Les ravages de la raison

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«Il aurait fallu que le gouvernement Couillard trouve une façon d'obtenir la légitimité dont il avait besoin». Il ne l'avait pas, et il ne l'a toujours pas.

Les libéraux ont perdu des plumes lors des quatre élections partielles de lundi. Bien sûr, ce n'est pas la catastrophe. Le gouvernement Couillard peut compter sur le même nombre de sièges à l'Assemblée nationale. Il peut se conforter du fait que la dynamique des élections partielles, avec leur faible taux de participation, ne préfigure pas le résultat des vraies élections, les générales.
Mais il n'en reste pas moins que PLQ n'a réussi à récolter que 23 % des suffrages exprimés dans les quatre circonscriptions, bien derrière les 33,8 % du PQ et les 31,5 % de la CAQ. Il y a là un message. Et même un très sérieux avertissement. Mais de quoi, au juste ?
Ces résultats, qui s'ajoutent à bien d'autres signaux, montrent qu'il y a un prix à payer pour un gouvernement qui ne carbure qu'à la raison.
Partout dans le monde, le profond mécontentement des citoyens à l'égard des gouvernements pousse les politiciens à écouter le peuple, à dialoguer avec lui, à vouloir refléter ses aspirations. À l'extrême, ça donne les courants populistes de droite à la Trump. Cette approche de l'écoute, on la trouve aussi dans le populisme soft de François Legault ou encore dans les efforts de Justin Trudeau pour comprendre les Canadiens et pour incarner leurs aspirations. Même Stephen Harper était très à l'écoute d'une partie de la population, sa base électorale.
À ce chapitre, le gouvernement Couillard est complètement à l'autre extrémité du spectre, à contre-courant, avec une conception du pouvoir où les grandes décisions se prennent de bas en haut, où la loi de la raison prime de façon très claire les exigences du dialogue et de l'écoute.
Cela tient en partie à la personnalité du premier ministre lui-même, un homme éminemment rationnel, peu porté aux épanchements, agacé par la frivolité du débat public. Ça tient aussi au contexte dans lequel Philippe Couillard a pris le pouvoir, qui l'a forcé à consacrer ses énergies à combattre un déséquilibre des finances publiques dont il ne soupçonnait pas la gravité.
Cela a eu deux conséquences concrètes. D'abord, le nouveau gouvernement a été forcé de se lancer dans des mesures qui ne pouvaient qu'être impopulaires. Ensuite, il s'est retrouvé à gouverner sans véritable mandat, parce que la campagne libérale ne portait pas sur l'austérité et que les électeurs n'avaient pas voté pour ça.
Dans ce contexte difficile, il aurait fallu que le gouvernement Couillard trouve une façon d'obtenir la légitimité dont il avait besoin.
Il l'a fait en invoquant la nécessité de son action, en développant un argumentaire logique pour justifier ses politiques, en se donnant une mission qu'il a lui-même définie et qu'il a imposée.
Mais cette démarche, que j'ai appuyée, n'a pas été suffisamment assortie d'efforts pour assurer son acceptabilité sociale. Pour les Québécois, avec leurs traditions politiques et leur réflexes, elle reposait sur la garantie que le retour à l'équilibre budgétaire n'affecterait pas les services, et encore moins ceux destinés aux populations vulnérables.
La logique de la raison a mené M. Couillard à confier ce mandat majeur à deux économistes sans expérience politique, Carlos Leitao aux Finances et Martin Coiteux au Trésor, ce qui a transformé le gouvernement Couillard en gouvernement de technocrates. Un contraste frappant avec le tandem du gouvernement Charest, Raymond Bachand et Michelle Courchesne. Il a manqué à ces deux technocrates la sensibilité que la tâche exigeait, mais aussi la tradition libérale centriste qui repose sur l'équilibre entre le social et l'économique. Résultat, ils ont fait ce qu'on leur a demandé, ils ont même plus coupé que nécessaire, mais ils ont cassé des oeufs.
La logique de la raison a mené à une deuxième erreur, celle de ne pas avoir prévu de mécanismes pour compenser l'absence de réflexes politiques du premier ministre et d'une partie de son équipe, pour sentir les problèmes, éviter les dérapages et pour réagir rapidement en cas d'erreurs. Avec une meilleure écoute, on aurait pu éviter, par exemple, l'énorme gaffe des coupes à l'éducation l'an dernier, ou encore ces dizaines d'histoires où des compressions stupides ont inutilement provoqué des crises. On l'a encore vu récemment dans le long silence du gouvernement dans l'histoire des femmes autochtones victimes de la Sûreté du Québec.
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