On s'attendait à ce que le chef couronné du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, profite de son discours de confirmation au congrès de Vancouver pour partager sa vision du pays. Nous sommes restés sur notre faim. Faut-il vraiment s'en étonner?
Ce «congrès à propos de rien», comme on s'est plu à le décrire, était bien davantage tourné vers la reconstruction du PLC que vers les Canadiens. Refaire l'unité et la crédibilité du parti, mobiliser les troupes, solidifier et adapter les structures, renflouer les caisses, autant de tâches essentielles et primordiales si les Libéraux veulent ravir le pouvoir à Stephen Harper. Une chose est sûre: la «marque» du Parti libéral demeure toujours forte et ne semble pas avoir été trop amochée après des années de dissensions, de scandales et de trébuchements.
De toute évidence, les libéraux semblent avoir refait le plein d'une confiance que le difficile passage de Stéphane Dion, la cuisante défaite de l'automne dernier et un projet de coalition opportuniste avaient mise à mal. Cette confiance, renforcée par les récents sondages, demeure toujours fragile parce qu'elle s'appuie davantage sur la baisse de popularité des conservateurs de Stephen Harper que sur un mouvement de base solidement ancré dans la population. Pourtant, les progrès accomplis depuis le départ de Stéphane Dion ne mentent pas, ce qui ne fait que confirmer la force de la «marque» libérale contre vents et marées. Par contre, cette marque ne suffit pas; il faut un chef pour la porter et de la substance pour la nourrir.
L'embellie Ignatieff
La confirmation de Michael Ignatieff est la première étape d'un processus que les libéraux seraient bien mal avisés de hâter à mesure que se confirmerait la vraisemblance de ravir le pouvoir aux conservateurs. Les libéraux sont encore loin du compte, ne serait-ce qu'au strict plan financier. Sortir du rouge ne signifie pas que les coffres sont regarnis. Pour montrer le nouveau logo, il faut des moyens que les libéraux n'ont pas encore.
L'embellie qui accompagne l'arrivée du nouveau chef du Parti libéral n'est pas un leurre. Elle est annonciatrice d'un avenir plus prometteur pour le parti. Il ne faudrait toutefois pas y voir une garantie de succès sur cette seule lancée. Son discours de Vancouver ne s'est pas éloigné des formules passe-partout tout en martelant le thème de l'unité «d'un grand peuple» auquel les libéraux veulent offrir «une vision qui les rassemble et qui nous laisse tous entrevoir des jours meilleurs» à la «manière canadienne» qui passe par «la solidarité sociale et l'inclusion de tous».
Michael Ignatieff veut que «nous nous étonnions nous-mêmes», que «nous étonnions le monde» grâce à la formation professionnelle et à la recherche. Pour l'instant, son désir de voir les Canadiens devenir des leaders audacieux reste au niveau des grands principes que le parti devra traduire en action, ce qu'il promet pour le mois de juin.
Ces lignes directrices ne s'éloignent nullement de la recette qui a valu au PLC l'étiquette de «parti de la gouvernance naturelle», c'est-à-dire de gouverner au centre, pour le centre, sans jamais trop s'en éloigner.
Rien dans le discours de Michael Ignatieff ne s'écarte de ce qui a fait le succès de son parti. Les formules «obamiennes» sont omniprésentes bien qu'elles ramènent toujours à la «manière canadienne», un concept à géométrie variable que maîtrisent fort bien les libéraux et son chef couronné.
Or, le plus difficile reste à faire. Après avoir convaincu les libéraux, il faut maintenant convaincre les Canadiens que ce parti s'est renouvelé, qu'il a coupé avec un passé pas si lointain, que les leçons de la défaite d'octobre dernier ont été apprises, qu'il a quelque chose de différent à offrir aux Canadiens. Le congrès de Vancouver n'est qu'une étape et il est beaucoup trop tôt, pour précipiter le pays dans une élection dont les Canadiens ne veulent pas.
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