Pour la gratuité scolaire

Redresser les vertus d’un exercice de démocratie

Chronique d'Élie Presseault

Je vous soumets par la présente une enième missive que j'ai envoyée au journal Le Devoir en réponse aux propos de Karl W. Sasseville qui avait écrit la semaine passée dans leurs pages. Comme à leur habitude, le journal ne semble pas vouloir donner tribune à une diversité idéologique. Faut vraiment avoir fait ses preuves avant même daigner penser que le journal donnera suite à nos lettres d'opinion. Heureusement que Vigile.net existe.
Voici l'objet de mon intervention qui, au reste, répond aux contorsions idéologiques d'un étudiant qui croit bien appliquer ce qu'on enseigne à communiquer platement comme instructions politiques :
«Non seulement vous rejetez d’emblée le point de vue adverse représenté selon vous par l’antéchrist que serait Gabriel Nadeau-Dubois, rejoignant en ce point les leçons de quelque mentor en puissance Karl Rove. Tout diplômé en communication et politique je suis de l’Université de Montréal, j’ai pris une tangente poétique dans la poursuite de mes études littéraires à l’UQAM. Si «assurer la santé économique nécessaire» se passe de commentaires idéologiques, nous pouvons percevoir une connotation qui tend vers la marchandisation de l’éducation : «promouvoir le progrès social» au contraire d’en faire une réalité effective, «toutes mesures visant à diminuer les inégalités économiques et sociales» plutôt que de gommer ces mêmes inégalités quand l’étudiant est sur les bancs de l’école, et de revenir au credo de la «santé économique nécessaire» versus l’endettement perpétuel des diverses cohortes étudiantes.
Si selon vous viser à une égalité sociale tient de l’obsession, revenons sur cette assertion selon laquelle «personne ne souhaite que la qualité de l’enseignement universitaire diminue». Expliquez-nous comment vous envisagez la perspective d’une baisse des effectifs sur les bancs de l’université? La gestion à la petite semaine et le sabrage dans les services dits publics met en relief ce contexte de sous-financement des institutions postsecondaires québécoises. Peu importe ce qu’en dira le gouvernement et les commentateurs apôtres du principe de l’utilisateur-payeur, le sous-financement est entretenu en sous-main par ce même gouvernement, les gestionnaires qu’il nomme au sein des conseils d’administration des universités québécoises, et vise à dévitaliser la pérennité de ces mêmes institutions. Investir dans des éléphants blancs de béton, couper à blanc dans l’offre de cours et des services destinés aux étudiants, et emprunter une logique de concurrence propre à l’entreprise privée met en péril la mission de l’université dans la communauté.
Pour reprendre le sentier d’une dérive gestionnaire, vous enchérissez sur la notion d’oppression. Vous vous appuyez sur la légitimité d’un gouvernement qui aura été reporté au pouvoir alors qu’il sentait le tapis lui glisser sous les pieds. Sondant 57% de participation électorale, recueillant 42,08% des suffrages exprimés – à peine 24% de représentativité sur un plan collectif – et dissimulant les pertes sèches de 40 milliards$ de la Caisse de dépôts et placements du Québec, il sera allé jusqu’à repousser la vérité à l’encontre des signaux d’alarme dressés. Depuis lors, la vague antidémocratique s’est poursuivie. Sous prétexte de gérer l’économie les deux mains sur le volant, nous voyons la déroute du mandat confié. Contrairement à vous, je ne vanterais pas le «processus [démocratique] infiniment plus transparent» du gouvernement qui s’est faufilé au profit d’une troisième élection consécutive dans un court laps de temps – contexte de l’élection canadienne fédérale du 14 octobre 2008, de la campagne présidentielle états-unienne culminant au mois de novembre de cette même année et des élections provinciales québécoises du 8 décembre suivant.
Vous opposez l’oppression à la notion de démocratie scolaire et de légitimité d’un mandat de grève. Comme personne sourde, j’ai eu à faire face aux multiples rouages en matière de représentation citoyenne. Savez-vous par exemple que le gouvernement, qui prône l’intégration scolaire de l’ensemble des étudiants, ne finance pas les services d’interprétation en Langue des signes québécoise que je requiers lorsque des événements se déroulent en dehors du contexte normal de la dispensation des cours? Ainsi, théoriquement, je devrais mettre une croix sur toute implication parascolaire et dire adieu à toute participation dans les associations étudiantes? Heureusement, les associations étudiantes auxquelles j’ai pris part m’ont permis d’user de certains droits démocratiques. Ainsi, j’ai pu participer à bon nombre d’assemblées générales – dont celle de l’association étudiante de Communication et politique de l’Université de Montréal –, être tenu informé de l’actualité de certaines luttes étudiantes, et voter en toute connaissance de cause des mandats confiés.
Vous me voyez sensible à l’étalage d’une vérité. La démocratie étudiante est viable lorsqu’elle repose sur l’exercice actif des droits étudiants, contrairement à la notion d’achat de droits et/ou de votes. Lorsque nous réfléchirons à esprit reposé, vous serez à même de voir les avantages de participer aux assemblées étudiantes. Loin de moi l’idée de prétendre que vous ne participez point aux assemblées, disons plutôt qu’un vote pris en toute connaissance de cause reflète davantage le souci d’une représentation effective des enjeux en cours. Pouvons-nous dire que les enjeux étudiants sont tout autant médiatisés que les programmes gouvernementaux? D’expérience, je peux affirmer que j’accorde plus de poids à ce qui se passe dans le contexte d’une assemblée et de l’exercice de démocratie directe conséquent.
Si vous prétendez quelque «malaise» à ce qu’un référendum ne soit point préconisé à tout bout de champ, je ne pousserai quand même pas l’injure jusqu’à assimiler la «dictature» à une «démagogie». Un vote dans le contexte d’un mandat de grève scolaire doit-il être absolument secret, dans les urnes et universel pour être considéré comme seul valide? Tout comme nous avons préconisé en certaines assemblées, nous attendrons l’éventualité d’une offre valable du gouvernement pour nous prononcer collectivement. Étant donné que nous aurons à traverser collectivement les prochains écueils démocratiques, nous osons espérer que la démocratie saura être affranchie des œillères dont vous l’affublez à l’instar de l’actuel gouvernement en mal de matraquer, épeurer et aveugler.
Élie Presseault, étudiant en Études littéraires UQÀM»
Par la présente, je vous invite également à lire ce que j'ai publié comme poèmes depuis quelques semaines dans le contexte de cette même grève scolaire :
Jamais deux sans t-r-oi-s
Gare à toi
La main
En outre, mon professeur de création poétique avait écrit ceci avant même que j'écrive «La main» :
Sept tons de rouge
Que Mme Beauchamp et consorts le comprennent bien, nous réfutons toute prétention en mesure de diktats. Nous sommes pour la gratuité scolaire et bien évidemment contre la hausse. Nous continuerons à militer en ce sens.


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