Deux des ténors souverainistes ont pleinement savouré les propos tenus hier à Paris par Jean Charest selon lesquels que le Québec possédait les "moyens" pour devenir indépendant. Pour André Boisclair, il s'agit là "d'une victoire définitive pour les souverainistes", alors que pour Bernard Landry cette déclaration complètement inattendue "est une belle contribution au débat".
Joint à Pointe-aux-Trembles, là où aura lieu demain l'annonce de sa candidature en vue des prochaines élections partielles, le chef du PQ jubilait littéralement. "C'est le résultat de 30 ans de travail pour la famille souverainiste, dit André Boisclair. Robert Bourassa avait établi un standard en affirmant qu'il appartenait aux Québécois de choisir. M. Charest va plus loin en reconnaissant la faisabilité économique de la souveraineté. Je pense qu'on vient de tourner une page de l'histoire du débat constitutionnel."
André Boisclair croit que les Québécois peuvent maintenant envisager le prochain débat référendaire avec beaucoup plus de sérénité. "C'est fini l'époque où on faisait peur aux souverainistes avec des arguments économiques, dit-il. On peut maintenant avancer, et c'est d'autant plus facile de le faire, que cette déclaration vient de celui que M. Harper appelle le premier ministre québécois le plus fédéraliste."
Alors que Jean Charest a tenu à tempérer ses propos en prétextant une "réponse incomplète", André Boisclair voit là au contraire une pensée calculé et bien sentie. "J'ai travaillé avec trois premiers ministres. Je sais qu'ils sont beaucoup plus prudents quand ils sont à l'étranger. M. Charest s'est exprimé devant le monde et il savait ce qu'il disait."
Plus pondéré mais néanmoins comblé, l'ex-premier ministre du Québec, Bernard Landry, s'est dit étonné des propos tenus par Jean Charest. "On n'a pas entendu ça souvent de la part d'un fédéraliste. Et ça, c'est à son crédit. Il a dit une chose évidente, il l'a dit honnêtement. C'est une belle contribution au débat. Toutes les peurs économiques et les paniques dont certains fédéralistes ont usé et abusé, il vient de les stériliser."
Tout en affirmant que les grands projets d'indépendance nationale ne sont pas liés à des questions matérielles mais de "dignité nationale, de désir de se gouverner soi-même et de faire partie du concept des nations", Bernard Landry reconnaît que l'aspect économique est capital. "Je comprends que le premier ministre ait dit cela car le Québec, sur le plan matériel, est dans les 20 premiers pays du monde en terme de produit national brut par tête. S'il avait commis l'impair de dire que le Québec ne pouvait pas, il prenait de front 180 pays membres des Nations unies qui sont derrière lui. Il a seulement dit la vérité, il a dit une évidence. Il ne pourra plus jamais dire que le Québec n'a pas les moyens."
La règle des successions
Lors de cet entretien télévisé, Jean Charest a parlé des "conséquences" que le Québec encourrait avec la souveraineté en pointant une exclusion de l'ALENA et sa difficulté d'y adhérer à nouveau aux mêmes conditions. Pour Bernard Landry, cette vision des choses ne tient pas la route. "Il ne faut pas oublier qu'il existe la règle des successions des États. Le Québec succède au Canada et hérite des droits et obligations du Canada. Et comme le Québec est un partenaire très important pour les États-Unis, c'est tout à fait absurde de penser que les Américains voudraient nous exclure de la zone de libre échange."
Jean Charest s'est également interrogé sur le phénomène de la mondialisation qui incite les États à se rassembler, comme en témoigne le projet de l'Union européenne, plutôt que le contraire. "Il faudrait lui rappeler que pendant qu'il paye 50% de ses impôts à Ottawa, les Français, à qui il parlait, payent, eux, 2 à l'Europe", tient à préciser Bernard Landry.
SELON ANDRÉ BOISCLAIR
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