La Constitution d’un Québec indépendant

L’exercice de rédaction et d’adoption d’une Constitution manifeste le premier et le plus important geste d’un pays indépendant.

Indépendance - le peuple québécois s'approche toujours davantage du but!


« Un peuple est également dit libre et l’on entend par là qu’il est uniquement gouverné par des lois qu’il s’est donné lui-même : il n’obéit alors jamais qu’à sa volonté propre. » - Schopenhauer
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L’exercice de rédaction et d’adoption d’une Constitution manifeste le premier et le plus important geste d’un pays indépendant. Un peuple y exprime ses valeurs, ses principes et affirme ainsi son indépendance. Bien rédigée, une Constitution peut durer des siècles et continuer à assurer le développement du peuple qui se l’est donnée. Elle doit rassembler une majorité substantielle de la population sans quoi elle sera constamment changée et deviendra alors un handicap au développement du pays qui l’a adoptée. Les Américains ont adopté leur Constitution avant la révolution française et l’ont encore aujourd’hui. Inutile de gloser sur le développement des États-Unis depuis deux siècles. Durant la même période, la France a connu cinq républiques, des empires, même des restaurations monarchiques, et est passée du premier rang de puissance continentale européenne à celui qu’elle occupe aujourd’hui. L’instabilité politique n’explique pas tout, mais elle a son prix. Il ne faut donc pas prendre à la légère cet exercice.
Je compte présenter ce qui est particulier au Québec, et qui devra se refléter dans sa Constitution, des exemples de ce qui a été bien ou mal fait ailleurs, et finalement, comment nous devrions procéder.
Tout d’abord, comme une Constitution manifeste notre liberté, si un référendum n’avait pas encore eu lieu au moment de l’adopter, il faudrait que la Constitution affirme clairement qu’elle est l’expression et la confirmation de la volonté de liberté du peuple québécois. J’ai déjà écrit qu’on ne devrait pas tenir de référendum à moins de garanties allant jusqu’à une Loi du Parlement fédéral l’obligeant à respecter la loi référendaire du Québec. À défaut d’un tel engagement et compte tenu du comportement passé du gouvernement fédéral, l’Assemblée nationale devra procéder unilatéralement et faire ratifier son geste après coup. Le parti au pouvoir devra avoir été clairement mandaté pour ce faire, mais avec un mandat clair, l’Assemblée nationale a la légitimité et le droit de son côté. J’ai aussi donné un exemple de négociations que nous pourrions tenir avec le fédéral au cours du processus d’élaboration de la Constitution.
Comme une Constitution est inimaginable sans charte, une attention particulière devra être apportée à la nôtre. J’y reviendrai, mais il me semble que la prépondérance du Français par rapport à la liberté d’expression sera un enjeu majeur. Un autre enjeu moins discuté, mais important lui aussi, concerne la place des régions. Sans faire comme les Américains, qui ont un régime à deux chambres dont l’une représente les états indépendamment de leur population, il va nous falloir faire quelque chose pour assurer une représentation régionale qui fait cruellement défaut à notre système actuel. D’autres sujets font aussi partie de la liste : égalité des hommes et des femmes, laïcité vs respect de tous les cultes. En ce qui concerne le reste des items d’une constitution et d’une charte, ils sont assez bien connus pour que je ne m’y attarde pas trop.
L’expérience de nombreux peuples devrait nous aider. Sans faire comme les Américains qui en ont discuté dix ans, il faudra discuter et trancher tous les thèmes qui font partie de notre vouloir vivre ensemble. Ils ne bénéficiaient pas de nos moyens de communications ni de l’expérience accumulée par de nombreux peuples, mais pour nous c’est différent, et nous devrions pouvoir réaliser l’exercice plus vite qu’eux (ils ont mis dix ans) et tout aussi bien. Il ne faut quand même pas aller trop vite. Le Grand Œuvre de Trudeau a été finalisé en une journée et une nuit de pizzas et de grosses bières. Ses grands objectifs étaient d’incorporer une charte à la Constitution et de pouvoir l’amender. Comble d’ironie, elle est inamendable, et une juridiction provinciale ou le fédéral lui-même peut « nonobster » sa charte, ce qui la rend inopérante. Ce qui fait que les successeurs de Trudeau ont sauté à pieds joints sur Stephen Harper quand il a voulu utiliser la clause nonobstant. Même si elle fait partie intégrante du Grand Œuvre, il fallait voir les ténors libéraux qui considèrent par ailleurs cette Constitution comme une des merveilles du monde protester à qui mieux mieux contre l’utilisation d’une de ses clauses. Tout un gâchis ! Plus près de nous encore, M. Lévesque lui-même avait fait adopter sans trop de discussions ou de réflexion une charte des droits qui a servi ensuite de base aux premiers assauts contre la Loi 101.
Deux conclusions se dégagent de ces épisodes. Il faut prendre le temps qu’il faut pour discuter de ces questions. Ensuite, il ne faut pas les laisser entre les mains de politiciens qui sont dans le feu de l’action partisane; ils veulent des résultats rapides sans égard à la qualité de ce qu’ils produisent. Il faudrait plutôt laisser ces discussions à une Constituante composée de philosophes, d’historiens, d’écrivains, enfin des intellectuels qui savent ce qu’ils font. Plusieurs Québécois peuvent faire du bon travail pour peu qu’on les mandate soigneusement. Le rôle du gouvernement devrait se borner à nommer la Constituante et à la mandater. Je ne crois pas qu’un tel exercice de rédaction devrait durer en tout plus de trois ans.
Voilà qui met un terme à ce qui pourrait être une stratégie d’accession à l’indépendance. Il faut un gouvernement clairement mandaté par la population pour la réaliser. Il ne doit pas s’enfarger avant le début avec des obligations référendaires qui tournent à l’obsession sans vraiment servir la démocratie. Il devra nommer et mandater une Constituante et négocier la cession des pouvoirs avec le fédéral. Il faut du courage politique pour se présenter et se faire élire avec un tel programme, avant, pendant et après les élections, mais l’indépendance du Québec est à ce prix et elle le vaut bien.
Louis Champagne, ing.
Schopenhauer in "Les deux problèmes fondamentaux de l’éthique", trad. Christian Sommer, éd. Gallimard 2009


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    2 septembre 2010

    Bonjour M. Champagne.
    Concernant un projet de constitution pour le Québec, je me permet de vous signaler ma contribution au sujet. Il s'agit d'un projet de société novateur et complet. Il s'agit bien entendu d'un projet pensé par un philosophe, projet qui devrait être présenté au peuple de façon officielle.
    Voici un lien sur Vigile qui en résume la portée:
    http://www.vigile.net/La-Loi-Constitutionnelle-de-l-Etat,21745
    Si vous voulez m'écrire, n'hésitez pas à le faire.
    Merci.
    Jocelyn Parent.
    jocelyn.parent.1642@hotmail.fr