Mario Beaulieu est-il un pion d'Ottawa?
12 septembre 2018
Merci, Monsieur Lafrenaie, de réagir à mon article, «Beaulieu l'intrigant», et de nous donner votre point de vue. J'ai longtemps cru, moi aussi, les explications de Mario Beaulieu concernant la campagne électorale de 2015 et ses suites. Mais force est d'admettre que ces explications sont cousues de fil blanc.
Beaulieu dit à qui veut l'entendre qu'il a été obligé de «s'écraser» devant Duceppe et son entourage. Mais quand on lui demande pourquoi, il n'a pas de réponse valable à donner. Il était président du Bloc Québécois et il avait à son service des militants dévoués, moi le premier. Il avait remporté l'élection dans sa circonscription, tandis que Duceppe avait été battu. Quelles ont été exactement les méthodes employées par Duceppe pour obliger Beaulieu à se prosterner devant lui et à ne pas exercer ses prérogatives de président? Comment Beaulieu a-t-il pu accepter que Duceppe le perdant nomme Rhéal Fortin «chef intérimaire» et qu'il choisisse le personnel des députés? Je pense que, si vous posez la question, vous verrez, comme moi, que la réponse n'est pas claire du tout.
Pour ce qui est de vos observations concernant l'arrivée de Mario Beaulieu au Bloc Québécois en 2014, avec l'appui des militants indépendantistes les plus convaincus, dont je fais partie — je suis parmi ceux qui ont aidé Beaulieu à recueillir à toute vitesse les signatures dont il avait besoin —, je vous dirais que cette arrivée peut s'expliquer selon la logique d'Ottawa.
Fort de sa réputation d'indépendantiste «pur et dur» — c'est le propre des agents du SCRS de se montrer plus catholiques que le pape pour gagner la confiance de ceux qu'ils vont finir par manipuler, et nous en avons eu de nombreux exemples dans le passé (voir Produire la menace d'Alexandre Popovic) —, Beaulieu était l'homme de la situation pour empêcher des indépendantistes sincères et intelligents de prendre les commandes du Bloc Québécois, où l'influence des Duceppiens était grandement amoindrie depuis le retentissant échec de 2011.
André Bellavance était le seul candidat à la présidence du Bloc Québécois, en 2014, avant l'arrivée de Beaulieu. Il risquait d'être désavoué par ses propres troupes tellement les militants du Bloc avaient soif de discours indépendantistes après la sécheresse des années Duceppe. Ottawa ne pouvait plus compter sur une armée d'employés de député bloquiste sélectionnés par Duceppe pour mettre la bride aux militants. En outre, André Bellavance, Jean-François Fortin et cie étaient sans doute des disciples de Duceppe, mais certainement pas d'habiles manipulateurs. Le charisme et la crédibilité leur faisaient cruellement défaut.
Bref, du point de vue des marionnettistes à Ottawa et de leurs serviteurs médiatiques, il faut trouver un moyen de tenir les vrais indépendantistes en laisse et les empêcher de se faire élire en trop grand nombre au Parlement d'Ottawa, ce qui poserait un sérieux problème aux tenants du régime fédéral. Imaginons ce qui se produirait si, à titre de membre du Comité de la sécurité publique, un député vraiment indépendantiste avait accès à de l'information compromettante à propos des activités secrètes du SCRS sur la scène politique, notamment au sein du mouvement indépendantiste.
Le Bloc Québécois peut être utile au contrôle fédéral des indépendantistes, à condition de ne pas le laisser tomber entre les mains d'une équipe comme celle de Martine Ouellet, qui échappe totalement à l'emprise d'Ottawa. Il faut «encadrer» les militants avec un chef qui leur inspire confiance par ses propos et son image, mais qui reste sagement dans l'enclos quand vient le temps d'agir et qui s'entoure d'employés manipulables ou serviles. Mario a servi d'appât pour prendre beaucoup de poissons dans le filet, les endormir et préparer le retour de Duceppe et de ses acolytes, qui ont su régler rapidement le sort de Martine Ouellet avec l'aide de leurs amis des médias.