L'esprit universel du sport

Chronique de Bernard Desgagné

Le sport est censé être entre autres un moyen de rapprocher les peuples. Le soccer en particulier est un sport simple, qui nécessite peu d'équipement et qui est pratiqué partout sur terre. Au Québec et à bien d'autres endroits dans le monde, le soccer est un dénominateur commun. Nos soeurs et nos frères néoquébécois ont apporté avec eux une passion pour le ballon rond qu'ils nous ont communiquée. Ils nous ont éblouis et séduits. Lorsque nous rangeons nos bâtons de hockey et nos skis, nous avons désormais un beau sport collectif pour nous tenir actifs.
Je suis entraineur bénévole de soccer. J'ai aussi été pendant dix ans professeur d'éducation physique. Le sport me passionne, et les sportifs aussi. Sans être un arbitre moi-même, ni un grand expert des règles de la FIFA, je connais bien l'esprit qui anime les règles du soccer et qui permet à ce sport d'être pratiqué par les grands comme les petits, les hommes et les femmes, les jeunes et les moins jeunes. En outre, j'ai toujours eu la conviction profonde que, dans une équipe, dans un club ou dans un groupe plus ou moins organisé, tous doivent avoir une chance égale de jouer et de se faire valoir. Le bon joueur parait bien, mais le grand joueur fait bien paraitre les autres.
Pendant de nombreuses années, au sein de mon club de soccer, l'Association de soccer de Hull, je me suis efforcé de donner une chance égale de jouer aux jeunes qui m'ont été confiés. Je les ai aidés à trouver en eux des ressources insoupçonnées. Je leur ai permis de prendre confiance en eux. Je n'ai pas toujours réussi. J'ai bien sûr vu des jeunes pleurer, mais j'ai l'impression d'avoir fait une oeuvre utile dans l'ensemble. J'ai vécu des moments de bonheur, dans la victoire et même parfois dans la défaite, et j'ose croire que les jeunes que j'ai côtoyés en garderont des souvenirs impérissables, une formation qui leur sera utile la vie durant et un amour du beau jeu.
En tant qu'entraineur, j'ai toujours eu l'impression d'être comme un cuisinier occupé à préparer plusieurs plats en même temps, certains nécessitant un feu vif, d'autres une cuisson lente et chacun représentant une combinaison particulière d'ingrédients principaux et d'assaisonnements. Pour atteindre son plein potentiel, chaque joueur nécessite une attention particulière. Il n'y a pas de recette universelle. Chacun apporte avec lui son bagage héréditaire, son vécu et même son bagage culturel. On ne peut pas dissocier le joueur de la personne.
Ainsi, une fillette de 11 ans qui joue au soccer et qui vient d'une famille musulmane ne peut pas, du jour au lendemain, faire totalement abstraction de son milieu d'origine. On ne peut pas l'obliger de choisir entre sa famille et le sport. Surtout lorsque le prétexte pour exclure la petite est un simple foulard bien serré sur la tête qui ne présente pas vraiment de danger pour personne, contrairement aux bijoux, par exemple. On ne peut pas non plus condamner des parents désireux de donner à leur fille l'occasion de s'intégrer pleinement à la société et de faire du sport comme les autres filles et les autres garçons de son âge, sous prétexte qu'ils ont des convictions religieuses profondes qui ne sont pas celles d'autres personnes, mais qui ne sont certes pas moins acceptables que le laisser-aller vestimentaire caractérisant parfois notre société laïque et égalitaire, dont la sexualisation sans retenue peut paraitre incompatible avec le principe de l'égalité des sexes.
L'objectif de donner à chaque enfant la possibilité de jouer devrait, dans des circonstances telles que le tournoi qui avait lieu à Laval dernièrement, l'emporter nettement sur une certaine interprétation très restrictive, et même sans doute excessive, des règles du jeu. À titre de comparaison, signalons qu'il est permis de porter des lunettes au soccer, même si le joueur qui reçoit un ballon en plein visage risque d'être coupé. J'admire l'entraineur de la jeune joueuse d'avoir eu le courage de retirer son équipe du tournoi et d'avoir donné ainsi à ses joueuses une belle leçon de solidarité.
Quelle que soit la décision des autorités mondiales du soccer concernant le port d'un foulard sur la tête par les joueurs, il est faux de prétendre que cette décision devrait nécessairement s'appliquer au cas d'une jeune joueuse de 11 ans dans une compétition qui n'a rien d'élitiste. Les règles de la FIFA sont largement adaptées pour les jeunes joueurs. On réduit les dimensions du terrain, le nombre de joueurs, la taille des buts et la taille du ballon. On n'applique pas la règle du hors-jeu. On tolère un peu plus les contacts des mains avec le ballon parce qu'on les juge plus souvent involontaires. Donc, on pourrait très bien tolérer le foulard serré sur la tête parmi la masse des jeunes joueurs tout en l'interdisant au plus haut niveau.
Je souhaite que le Québec se sente davantage pénétré par l'esprit universel du sport et qu'il fasse preuve de sa générosité habituelle. Nous serons plus riches en fin de compte si nous permettons à tous les joueurs de prendre pleinement part au jeu, qu'il s'agisse du sport ou de la vie en général.
Bernard Desgagné

Gatineau, Québec


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    10 avril 2007

    Je me suis retrouvé sur cette page par hasard, et j'ai décidé de lire votre article parce que je suis moi-même un entraineur
    au soccer. En fait, j'étais, puisque après dix ans je me retire du soccer, du moins pour quelque temps.
    Si je vous écris, c'est pour vous montrer mon appréciation au sujet de votre article. Je viens de passer quelque belle minute
    à vous lire et mon seul regret est de ne pouvoir écrire de ci belle façon. Vous reflétez ma vision du sport comme entraîneur et je tenais simplement a vous l'écrire.
    Bravo. J'endosse sur toute la ligne.