Les mauvaises promesses de Jean Charest

Gouvernement Charest minoritaire

Le premier ministre Charest a une fâcheuse tendance à confondre la détermination et l'entêtement. C'est un défaut qui a largement contribué à son impopularité pendant son premier mandat.
C'est le même entêtement que le premier ministre manifeste en refusant de reculer sur sa promesse de fin de campagne électorale de réduire les impôts de 700 millions avec la marge de manoeuvre que lui procurait le budget fédéral.
À un premier niveau, M. Charest peut sembler faire preuve d'une certaine noblesse et voulant tenir parole et honorer ses engagements. Mais les devoirs et les obligations d'un premier ministre doivent se poser en termes moins simplistes.
L'intention de M. Charest soulève en fait deux interrogations. La première, disons-le crûment, c'est que la promesse électorale du Parti libéral était franchement bête. Jusqu'où un politicien a-t-il le devoir de défendre coûte que coûte une mauvaise idée? La seconde tient au fait que M. Charest dirige un gouvernement minoritaire. La faiblesse des appuis dont il dispose doit l'amener à réinterpréter le sens et la nature de son mandat.
M. Charest, au lendemain du budget fédéral, très généreux pour le Québec, a pris tout le monde par surprise. Il a alors annoncé que les surplus que permettaient de dégager une péréquation fédérale plus généreuse iraient en entier en baisses d'impôt: la réduction de l'impôt personnel annoncée dans le budget, 250 millions, passerait donc à 950 millions.
Personne n'a applaudi. La mesure ressemblait trop à une manoeuvre électorale improvisée. Un lapin que l'on sort du chapeau au dernier droit d'une campagne serrée. Au-delà de son opportunisme, cette promesse soulevait une foule de questions sur les priorités de l'État.
Il est vrai que les libéraux s'étaient engagés, en 2003, à réduire le fardeau fiscal, une promesse qu'ils n'avaient pas réussi à tenir. Mais ils auraient dû s'astreindre à la même discipline qu'ils se sont imposés pendant leur premier mandat, qui consiste à se demander si ces 700 millions ne seraient pas mieux utilisés ailleurs: une réserve pour tenir compte du contexte budgétaire serré, la réduction de la dette, l'éducation supérieure, ou l'élimination de la taxe sur le capital. Ce débat n'a pas eu lieu. Et jamais, ni dans le budget, qui était pourtant le coup d'envoi de la campagne, ni dans la plate-forme électorale, les libéraux n'ont évoqué l'idée que toute marge de manoeuvre irait à la réduction d'impôt.
Sans compter l'effet désastreux de cette manoeuvre sur les relations fédérales-provinciales. Ailleurs au Canada, surtout dans les provinces qui paient cette péréquation que reçoit le Québec, on a été indignés de voir M. Charest baisser les impôts des Québécois avec l'argent des autres. Ils ne l'oublieront pas. Le Québec en paiera le prix.
C'était une très mauvaise idée. Est-il intelligent ou admirable que le gouvernement libéral persiste et signe? Bien sûr, M. Charest veut respecter ses engagements. Mais envers qui? On ne peut certainement pas dire qu'il est porté en cela par une quelconque volonté populaire, puisque à peine 34% des électeurs ont choisi son parti, que cette promesse n'a pas suscité de réactions positives, qu'elle n'a pas non plus permis aux libéraux de remonter dans les sondages. Le chef libéral, au lendemain des élections, disait avoir compris le message des électeurs. Pourtant, en ne changeant pas d'idée, M. Charest n'écoute pas les Québécois, il s'écoute lui-même.
Le fait que le gouvernement soit minoritaire soulève une autre réflexion. M. Charest doit-il gouverner pour les électeurs qui ont choisi son parti ou doit-il prendre acte du verdict sévère à son endroit. Si tel est le cas, il ne peut pas ne pas savoir que les deux tiers des Québécois ont choisi des partis qui n'appuyaient pas cette mesure.
La morale de l'histoire, c'est que le gouvernement Charest entreprendra son second mandat dans l'adversité. Le dépôt du budget, qui sera aussi le baptême du feu pour la nouvelle ministre des Finances, Mme Monique Jérôme-Forget, promettait au départ d'être un moment difficile pour un gouvernement minoritaire aux prises avec deux partis d'opposition. Ce sera pire parce qu'il devra défendre une mesure pour laquelle il n'a pas vraiment d'appuis et qui ne suscite aucune forme d'enthousiasme dans la population. En outre, les libéraux, en engageant 700 millions de façon désinvolte, ont ouvert la porte à tous ceux qui voudront proposer d'autres façons d'utiliser cette somme. Un débat ingérable.
Bref, les libéraux de Jean Charest se retrouveront encore une fois seuls contre tous, isolés dans la défense d'une mesure impopulaire. Décidément, il y a des gens qui n'apprendront jamais.


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