En visite à Paris

Le Québec a les moyens de faire la souveraineté, dit Charest

Le premier ministre nuance sa déclaration un peu plus tard

Nous avons les moyens de faire l'indépendance

Paris -- Le premier ministre Jean Charest a reconnu hier à Paris que le Québec a les «moyens» de devenir indépendant, tout en réaffirmant que cela n'était pas dans son intérêt.
Craignant sans doute que cette déclaration «incomplète» ne donne du grain à moudre à ses adversaires, il s'est empressé deux heures plus tard de la nuancer, en insistant sur les conséquences économiques de la souveraineté.
Parler de l'avenir du Québec est une figure imposée pour un premier ministre québécois en visite à Paris. C'est sur le plateau de l'émission Le Grand Rendez-Vous (qui sera diffusée ce dimanche sur TV5) que Jean Charest a été invité à le faire.
«La question aujourd'hui n'est plus de savoir si on a les moyens [de faire la souveraineté]. Oui, nous les avons. Personne ne remet ça en question, a déclaré le premier ministre. La vraie question est la suivante : "Qu'est-ce qui est dans notre intérêt à nous ? Qu'est-ce qui est le mieux pour le Québec ?".»
Les journalistes québécois qui ont assisté à l'enregistrement de l'entrevue, dans les studios d'Europe 1, ont évidemment tendu l'oreille. Le journaliste Philippe Dessaint, de TV5, venait de présenter comme une évidence le fait que «le Québec aurait les moyens, au plan financier, budgétaire, éducation, recherche, d'être une nation à part entière», et Jean Charest l'avait approuvé.
Le risque d'une «mauvaise interprétation» n'a pas échappé à l'entourage du premier ministre, qui s'est appliqué deux heures plus tard, au téléphone, à réajuster le tir, en évoquant une réponse forcément «incomplète» formulée dans un contexte français.
«Je ne viens pas en Europe pour discuter des débats internes au Québec», a expliqué Jean Charest quelques minutes après, en entrevue téléphonique. Selon lui, «c'est une chose de dire que techniquement et juridiquement», le Québec a les moyens de devenir souverain, mais «ça ne donne pas la réponse complète».

S'il ne s'en était pas tenu à la règle qu'il s'est fixée de «ne jamais laver notre linge sale en public» à l'étranger, le premier ministre aurait donc pris le temps de parler des conséquences économiques de la souveraineté et des «cinq ans de perturbation» annoncés par Pauline Marois «elle-même».
«Sur l'échelle des économies mondiales, on n'est pas pauvres, mais les conséquences seraient grandes, a-t-il dit. Par exemple, le Québec serait exclu de l'ALENA et ne pourrait jamais renégocier son retour aux mêmes conditions.»
Interviewé pendant une heure par trois journalistes de TV5, du journal Le Parisien et du réseau radiophonique Europe 1, le premier ministre avait déjà réaffirmé son indéfectible attachement au fédéralisme canadien, un «système idéal» qui permet au Québec de prendre sa «place dans le monde».
«Le phénomène de la mondialisation change beaucoup la nature du débat [sur la souveraineté], a expliqué M. Charest. Plus les États font partie de grands ensemble, comme en Europe, plus on évolue vers des ensembles plus grands, moins il est pertinent, à mes yeux, de faire le choix de l'indépendance.»
Jean Charest a conclu sa visite à Paris hier soir en allant dîner chez le maire de Paris, Bertrand Delanoë. Il s'offrira ensuite quelques heures de liberté avec son épouse et leurs trois enfants. Deux d'entre eux se sont d'ailleurs temporairement installés dans la capitale pour faire un stage à TV5, dans le cas de leurs fils Antoine, et à l'Élysée, dans celui de leur fille Amélie.
Le premier ministre s'envolera dimanche après-midi pour l'Autriche, où il assistera à compter de lundi à la Conférence des régions partenaires. Sa mission le conduira ensuite en Allemagne. Le 20 juillet, il repassera par Paris pour un entretien avec le président Jacques Chirac.
André Boislcair ravi
La déclaration de M. Charest, qui a tôt fait de traverser l'Atlantique, tombe à point pour le chef du Parti québécois, André Boislcair, d'autant plus que le leader libéral a récemment effectué une remontée dans les sondages et que l'option souverainiste ne connaît pas ses meilleures heures.
«C'est une grande victoire pour les souverainistes, le résultat de 30 ans de travail à expliquer les enjeux de la souveraineté du Québec», a souligné M. Boisclair hier. Désormais, a-t-il ajouté, «le débat sera plus serein» puisque les fédéralistes ne pourront plus utiliser les «arguments de peur» traditionnels, à savoir que l'indépendance se traduirait par un désastre économique.
Le chef péquiste s'en est également pris aux affirmations du premier ministre selon lesquelles le Québec perdrait de son influence en étant souverain. «Nous serions tout à fait heureux de faire valoir notre point de vue sur la question de Kyoto ou encore sur les dossiers relatifs à la diversité culturelle, a-t-il fait valoir. Et une fois que nous serons souverains, quand nous aurons des intérêts à défendre, nous n'hésiterons pas à nous associer à d'autres nations qui partageront nos intérêts. Et cela comprend bien sûr le Canada.»
Constatant l'ampleur des réactions à ses propos, M. Charest a pris soin hier de dire que sa déclaration n'était pas complète puisqu'elle s'adressait à la presse étrangère. «Je suis convaincu que sa déclaration n'était pas improvisée mais qu'il a plutôt mis de côté ses habits partisans», a répliqué André Boisclair.
L'intervention de Jean Charest sur les ondes de la télévision française arrive aussi à point pour le déclenchement des élections complémentaires. L'Assemblée d'investiture d'André Boisclair se déroulera demain en présence de l'ex-premier ministre Bernard Landry.
Avec la Presse canadienne


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