Le courage de gouverner

Écoles privées - subventions - frais - décrochage

Des huit provinces canadiennes qui réussissent mieux que le Québec en matière de lutte au décrochage, c'est l'Ontario, que le ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, a pris en exemple en présentant son nouveau plan.
Il est vrai que le taux de décrochage y a diminué de façon spectaculaire au cours des dernières années, alors qu'il grimpait en flèche dans nos écoles. L'économiste Pierre Fortin calculait l'an dernier qu'il y avait 137 décrocheurs au Québec pour 100 décrocheurs dans la province voisine.
Curieusement, Mme Courchesne a omis de préciser que l'Ontario est aussi la seule province où l'État ne verse aucune subvention aux écoles privées, alors que le Québec est de loin celle où elles occupent la plus grande place dans le système d'éducation. Pourtant, à l'exception peut-être de Stephen Harper, personne ne croit que l'Ontario est sous la coupe d'une bande de dangereux idéologues de gauche.
Il y a quelques années (juillet 2003), j'avais été frappé par une lettre qu'une enseignante montréalaise, Christine Bellerose, avait fait paraître dans Le Devoir. Après avoir enseigné dans une école secondaire de la région de Toronto, elle avait profité d'une année sabbatique pour faire de la suppléance à Montréal. Le choc avait été brutal.
Alors que les écoles torontoises regroupent des élèves issus de tous les milieux socioéconomiques, avec des niveaux d'aptitude différents, les écoles publiques québécoises prennent des allures de ghetto.
«Il est étonnant de constater qu'au Québec, on condamne la médecine à deux vitesses, alors que l'école à deux vitesses y est acceptée et que l'écart entre ces deux vitesses semble s'élargir», écrivait Mme Bellerose.
Six ans plus tard, son constat n'a rien perdu de son actualité. Au contraire, l'exode vers le privé s'accélère, aussi bien au primaire qu'au secondaire, où le nombre d'élèves en difficulté a augmenté de plus de 30 % en quatre ans.
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Même si l'effort financier demeure limité, il y a des choses intéressantes dans le plan de lutte contre le décrochage de Mme Courchesne, comme il y en avait dans tous ceux que ses prédécesseurs ont présentés, sans le moindre résultat, depuis une vingtaine d'années.
En 1996, la Commission des États généraux sur l'éducation avait fixé à 85 % le taux de diplomation à atteindre en 2010, alors que le nouvel objectif est de 80 % en 2020, mais elle avait aussi recommandé un moratoire sur l'ouverture de nouvelles écoles privées et la diminution progressive des subventions versées par l'État.
Il est vrai que la question des subventions aux écoles privées est politiquement délicate. Il est certainement tentant de faire l'autruche, mais le décrochage est une véritable catastrophe qui nécessite des mesures extraordinaires.
S'il n'est pas réaliste de penser qu'un gouvernement pourrait couper complètement les vivres à l'école privée, il devient de plus en plus irresponsable de la laisser recruter systématiquement les meilleurs élèves, et de les expulser au moindre problème, pendant que l'école publique hérite de tous les cas lourds.
Bien sûr, la problématique du décrochage est plus complexe, mais les disparités socioéconomiques ne sont pas malheureusement à la veille de disparaître. L'école privée doit faire partie de la solution. Autrement, les plus beaux plans demeureront autant de coups d'épée dans l'eau.
Dans une texte publié récemment dans Le Devoir, Jean-Pierre Proulx, aujourd'hui retraité de la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal, proposait de «démocratiser l'enseignement privé», notamment en obligeant les établissements subventionnés à recevoir tous les élèves qui demandent à y être admis, en retour de quoi leurs subventions seraient augmentées. En revanche, les établissements qui refuseraient ce «contrat social» n'auraient droit à aucune subvention.
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À l'époque où elle était candidate à la succession de Bernard Landry, Pauline Marois promettait de forcer les écoles privées à ouvrir leurs portes aux élèves moins performants. Depuis qu'elle est devenue chef, elle évite systématiquement sujet. Le plus grand reproche qu'elle a fait au plan de Mme Courchesne était l'absence du premier ministre Charest lors de sa conférence de presse!
Dans une de ses récentes chroniques, Lise Payette écrivait ne plus reconnaître «sa» Pauline. Où était passée la femme «entreprenante et fonceuse» qu'elle avait connue? Peu importe le sujet, la chef du PQ a toujours l'air de marcher sur des oeufs, sauf lorsqu'il s'agit de réclamer une démission.
On a souvent reproché aux chefs péquistes de courir deux lièvres à la fois. Devant les militants, ils protestaient de leur inébranlable détermination à faire du Québec un État souverain, tout en assurant la population que l'objectif était d'abord de lui offrir un «bon gouvernement».
Aujourd'hui, on a l'impression que le PQ a tout simplement cessé de courir. Son nouveau «plan pour un Québec souverain» peut facilement être confondu avec la démarche autonomiste proposée par l'ADQ, et on voit mal en quoi la gestion péquiste serait très différente de celle des libéraux. Si la quête du pays exige de la détermination, le «bon gouvernement» demande du courage.


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