Études juives au cégep Marie-Victorin

La ministre de l'Éducation a agi sans savoir

Un lecteur-entre-les-lignes avisé....

Abraham Boyarsky - Au cours des 25 dernières années, avec l'aval du ministère de l'Éducation (MELS) et de plusieurs anciens ministres de l'éducation du Québec, le cégep Marie-Victorin (CMV) a offert des programmes collégiaux à la communauté juive qui, autrement, ne fréquenterait pas le système d'instruction publique. Quoi qu'il en soit, à compter de l'hiver prochain, il n'y aura plus de nouvelles admissions aux programmes, conformément à la décision politique prise par la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne.
Vendredi dernier, le 4 décembre 2009, la ministre a dit: «On ne peut pas accepter qu'un cégep soutenu avec des fonds publics aille aussi loin dans l'acceptation de contraintes liées aux religions. Ce qui n'est pas acceptable, c'est que l'on introduise dans le curriculum des éléments à caractère religieux.»
Quelles sont véritablement les contraintes reliées à la religion et quels sont les éléments, dans le curriculum, qui ont un caractère religieux? Si la ministre avait au moins donné à l'enquête un peu plus de temps et qu'elle n'avait pas agi avec autant d'impulsion, elle aurait sans doute appris qu'il n'y a absolument pas de contenu religieux dans les cours de TAV (Torah and Vocational Institute).
Mission de l'Institut
La mission de TAV est d'offrir des formations techniques pour une tranche de la société qui ne pourrait pas l'obtenir autrement. Tous les étudiants sont admis par le Cégep Marie-Victorin et sont des étudiants de ce cégep. Ils ne sont donc pas des étudiants de TAV. Tous les professeurs sont embauchés par le cégep et toute la supervision pédagogique et les contrôles sont effectués sous l'administration du collège.
Il n'y a absolument pas d'adaptation pédagogique de contenu basé sur la religion. Seul le calendrier est adapté à quelques journées de l'automne, et ce, sans aucune perte en heures d'enseignement dans la classe. En effet, dans tous les programmes d'attestations d'études collégiales (AEC) — qui constituent la très grande majorité des programmes à TAV —, le calendrier est normalement adapté pour que les programmes puissent débuter n'importe quand durant l'année scolaire.
De plus, les professeurs ne sont pas des rabbins. Ce ne sont que les professeurs les mieux qualifiés qui sont embauchés par le cégep, lequel base sa décision d'engagement sur des critères pédagogiques. Que la ministre soit mieux informée à partir d'aujourd'hui: les programmes ne sont pas financés comme dans des programmes de cégep public. Ils le sont à hauteur de 60 % du financement public. Pourtant, l'entente avec le cégep assure les mêmes responsabilités pédagogiques et les mêmes contrôles que nous retrouvons dans tout cégep public québécois.
Intégration de juifs marginalisés
Sur un budget annuel global pour l'éducation de 14,131 milliards pour 2009, un montant de 2,4 millions pour les programmes juifs a été alloué au cégep Marie-Victorin. Cela représente 0,017 % du budget (ce n'est effectivement pas un montant exorbitant) et beaucoup moins que ne peut représenter la proportion de population juive du Québec. Pour 800 étudiants qui reçoivent de la formation technique, cela se traduit par 3000 $ par étudiant par année, soit beaucoup moins que cela ne coûterait dans le secteur public. C'est tout une aubaine pour le Québec.
Si la ministre n'est pas au courant, les juifs paient leurs taxes personnelles et TVQ comme tous les autres citoyens du Québec et participent directement au financement du système de l'éducation au Québec pour tous les Québécois quand, dans les faits, ils se prévalent rarement du droit à se faire instruire aux ordres supérieurs. La mise en place de l'entente avec le cégep visait l'intégration de juifs marginalisés au sein de l'économie et de la société québécoise.
Quelles contraintes?
TAV constitue la voie pour se sortir du ghetto d'Outremont. Dix anciens ministres de l'Éducation (libéraux et péquistes confondus) avaient la sensibilité et étaient suffisamment avant-gardistes pour comprendre la complexité de la situation, mais la ministre actuelle a trouvé plus commode de faire des courbettes aux journalistes et à un certain segment déjà partial de la population du Québec pour ce vague et faux «on ne peut pas accepter qu'un cégep soutenu avec des fonds publics aille aussi loin dans l'acceptation de contraintes liées aux religions».
Je le répète, madame la ministre: quelles contraintes? Ou bien s'agit-il d'une excuse trop commode pour faire dérailler des programmes éducatifs permettant un meilleur avenir à autant de familles? Au lieu de cela, ils seront poussés encore plus profondément dans leurs ghettos, marginalisés par un gouvernement au profit du gain politique à court terme. Nous rappelons à la ministre que les juifs ont été des citoyens du Québec tout aussi loyaux que les personnes de langue française qui se sont établies ici.
Le gouvernement doit agir
Les affirmations de la ministre Courchesne réduisent de manière simpliste et grossière ce projet éducatif, qu'elle ignore complètement, tout comme elle ignore ce pour quoi ce programme, parrainé par le ministère de l'Éducation, a été lancé dès le départ.
Si le gouvernement veut vraiment promouvoir les idéaux de la diversité culturelle, il doit faire en sorte que tous les membres de la société aient accès à une formation qualifiante et à l'éducation. Quand il est démontré qu'un segment de la population a un accès réduit à ces services essentiels, le gouvernement doit agir. L'entente annulée entre TAV et le cégep Marie-Victorin répondait à ce problème d'une manière qui ne contrevenait pas au Règlement sur le régime des études collégiales.
Quand je lis certaines des réflexions publiées à la suite de l'affirmation de la ministre, diffusée par Radio-Canada en fin de semaine dernière, je suis peiné par les nuances antisémites que je retrouve en lisant bien entre les lignes. Pour une société qui se montre si fière d'être différente du reste du Canada et qui justifie son droit à la souveraineté en se basant sur ces différences, il n'y a pas de tolérance possible pour cette petite partie de sa propre population qui diffère d'elle.
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Abraham Boyarsky - Professeur de mathématiques à l'Université Concordia et directeur et fondateur de l'Institut TAV


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