Dans une lettre d'opinion publiée il y a quelques jours ([«André Boisclair: un nouveau René Lévesque?»->1716], Le Devoir, 26 et 27 août 2006), un collègue, Simon Tremblay-Pepin, se permettait une attaque virulente contre André Boisclair, chef de l'opposition officielle, en dénonçant sa volonté de se construire une image à la hauteur de celle de René Lévesque.
Les affirmations de M. Tremblay-Pepin prenaient entre autres leurs assises dans la déclaration de M. Boisclair lors de son assermentation en tant que député, selon laquelle il voulait «constituer une équipe aussi talentueuse que celle que René Lévesque a dirigée lorsqu'il formait un premier gouvernement souverainiste, en 1976». Suivant l'air du temps, M. Tremblay-Pepin s'attaque directement à André Boisclair tout en évitant soigneusement de parler du Parti québécois tel qu'il apparaît à l'heure actuelle.
De l'image
Je le confesse : en octobre dernier, j'ai été, pour la première fois de ma vie, abstentionniste. Bien que membre du Parti québécois depuis plusieurs années, je n'ai pas exercé mon droit de vote lors de la course à la chefferie du parti. L'enveloppe contenant les informations sur la votation est restée plusieurs semaines sur mon bureau sans soulever en moi l'envie irrésistible de décrocher mon combiné et de choisir le messie québécois de ce début de siècle.
Ce n'est pas, vous en conviendrez, par manque de choix mais plutôt par conviction que j'ai refusé de voter. Le mouvement souverainiste ne tient pas à un chef de parti, qui n'est en définitive qu'un militant parmi des millions au Québec.
En accordant une telle importance à la personnalité de M. Boisclair, M. Tremblay-Pepin et plusieurs autres nous projettent directement dans l'analyse d'image, qu'ils disent exécrer chez cette même personne, plutôt que dans la véritable analyse politique. En faisant porter les aspirations de plusieurs dizaines de milliers de membres et de quelques millions de Québécois sur les seules épaules du chef du Parti québécois quel qu'il soit, ils rayent du coup toute individualité possible à l'intérieur du parti.
Le dernier référendum nous a prouvé l'inéquation entre le chef du PQ et le mouvement souverainiste alors que ce dernier a joué un rôle de second violon, laissant le pavé à un politicien fédéral.
Il reste cependant une vérité à laquelle nous ne pouvons échapper. Nous ne sommes plus dans le contexte de la fin des années 60. Aujourd'hui, dans la tête de l'électorat québécois, le Parti québécois demeure le vecteur de l'option souverainiste, et cette inclinaison ne risque pas de changer à court terme. Notre indépendance ne peut plus attendre.
Au demeurant, il incombe à chaque indépendantiste de faire son propre examen de conscience. Le plus important est-il la création du pays du Québec ou le parti et le chef qui nous y mèneront ?
Maigre choix
Il est temps d'élever le débat entre souverainistes à un niveau supérieur dépassant le simple reproche cosmétique. Le débat entre souverainistes et fédéralistes en sortirait gagnant lui aussi. Les élections à venir ne pourraient-elles pas être, pour une rare fois, des élections de contenu et de débats d'idées et non d'analyses purement publicitaires de l'image des chefs ? Après tout, la direction du parti ne semble être le point fort d'aucun des protagonistes des prochaines élections. Entre Jean Charest, André Boisclair, Mario Dumont et le toujours bicéphale et schizophrène parti Option citoyenne, le Québec se retrouve devant un choix plutôt maigre en fait de sauveur charismatique.
Le temps est tout indiqué pour recentrer notre attention sur les équipes qui forment ces partis, sur la composition de leur base militante et sur les programmes de nos formations politiques, mais surtout pour remettre sur les lèvres de tous nos politiciens la question nationale.
Le Québec indépendant n'est pas le pays d'un seul homme. Il est le résultat du travail conjugué de toutes les personnes qui aspirent à cet avenir pour la population québécoise. Ce n'est pas entre les mains d'un dauphin que René Lévesque a remis la tâche ardue de la création d'un pays au Québec mais entre celles de tous les Québécois. «Cessons nos luttes fratricides et unissons-nous», disait Honoré Mercier ?
Renaud Plante
_ Étudiant en sciences juridiques à l'Université du Québec à Montréal
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