Comme une mouche sur le miel, le chef péquiste André Boisclair a fondu avec une ardeur opportuniste pour interpréter au service de la cause souverainiste les propos de Jean Charest à l'effet que le Québec a les moyens de devenir indépendant. Nuance ! Le premier ministre ajoute du même trait qu'il n'est pas dans l'intérêt du Québec de le faire. Le "faisable" n'est pas nécessairement le "souhaitable".
La grande "victoire pour les souverainistes" est bien courte et elle emprunte un raccourci commode avec l'histoire et avec les faits. Il ne faut pas surtout conclure des propos de Jean Charest à la télé française une conversion spectaculaire à la souveraineté. Qu'aurait-il dû répondre à la question de l'intervieweur de TV5 France dans le cadre d'une entrevue d'une heure ? Que le Québec n'a pas les moyens de devenir indépendant ? Il se serait fait crucifier pour avoir péché par manque de confiance au Québec et d'avoir trahi la mémoire de Robert Bourassa.
Il a plutôt affirmé tout haut l'évidence que le Québec, comme une multitude d'autres pays, de provinces et de régions, a les moyens de "choisir son destin" dans la foulée historique de la déclaration de Robert Bourassa au lendemain du rejet de l'Accord du Lac Meech, en juin 1990, qui déclarait que "le Québec a la liberté de ses choix [...] dans le réalisme, dans le calme et dans la lucidité."
Bourassa soutenait d'ailleurs : "Dans la préparation de son avenir, le Québec dispose d'atouts très importants et [...] nous avons ces atouts liés à une qualité exceptionnelle de notre main-d'oeuvre, liés au dynamisme de nos entrepreneurs, à l'ampleur de nos ressources naturelles et à la position exceptionnellement stratégique sur le plan géographique du Québec au Canada et en Amérique du Nord."
Quand Jean Charest assure sur le ton de l'évidence que le Québec a les moyens d'être indépendant, il précise cependant sur le même ton que ce "choix légitime [...] la séparation du Québec du reste du Canada, n'est pas une option qui sert l'intérêt des Québécois". Il ajoute que le fédéralisme est un des outils nécessaires à l'épanouissement du Québec et "que la voie de la réussite pouvait être empruntée sans qu'il soit nécessaire de rompre nos liens avec le Canada."
Jean Charest a, bien sûr, fourni à un André Boisclair triomphaliste une occasion en or de faire du kilométrage à rabais sur une idée qui n'a rien de renversant, mais qui, à la pièce, sert bien les intérêts d'un leadership ambigu qui tarde à s'affirmer. Il a même poussé l'exégèse des propos du premier ministre en affirmant que cette déclaration marquait une "victoire déterminante" et la fin de l'évocation des "arguments de peur". Car c'est ainsi que le chef péquiste qualifie l'argumentaire de ceux qui croient que le Québec réussit très bien à l'intérieur du Canada et qui doutent fortement qu'il s'en tirerait mieux en devenant un nouveau pays.
Qu'en est-il alors de l'affirmation de Pauline Marois rappelée à l'ordre et corrigée après avoir affirmé que l'indépendance s'accompagnerait de cinq années de "turbulence", pour préciser ensuite que ce serait plutôt de l'"effervescence" ?
Toujours d'actualité
Qu'on se retrouve plongés en plein été dans un débat sur la souveraineté démontre hors de tout doute que la question demeure toujours en filigrane de l'évolution du Québec moderne. C'est aussi une immense distraction qui ne doit pas faire oublier que le Québec continue d'avancer et de se développer au sein même de la fédération canadienne tout en y jouant un rôle déterminant. Il en a les moyens, il en a les outils, il en a les ressources et il en tire de nombreux avantages tant à l'intérieur de la fédération que sur la scène internationale. On peut aussi en dire autant de l'Ontario, de l'Alberta ou de la Colombie-Britannique. Comme le Québec, ils ont les moyens de leur indépendance. Est-ce vraiment dans leur intérêt ? C'est faisable, mais est-ce vraiment souhaitable ?
Le Canada est une immense communauté d'intérêts, de ressources, de richesses, de partage et de diversité qui créent un ensemble de premier plan dans la communauté des nations. Ses états constituants possèdent les moyens de parvenir à leurs fins et de gérer leurs affaires, mais ils ont fait le choix de les mettre en commun pour faire plus, aller plus loin et se donner de plus grands moyens dans leur intérêt commun.
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