Jouer l'homme

L'affaire Arcand

Mario Dumont ne l'avouera jamais, mais il est ravi d'avoir été pris pour cible par le nouveau champion de la gaffe au PLQ.
N'eût été cet incident, l'ADQ aurait eu bien du mal à trouver son chemin jusqu'aux bulletins de nouvelles au cours des derniers jours. En nuançant simplement du bout des lèvres la sottise de Pierre Arcand, le premier ministre Jean Charest a même permis à M. Dumont d'étirer la sauce.
Contrairement à ses adversaires, M. Dumont n'avait pas de vedettes à présenter cette semaine. Jeudi, il a dû accorder une entrevue à La Presse pour redonner de l'intérêt à sa plate-forme, dont plus personne ne parlait depuis qu'elle avait été rendue publique, en décembre. Pour un parti qui n'avait pas les moyens d'investir le moindre sou dans une précampagne, la sortie de M. Arcand a été une véritable aubaine.
Certes, il ne serait agréable pour personne d'être comparé à un homme aussi détestable que Jean-Marie Le Pen, mais l'analogie était si grotesque qu'elle ne peut pas vraiment faire de tort au chef de l'ADQ. Les Québécois connaissent M. Dumont depuis trop longtemps, avec ses qualités et ses défauts, pour voir en lui un raciste. M. Arcand a même réussi à transformer en victime le démagogue qu'il est bel et bien.
L'ancien président de Corus est gras dur dans sa circonscription de Mont-Royal, mais ses collègues engagés dans des luttes serrées à Québec et en région la trouveront peut-être moins drôle. Les électeurs n'aiment pas qu'on fasse injure à leur jugement. Selon le dernier sondage Léger Marketing, 28 % des Québécois estiment que M. Dumont ferait le meilleur premier ministre. M. Arcand les a en quelque sorte déclarés coupables par association.
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Dans l'entourage du premier ministre, on est bien conscient d'avoir donné un coup de pouce à l'ADQ, dont la progression inquiète, mais M. Charest ne voulait pas fustiger publiquement sa nouvelle recrue.
Après tout, le seul tort de M. Arcand est d'avoir pris ses consignes un peu trop au pied de la lettre. Après avoir dénoncé à l'unisson l'immaturité et le manque de jugement d'André Boisclair, tous les ministres libéraux s'étaient donné le mot pour accuser M. Dumont de chercher à diviser la société québécoise.
M. Charest ne commente peut-être pas les sondages, mais il sait très bien les lire. Peu importe les nuages d'encens dont il s'enveloppe, les électeurs demeurent profondément insatisfaits de son gouvernement parce qu'il n'a pas tenu ses promesses.
En ce qui concerne les baisses d'impôt, la plate-forme qu'il a dévoilée hier a des allures de mea-culpa, mais les nouveaux engagements très audacieux en matière de santé ressemblent plutôt à une fuite en avant: comment croire que le gouvernement sera capable du plus dans un deuxième mandat alors qu'il a été incapable du moins pendant le premier?
Devant ce mur d'incrédulité, leur bilan et leur plate-forme risquent de ne pas être d'une bien grande utilité pour les libéraux, qui ont tout intérêt à faire porter le débat sur les personnalités plutôt que sur les idées. Bref, jouer l'homme plutôt que la rondelle.
«S'unir pour réussir le Québec de demain», proclame le nouveau slogan du PLQ. «S'unir» est le mot clé. Un gouvernement Boisclair diviserait le Québec entre souverainistes et fédéralistes. Mario Dumont cherche à dresser les «pure-laine» contre les immigrants, la campagne contre la ville. Bien entendu, M. Charest est le rassembleur.
Il faut être culotté. Durant les trois premières années de son mandat, le gouvernement a été le principal facteur de désordre au Québec. Six mois après les élections, des dizaines de milliers de parents inquiets de l'avenir des CPE sont descendus dans la rue. La crise étudiante a replongé le Québec dans la fièvre de mai 1968. Le projet de centrale thermique du Suroît et la vente du mont Orford ont provoqué une mobilisation sans précédent dans les annales de la protection de l'environnement. C'est à croire qu'il y a aussi un «nouveau PLQ».
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Il faut reconnaître que M. Charest a au moins réussi à en rafraîchir l'image. Malgré la gaffe de M. Arcand, les nouvelles «vedettes» présentées cette semaine par le PLQ ont nettement éclipsé celles du PQ. Le politologue Guy Lachapelle est sans aucun doute un homme de qualité, tout à fait ministrable, mais il n'a pas la notoriété de l'ancien président de Corus, de l'ex-journaliste Christine Saint-Pierre ou de la présidente du Conseil de la famille et de l'enfance, Marguerite Blais.
L'ancien président de la CSN, Marc Laviolette, serait plutôt un cas de publicité négative. À défaut de pouvoir l'écarter complètement, on a au moins fait en sorte de le caser dans un comté où les chances de victoire du PQ sont très minces.
La perte de Laurier-Dorion à l'élection partielle du 20 septembre 2004 avait été le prix à payer pour la mise à l'écart de Christos Sirros lors de la formation du cabinet Charest. La candidature d'un jeune avocat membre du conseil d'administration de la Fondation hellénique du Canada, Gerry Sklavounos, devrait assurer le retour de cette circonscription à forte proportion allophone dans le giron libéral.
À deux reprises depuis un an, le PQ a écarté au profit de vedettes la candidature de jeunes gens issus de la communauté haïtienne dans des comtés où ils auraient vraiment pu être élus. Le PLQ, lui, a confié sa forteresse de Viau à un comptable agréé né en Haïti, Emmanuel Dubourg.
«Nous voulons un reflet de la société québécoise à l'Assemblée nationale», a déclaré M. Charest. Jusqu'à nouvel ordre, il ne faut pas compter sur le PQ pour y parvenir. Si tant est qu'il y ait une «équipe de rêve», ce n'est pas celle d'André Boisclair.
mdavid@ledevoir.com


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