La démocratie est fondée sur la primauté du droit et l'exercice des droits de l'homme. Dans un État démocratique, nul n'est au-dessus de la loi et tous les citoyens sont égaux devant elle. — Extrait de la Déclaration universelle sur la démocratie de l'Union interparlementaire (1997)
Lorsque, à la fin de 2016, Mario Beaulieu a proposé à Martine Ouellet de poser sa candidature pour devenir cheffe du Bloc Québécois, il savait que le poste de chef de ce parti n'avait aucune existence légale et que seul le poste de président existait vraiment. Un an et demi auparavant, le 1er juillet 2015, lui et Gilles Duceppe avaient fait modifier illégalement les statuts et règlements du parti, au cours d'une réunion tenue à Nicolet, afin de créer le poste fictif qui a permis à Duceppe, coiffé de son bonnet de faux chef, de faire la tournée des plateaux de télévision pendant la dernière campagne électorale fédérale. Le 19 octobre 2015, sous la direction conjointe de Duceppe et Beaulieu, le Bloc a obtenu au Québec son pourcentage de voix le plus faible depuis sa création, soit 19 %.
En tant que président du parti, Beaulieu s'est arrangé pour que le procès-verbal de la réunion de Nicolet ne soit jamais adopté ni communiqué aux membres, qui n'y ont vu que du feu et qui ont cru que le poste de chef avait réellement été créé en toute légalité. Moi le premier. Malheureusement pour Beaulieu, j'ai réussi, en juin 2018, à obtenir le fameux procès-verbal, puis j'ai pris le temps de bien lire les statuts et règlements et de demander quelques avis juridiques.
Beaulieu et Duceppe unis dans la délinquance
On découvre, dans le procès-verbal de la réunion de Nicolet, que la proposition de modifier les statuts et règlements a été faite par les circonscriptions de Luc Thériault et Monique Pauzé, deux futurs députés qui, avec Rhéal Fortin, allaient sauter à la gorge de Martine Ouellet un an et demi plus tard, en mars 2017, lors de son entrée en fonction comme «cheffe». Quand on consulte le site de l'Assemblée nationale, on constate, dans la biographie de Luc Thériault, qu'il a été conseiller spécial de Beaulieu en 2014 et en 2015, alors que ce dernier venait d'accéder à la présidence du Bloc Québécois.
Donc, le conseiller spécial de Beaulieu l'aide à violer les statuts et règlements et à tromper les membres, puis devient l'un des principaux agents provocateurs au sein du caucus du Bloc Québécois pour miner le travail de Martine Ouellet. Beaulieu veut-il encore nous faire croire qu'il n'y était pour rien?
Martine Ouellet a non seulement été trahie par Beaulieu au printemps 2018, mais elle a été bernée par lui un an et demi auparavant. Elle a cru qu'elle pouvait compter sur lui alors que, dès 2016, il cherchait manifestement à l'attirer dans un traquenard. Il savait que son ami Thériault et ses collègues Pauzé et Fortin attendaient la future «cheffe» avec une brique et un fanal.
Le 6 février 2017, 19 mois après la réunion de Nicolet, Beaulieu a fait mettre dans le site Web du Bloc la version illégalement modifiée des statuts et règlements, à l'aube de la course à la «chefferie» du parti, pour faire croire à la candidate nouvellement déclarée que le poste de chef existait bel et bien. Pourtant, en mai 2014, à Rimouski, les quelque 500 délégués du Congrès national, «instance suprême» du Bloc Québécois (article 6.1) et «seule instance habilitée à adopter et à modifier les statuts» (article 6.5), avaient explicitement rejeté la proposition de créer un poste de chef en plus de celui de président. À ce que je sache, Beaulieu n'en a jamais informé Martine Ouellet, qui n'a jamais vu le procès-verbal de mai 2014, ni celui de juillet 2015, ni la version valide des statuts et règlements dument adoptée par le Congrès national.
La prétendue modification des statuts et règlements opérée à Nicolet, en juillet 2015, par un groupe restreint de personnes, dont la plupart avaient été tenues dans l'ignorance de la proposition qui allait leur être faite, était non seulement illégale, mais elle était un affront à la démocratie et une manifestation de mépris envers les membres. La modification n'a jamais été avalisée par le Congrès national puisque celui-ci ne s'est jamais réuni depuis 2014. Et, de toute manière, personne n'a le droit de modifier les statuts et règlements du Bloc, puis de mettre le Congrès national devant le fait accompli. Ce serait l'équivalent d'un gouvernement qui change les lois à sa guise, puis force la main du Parlement pour cautionner ses actions.
De surcroit, Beaulieu, Duceppe et le président d'assemblée, Pierre Bouchard, ont commis un abus de confiance à l'endroit des délégués réunis à Nicolet en laissant entendre que la modification était légale. Comment en douter quand on n'est qu'un simple militant et qu'on n'a pas immédiatement accès à un avocat pour interpréter les statuts et règlements? Comment s'opposer à une proposition présentée comme la solution urgente aux mauvais résultats du Bloc dans les sondages?
Mais à Nicolet, en 2015, le jour de la fête du Dominion of Canada, Beaulieu et Duceppe n'allaient pas s'arrêter en si bon chemin. Tant qu'à bafouer la démocratie, aussi bien le faire deux fois plutôt qu'une. Alors que Beaulieu et Duceppe venaient de faire adopter une disposition qui, quoiqu'illégale, prévoyait l'élection du chef au suffrage universel des membres, Beaulieu s'est précipité au micro pour proposer aux personnes présentes que son ami Duceppe soit sacré chef séance tenante. Au diable le Congrès national! Au diable la démocratie et les membres!
Certains ont qualifié Beaulieu de traitre. D'autres disent que c'est un simple d'esprit. Pour ma part, je dirais plutôt que c'est un manipulateur de grand talent. Lui et Duceppe sont les principaux instigateurs de l'aventure malheureuse de Martine Ouellet à la tête du Bloc Québécois.
J'ai, moi aussi, longtemps été berné par Beaulieu et son entourage, qui jouaient les victimes impuissantes d'un «putsch» supposément orchestré par Duceppe. Ce n'est que dernièrement que j'ai pu comprendre la colossale supercherie dont les membres du Bloc Québécois et le public en général ont été victimes, avec la complicité des médias, qui portent aussi une responsabilité très lourde dans cette affaire pour avoir fait mine de ne rien voir des grossières manigances de Beaulieu et Duceppe tandis que, quelques mois plus tard, ils allaient claironner sur toutes leurs tribunes le moindre cancan sur Martine Ouellet.
Beaulieu regarde Duceppe transformer le Bloc
Les violations des statuts et règlements se sont poursuivies après les élections fédérales de 2015. D'abord, malgré qu’il venait de perdre lamentablement dans la circonscription de Laurier-Sainte-Marie, sans gêne, le monarque déchu Duceppe s’autorisa lui-même à désigner son successeur. Rhéal Fortin est alors devenu «chef intérimaire».
Beaulieu, qui avait été élu député et qui était toujours président, a préféré regarder impassiblement son ami Duceppe jouer au dictateur plutôt que d'assurer l'intérim à la «chefferie» comme le prévoyaient les dispositions adoptées à Nicolet, dont il s'était fait le champion. Plus tard, les propagandistes de Beaulieu nous raconteront, en versant des larmes de crocodile, que le pauvre député et président était impuissant devant la magnificence de Duceppe.
Ensuite, avant de quitter son trône, Duceppe a fait un dernier cadeau au Bloc. Il a désigné quelques-uns de ses fidèles pour former le personnel des députés nouvellement élus. Des gens comme Luc Rochefort, responsable de la procédure parlementaire, et Marc-André Roche, responsable des dossiers de relations internationales.
Dès lors, la machine parlementaire du Bloc Québécois était solidement reprise en main par l'équipe de l'ère Duceppe, qui allait pouvoir combattre les indépendantistes depuis l'intérieur du parti, y compris Martine Ouellet. Encore une fois, Beaulieu a assisté à la scène comme si on lui avait mis une camisole de force. La différence est tellement frappante entre le Beaulieu qui se prosterne humblement devant le perdant Duceppe et le Beaulieu qui réclame énergiquement le départ de Martine Ouellet qu'on a l'impression d'avoir affaire à un acteur jouant successivement deux rôles distincts dans un mauvais scénario.
Beaulieu avait été élu président du Bloc en 2014 grâce au travail d'énergiques militants indépendantistes qui ont fait confiance à celui qui s’affichait comme un redoutable chevalier de l’indépendance, mais, en quelques mois, il avait redonné le parti qu'il dirigeait aux partisans de l'amélioration de la fédération canadienne.
Acte trois
Nous en sommes à l'acte trois du plan Beaulieu. Après le retour de Duceppe et de ses duceppiens, puis la stigmatisation de Martine Ouellet, Beaulieu est désormais affairé à remplacer le cadre juridique et le programme du Bloc Québécois pour les vider de toute substance indépendantiste, ce qui doit assurément plaire à Ottawa. Le Bloc doit redevenir le parti qui rassemble les indépendantistes pour les faire tourner en rond. Une sorte d'attrape-nigaud pour militants désœuvrés.
Toutefois, supposons un instant que Beaulieu est effectivement un simple d'esprit comme certains le pensent. Nous savons qu'il est psychologue et qu'il a particulièrement étudié la psychologie sociale, science de la manipulation des masses, mais prenons comme hypothèse qu'il a reçu un violent coup à la tête un moment donné et que cet accident l'a rendu amnésique.
Dans notre nouvel univers fantaisiste, Beaulieu n'a jamais voulu tromper les membres en modifiant illégalement les statuts et règlements du Bloc Québécois. Il n'a jamais mis sur pied un centre d'appel dans sa maison pour orchestrer le départ de Martine Ouellet. Mettons que ce qui s'est produit n'est pas sa faute, qu'il est trop naïf ou incompétent pour s'en être aperçu et qu'il est malgré tout un indépendantiste sincère.
Si ce raisonnement était logique, Beaulieu n'aurait pas magouillé pendant tout l'été 2018 pour évincer des indépendantistes des instances du Bloc Québécois avec le personnel rémunéré par la Chambre des communes. Le 18 aout dernier, il n'aurait pas paqueté le Conseil général du parti pour répudier la proposition principale, un solide document intitulé Pour faire du Québec une république. Il n'aurait pas organisé l'adoption sans débat d'un projet de «refondation» qui prévoit remplacer les statuts et règlements du Bloc, y compris l'excellente déclaration de principes, par la coquille vide des mutins de Québec debout.
Et surtout, après avoir reçu une mise en demeure lui décrivant clairement les transgressions des droits démocratiques des membres auxquelles il a présidé depuis 2015, il n'aurait pas trompé l'assemblée avec un extrait falsifié de l'article 7.1 des statuts et règlements dans le but de les violer encore, à trois reprises:
- organiser inutilement une course à la chefferie qui occasionnera des dépenses, alors que les coffres du parti se vident rapidement, que le poste de chef n'a aucune existence légale et que le Bloc a déjà un président, Beaulieu lui-même, considéré comme le chef par Élections Canada;
- faire nommer un nouveau président du parti qui lui est fidèle par le Conseil général plutôt que de laisser le vice-président assurer l'intérim (article 11.5) pendant que le Bureau national convoque au moment opportun une élection à la présidence tenue au suffrage universel des membres (articles 10.3 et 10.5);
- élargir illégalement la composition du Bureau national en lui ajoutant un quatorzième membre avec droit de vote, c'est-à-dire Beaulieu lui-même, nouvellement affublé du titre de «chef intérimaire» (articles 6.5 et 9.9).
Tandis que les médias présentent Beaulieu comme un sauveur dont la mission altruiste serait de recréer le Bloc Québécois, sorte de phénix renaissant de ses cendres après le bucher, lui et ses sbires, apôtres de l'unité des indépendantistes dans la dictature et l'intimidation, poursuivent leur sabotage méthodique du parti. Ils se moquent des membres et du public. Ils renient l'attachement aux valeurs démocratiques du Bloc Québécois qui est énoncé en toutes lettres dans sa déclaration de principes. Ils «refondent» le parti et lui donnent un nouveau «chef» à quelques mois des élections fédérales, dans une manoeuvre suicidaire qui fait sans doute le bonheur des autres partis politiques fédéraux. Trudeau doit être mort de rire.
Et dire qu'il y a un an, Martine Ouellet avait fait gagner 10 points de pourcentage au Bloc Québécois dans les sondages, ce qui laissait présager l'élection d'au moins une vingtaine de députés. La campagne de financement du Bloc donnait des résultats formidables. Manifestement, au-delà de l'électoralisme et du carriérisme, d'autres motifs savamment occultés ont incité certains députés à saborder le navire.
Qui sont réellement Beaulieu et Duceppe?
Si vous voulez mon avis, Beaulieu, Duceppe et leurs acolytes ont drôlement l'air d'avoir les mêmes objectifs qu'Ottawa, qui fait secrètement la guerre depuis longtemps au mouvement indépendantiste québécois et qui a certainement intérêt à empêcher l'élection de véritables indépendantistes au Parlement fédéral.
Pendant que Beaulieu et Duceppe se livraient à leur purge du Bloc Québécois en trois temps, pour en extirper les indépendantistes, les décourager et salir la réputation de Martine Ouellet, l'une des plus efficaces porte-parole du mouvement, ils ont bénéficié d'une complaisance extrême des médias, qui ont complètement fermé les yeux sur les violations flagrantes, répétitives et antidémocratiques des statuts et règlements et des droits des membres, tandis que des troupes de choc journalistiques se livraient au lynchage de la vaillante Martine Ouellet.
Après la frousse du référendum volé de 1995, pensez-vous vraiment qu'Ottawa n'a rien trouvé de mieux à faire que de payer des agences de publicité pour coller des drapeaux du Canada partout? Ce serait sous-estimer grandement nos adversaires que de croire une chose pareille. En fait, on connait très bien, à Ottawa, les vertus de l'imposture. Lever le poing en l'air et scander «vive la liberté, vive l'indépendance» suffit pour que beaucoup d'indépendantistes perdent totalement leur sens critique devant un intrigant comme Beaulieu.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
3 commentaires
Claude Richard Répondre
3 septembre 2018Chiquage de guenille. Quel but poursuit B. Desgagné? Faire tomber le Bloc en dénigrant Mario Beaulieu? Une fois ce but atteint, on recommence l'aventure de Martine Ouellet, avec l'intéressée ou un(e) autre? Avec quel résultat prévisible? Le même qu'on a connu récemment à n'en pas douter.
D'accord, Mario Beaulieu n'est pas un ange. Son parcours est souvent louvoyant. Ses intuitions ne sont pas toujours géniales. Il prend parfois des raccourcis avec les statuts. Cela fait-il de lui un gros méchant, un ennemi de l'indépendance? Quand même, ne perdons pas le Nord!
Beaulieu cherche le moyen de faire avancer la cause. Il a cru une première fois qu'en radicalisant le Bloc, la ferveur reviendrait... et les électeurs avec elle. Il a dû faire marche arrière et faire appel à Gilles Duceppe en marchant sur son orgueuil. Après l'élection qui a sauvé quelques meubles, la tentation l'a de nouveau repris d'injecter au parti une dose d'adrénaline en allant chercher Martine Ouellet. Ce n'était pas la bonne personne et Beaulieu a fini par s'en apercevoir après le schisme. Il est de nouveau retombé sur ses pattes et il essaie maintenant de recoller les différents morceaux du Bloc.
Alors qu'au moins trois des dissidents restants s'apprêtent à rentrer au bercail, est-ce le temps de brouiller à nouveau les cartes en tirant à boulets rouges sur Mario Beaulieu et en encourageant les dissensions? Il faut à un moment donné oublier ses rancoeurs et aller dans le sens de l'unité si on veut avancer. On appelle cela le réalisme. La politique du pire a souvent échoué chez les indépendantistes.
André Lemay Répondre
1 septembre 2018Vous écrivez : " Une sorte d'attrappe nigaud pour militants désoeuvré".
N'est--ce pas la raison fondamentale de sa création par Lulu, son mentor, sur "inspiration" de mononc Paul?
Utiliser la fièvre nationaliste pour mieux l'endiguer!
Une opinion, comme ça. On jase là.
Gilles Gauthier Répondre
31 août 2018Un nettoyage au Bloc serait essentiel, Beaulieu (les 7) sont en voient de se procurer un parti politique de façon malhonnête, ils doivent être mis à la porte sur le champs.