Voyant de la grève : l’élection de l’abdication

Chronique d'Élie Presseault

Semble-t-il que nous ne générons pas de grands politiciens à l’heure actuelle au Québec. Ce serait se méprendre quant au rôle joué par les médias de masse. Pendant longtemps, ces derniers médias ont cru pouvoir contenir les aspirations du peuple et les détourner aux intérêts des réseaux affairistes. Les vagues des Indignés et la longue grève du printemps érable ont permis à une nouvelle génération citoyenne de s’affirmer et revendiquer un avenir meilleur. Plus que jamais, la redistribution des richesses est une pierre d’assisse sur laquelle les étudiant-e-s québécois-e-s débattent de l’éventualité d’une gratuité scolaire à venir.
Comme de raison, il n’y avait pas grand-chose à espérer du gouvernement liberal. Qu’importe, la volonté d’en découdre avec son bilan de neuf années au pouvoir fut au rendez-vous. La perspective d’une élection imminente nous renseigne sur son compte : le peu d’envergure démontré par le gouvernement nous incite à croire qu’il a abdiqué quant à son devoir de régler la grève étudiante. S’en remettant aux citoyens pour tenter de museler l’opposition sans cesse renouvelée à son endroit, le gouvernement John James mise une énième fois sur la division du peuple pour surmonter une faiblesse pathologique.
Grand survivant devant l’éternel, l’actuel gouvernement incarne le revers du collaborationnisme. Échappant pour l’instant élection après élection à son trépas, certains se plaisent à dire que le premier ministre est un chat ayant neuf vies. Contredisant les aspirations et les intérêts de la nation québécoise, ce dernier gouvernement n’est que l’ombre du Parti libéral au temps de la Révolution tranquille. Misant sur la candidature d’Eleni Bakopanos pour redorer le lustre d’un gouvernement de fin de régime, nous ne pouvons dire que le parti pèche par excès d’attraction de candidatures de prestige.
Alors que les étudiants font les frais d’une campagne de peur entreprise de longue date par les sinistres au pouvoir auprès de l’opinion publique, nous assistons à la reprise du long souffle de la grève étudiante. Plus Gabriel Nadeau-Dubois et la CLASSE sont visés par leurs dénigreurs, plus ils démontrent leur capacité de résilience. Nous ne comptons plus les fois où les coups fourrés furent ménagés afin de mettre la grève sous le boisseau des priorités de l’actualité politique. Traiter de la grève, comme on le ferait à la manière d’un cache-sexe ne donnera vraisemblablement pas de résultats probants.
Si la CLASSE n’a pas de cache-sexe pour nous assurer de son triomphe, elle est étonnamment sage par la manière dont elle aborde les enjeux de la présente élection. Refusant de signifier quelque appui officiel envers un parti, elle n’entend pas pour autant s’abstenir de participer à la présente campagne politique. Individuellement, je diverge de vues sur l’importance stratégique d’appuyer tel ou tel parti. Sans dire «à la vie, à la mort», je me dois d’appuyer implicitement le parcours d’Option Nationale.
Aujourd’hui même, je constate que nous sommes à un chemin de traverse politique. Pendant quelques saisons, la CAQ a végété entre le statut de groupe politique et de parti officiel. Tout autant le départ de François Legault et de certaines figures de droite au sein du PQ aura permis un changement de conjoncture qui pourrait à terme se traduire par une offre politique renouvelée de la part du PQ, nous constatons tout de même un vieillissement des partis déjà établis. Option Nationale gagne en pertinence à mesure que de plus en plus de gens sont lassés de la tiédeur des partis établis sur la question nationale.
Dans l’ensemble, l’élection à venir comportera sa part de dilemmes. Tout comme depuis 2007, chaque élection du palier provincial québécois a permis de voir une dynamique à l’œuvre. L’ADQ ayant échoué à démontrer sa pertinence comme alternative au pouvoir, François Legault et Pauline Marois ont maintenant le fardeau de la preuve à livrer aux électeurs. À terme, nous saurons qui, du PQ et/ou de la CAQ, saura survivre au-travers des épreuves.
Pour ma part, c’est un mal pour un bien : la double création de la CAQ et d’Option Nationale m’inculque toujours d’aller au-devant d’une conjoncture qui se dessine à moyen et long terme. Pour le court terme, l’éventualité de voir un gouvernement PLQ reporté au pouvoir risque de comporter une usure de plus en plus perceptible de son pouvoir. Dans le cas d’une élection d’un gouvernement du PQ, nous accélérerons peut-être – je dis bien peut-être – la concrétisation de certaines revendications. Chose sûre, nous n’avons pas les mêmes sensibilités que nous aurions à Option Nationale ou encore chez Québec solidaire.


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    26 juillet 2012

    Monsieur Presseault,
    Il y a un article intéressant sur le printemps érable par monsieur Jean-Claude Ravet qui complète bien votre article:
    http://www.cjf.qc.ca/fr/relations/article.php?ida=2941

  • Archives de Vigile Répondre

    24 juillet 2012

    Je suis entièrement d'accord avec le commentaire précédent. Le choc que vont subir les deux vieux partis risque d'être trop grand pour qu'ils ne changent pas en profondeur. Ce qui n'est pas mal en soi.

  • Archives de Vigile Répondre

    22 juillet 2012

    Il n'est pas "normal" qu'avec un gouvernement libéral si impopulaire, le PQ ne soit pas plus haut que cela dans les intentions de vote.
    La raison est fort simple : Pauline Marois ne passe pas la rampe.
    Conclusion : un gouvernement minoritaire pourrait nous permettre de nous débarrasser à la fois de Charest et de Marois et tant qu'à y être de Legault par la même occasion.
    Cela nous prend du sang neuf et de nouvelles idées. Dehors les vieilles picouilles!