Coups de vent

France-Québec : fin du "ni-ni"?


N'est-il pas étrange qu'en 2010, il sera plus facile pour un professionnel français de pratiquer au Québec que pour un Ontarien ?
Au-delà de la douloureuse et infantile exégèse des propos du président français Nicolas Sarkozy sur les relations France-Canada-Québec, on retiendra l'"Entente sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles" entre la France et le Québec comme le fait marquant de sa visite éclair à l'occasion du XIIe Sommet de la francophonie. Cette entente est plus que bienvenue puisqu'elle ouvre des portes que le corporatisme et le protectionnisme ont gardées fermées depuis toujours et qui demeurent problématiques à l'intérieur du Canada.
Il faut bien comprendre que la mobilité de la main-d'oeuvre achoppe sur l'indépendance et l'autonomie des États puisqu'il s'agit d'une façon de se garantir un bassin de main-d'oeuvre dont les compétences collent à la réalité d'un marché ou d'une clientèle en particulier. Ce n'est pas tant par ouverture et altruisme que le Québec et la France veulent lever les obstacles à cette mobilité, mais par une nécessité nourrie par la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée à la grandeur de l'univers.
Quand la ministre québécoise des Relations internationales Monique Gagnon-Tremblay souhaite que cette entente aidera à combler la pénurie de main-d'oeuvre avec des travailleurs qualifiés francophones, elle sait pertinemment que la réciproque vaut tout autant pour la France qui doit relever des défis semblables. Elle dit croire que le Québec sortira gagnant de ces échanges. C'est bien de l'espérer même si c'est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît et insuffisant pour combler les 450 000 postes qui seront disponibles au cours des prochaines années à la suite de départs à la retraite. Sans oublier que cela joue dans les deux sens.
La ministre Gagnon-Tremblay a entièrement raison de s'inquiéter que la mobilité inter-provinciale au Canada soit à la remorque de la mobilité France-Québec ou même un jour, Europe-Québec. Un politicien n'a-t-il pas déjà dit que l'accord nord-américain de libre-échange était une bonne idée dont les provinces devraient s'inspirer ! Il est quand même désolant que la méfiance entre nos provinces, dont certaines ont une population francophone importante, soit plus forte que la confiance que se manifestent des États sur des continents différents.
Parallèlement au Sommet de la francophonie, le premier ministre Harper et le président Sarkozy, qui préside l'UE, ont convenu d'amorcer des négociations en vue d'une coopération plus étroite, non seulement de libre-échange, mais également de mobilité de la main-d'oeuvre, de sciences et technologie, de marchés publics et d'environnement. En effet, quand Stephen Harper affirme qu'il faut rejeter le protectionnisme, il s'adresse tout autant à ses partenaires intérieurs qu'à l'Union européenne.
À l'ombre de la crise
Le XIIe Sommet de la francophonie qui s'est terminé hier à Québec n'est donc pas vraiment sorti de l'ombre de l'autre "priorité" que constitue la crise économique mondiale. Pour Nicolas Sarkozy, Québec ne fut qu'une escale vers Washington pour aller convaincre George W. Bush de réforme du système financier mondial. Ce qu'il a fait avec succès d'ailleurs car le président américain a accepté samedi sa suggestion d'une série de sommets du G8 élargi après les présidentielles américaines du 4 novembre "pour répondre aux difficultés auxquelles est confrontée l'économie mondiale".
Ce que cherche Sarkozy, président en exercice de l'Union européenne, c'est un nouvel accord de Bretton Woods qui avait établi les bases du système financier international après la Seconde Guerre mondiale. Ces accords avaient pour but de restaurer la stabilité du système monétaire international, freiner la concurrence monétaire et promouvoir la coopération entre les nations. On y avait également créé le Fonds monétaire international ainsi que la Banque mondiale. Sur ce sujet, le Canada exprime certaines réserves sur la position Sarkozy de refonder le capitalisme préférant une approche moins radicale, préférant des actions "robustes mais prudentes".
On comprend donc que la sémantique des relations franco-canado-québécoises est une distraction bien inutile quand il faut aller au chevet de l'économie mondiale. Le passage de Sarkozy en coup de vent a eu l'effet d'une tornade.


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