de l'Atlantique n'étant pas du goût des Québécois, de leurs élites et gouvernants, on en a arrive à la double négation - c'est à dire un échec qui ne dit pas son nom - de Peyrefitte.
    "La France accompagnera le Québec dans le choix qui sera celui des Québécois". Qu'y a-t-il d'extraordinaire à cela ? C'est la norme politique et diplomatique !
    "La relation unique" ne sera pas enterrée par Sarkozy... elle l'a déjà été par Peyrefitte !